L’antisémitisme islamique a-t-il une nouvelle fois frappé à Rouen ? L’enquête le dira. En attendant, l’affaire de l’Algérien sous OQTF abattu par la police alors qu’il s’en prenait à la synagogue de la ville est venue rappeler les résultats ridicules de l’exécutif en matière d’expulsions.
Vendredi 17 mai, au petit matin, un homme a mis le feu à la synagogue de Rouen (76). Algérien, sous OQTF, il a été abattu peu après alors qu’il voulait attaquer les policiers, intervenus rapidement, en même temps que les pompiers, grâce à l’alerte donnée par la vidéoprotection. Par bonheur, malgré l’ampleur des dégâts les rouleaux de la Torah sont restés intacts. Construit en 1950 rue des Bons-Enfants, l’édifice religieux se situe à quelques pas de la célèbre place du Vieux-Marché.
D’après le ministre de l’Intérieur, l’incendiaire s’était vu refuser une demande de titre de séjour en France et, après de longues procédures de recours, finalement notifier un refus définitif en janvier dernier. Disposant alors d’un mois pour quitter de lui-même le territoire, conformément à la procédure en vigueur, il n’était évidemment pas parti mais avait au contraire profité de ce délais pour disparaître tout en restant en France. Il était, depuis, inscrit au fichier des personnes recherchées.
À ce propos, rappelons simplement qu’en novembre 2019, interviewé par Valeurs Actuelles, Emmanuel Macron promettait que 100% des OQTF seraient exécutées. En 2023, le taux d’exécution de ces mesures fut de… 6,9%.
L’enquête, espérons-le, permettra d’établir les motivations exactes de l’incendiaire. En attendant ses conclusions, la prudence s’impose. Pour autant, s’il est heureux que la condamnation d’un acte de toute évidence antisémite soit unanime (du moins officiellement), on ne peut s’empêcher de songer à la fameuse citation apocryphe de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les conséquences dont ils chérissent les causes. » Sa véritable formulation est ici encore plus appropriée : « Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit. »
Et cela fait quarante ans qu’on l’approuve et qu’on y souscrit.
À Rouen, le maire socialiste a déclaré devant l’Hotel de Ville à 18 heures hier soir : « La bête immonde a frappé. S’attaquer à une synagogue, c’est s’attaquer aux juifs, c’est donc s’attaquer à nous toutes et tous, à la République ».
Après l’IVG qui n’était pas utile puisque protégée par la loi, l’Elysée veut nous imposer une nouvelle révision constitutionnelle sur le collège électoral en Nouvelle-Calédonie. Ces questions délicates et secondaires étaient très éloignées des préoccupations des Français… mais voilà que nous nous heurtons donc dans le Pacifique à des Kanaks pas forcément très pacifiques… Analyse.
Quand cessera-t-on de tripatouiller la Constitution pour un oui pour un non ? Il y a d’autres façons, Monsieur le président Macron, de marquer son mandat et l’histoire. Et de ménager votre sortie de celle-ci. Car c’est à cela, à ce stade du mandat, qu’il vous faut dorénavant penser. Comme d’autres de vos prédécesseurs, cela va devenir obsessionnel !
Lors de son premier mandat Emmanuel Macron avait fait adopter le 28 août 2019 en Conseil des Ministres trois projets de texte très intéressants et constituant une réforme notamment du fonctionnement parlementaire : réduction de 25% du nombre de parlementaires (à 433 députés contre 577 actuellement et à 261 sénateurs contre 348 actuellement), introduction de la proportionnelle pour l’élection des députés (20 %), limitation du cumul des mandats dans le temps (trois mandats identiques pour les parlementaires et les exécutifs locaux). A noter que certains de ces projets avaient déjà été adoptés en Conseil des Ministres dès 2018. Lesdits textes ont donc été déposés au Parlement le 29 août puis plus rien… L’an passé pour les 65 ans de la Constitution, le président a relancé l’idée d’une révision. Mais visiblement tant le Sénat que l’Assemblée ne veulent pas d’une réforme globale. Alors le chef de l’Etat préfère user de révisionnettes : IVG et Nouvelle-Calédonie. IVG ? A notre sens la loi courageusement portée par Simone Veil, suffisait à elle seule à protéger ce droit devenu fondamental pour des milliers de femmes. Alors oui, certains pays, dont le sens démocratique s’amenuise de plus en plus, reviennent ou tentent de revenir sur l’IVG. Mais la France, si elle a reflué dans pas mal de domaines (déficit, sécurité, immigration illégale) n’est pas de ceux-là. Alors, le Parlement, et notamment le Sénat, ont joué le jeu. Les femmes sont ainsi constitutionnellement protégées et c’est peut-être l’essentiel de la révision.
Le régime électoral farfelu de la Nouvelle-Calédonie
Nouvelle-Calédonie ? En vertu du très généreux accord de Nouméa du 5 mai 1998 est mis en place la revalorisation de la culture kanak (statut coutumier, langues, etc.) et la création de nouvelles institutions (y compris un régime électoral nouveau). Surtout le texte prévoit un processus de transfert progressif et irréversible de compétences à la Nouvelle-Calédonie avant le référendum d’autodétermination. Ce statut confortable fait même l’objet d’un nouveau titre constitutionnel, le XIII : des dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie instauré en juillet 1998. Ce ne sont pas moins de trois référendums qui vont se dérouler (2018, 2020 et 2021). A chaque fois les indépendantistes kanaks échouent. On ne peut faire plus démocratique, non ? Pas un seul territoire de France n’a autant voté en si peu de temps ! Avec l’aval de l’Elysée, Gérald Darmanin a décidé d’une réforme constitutionnelle examinée à l’Assemblée nationale, qui vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie, aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l’île. Même si elle peut paraitre légitime, voilà une idée bien inopportune. Résultat ? Les émeutes sévères que l’on connait déclenchées par les kanaks qui, comme de coutume, s’estiment lésés. C’est exactement comme pour l’intégration d’un statut corse dans la Constitution. L’île de beauté est déjà la collectivité qui a le plus d’avantages au sein de notre République. Au mépris d’ailleurs de l’égalité qui doit exister entre lesdites collectivités. A part les Calédoniens et les Corses eux-mêmes, leur statut intéresse qui ? C’est loin d’être le souci majeur des Français, c’est une évidence.
Les positionner ainsi dans notre Constitution obéit exclusivement à de l’opportunisme. Ou alors c’est une façon d’acheter la paix dans ces contrées. C’est mal embarqué en Nouvelle-Calédonie qui est certainement l’île d’outre-mer où se pratique le plus de racisme antiblanc.
Emmanuel Macron n’est pas le premier à avoir voulu instaurer des révisionnettes. Sur les 24 révisions qu’a connu à ce jour la Ve, il y a eu quatre ou cinq essentielles (élection du président au suffrage universel direct sous de Gaulle ou saisine du Conseil Constitutionnel par des parlementaires sous VGE, Question prioritaire de constitutionnalité sous Sarkozy par ex). Le reste sont mineures voire des revisionnettes. C’est-à-dire qu’elles n’influent en rien notre système institutionnel mais se font sur la base de l’émotion ou du bon vouloir du Prince. Et on a échappé en juillet 2021 au référendum pour inscrire le climat dans la Constitution ! Eh oui, au plus haut sommet de l’exécutif, on avait eu cette idée « géniale » dans la droite ligne du rapport de la Convention Citoyenne sur le Climat. Oubliant un petit détail : il existe déjà dans la Constitution de 1958, la Charte de l’Environnement de 2004 imposée par Jacques Chirac. Au titre de ces bizarreries constitutionnelles, peut-être un jour verrons-nous apparaitre dans notre loi fondamentale, le droit au transgenrisme ou à la binarité ?…
L’avenir de la France dans le Pacifique est ici en jeu
Revenons sur l’outre-mer. La France dispose de 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) : il s’agit de l’étendue de mer ou d’océan entre les eaux territoriales et les eaux internationales, sur laquelle un État riverain jouit de l’exclusivité d’exploitation des ressources. Pour la France, 97 % de la ZEE correspond à l’outre-mer. La France se hisse ainsi à la deuxième place des puissances maritimes mondiales et se situe juste derrière les États-Unis et avant l’Australie.
Il va falloir un jour se poser sérieusement la question de ce que l’on compte faire de tout cette outre-mer. Nous sommes le seul pays de l’UE à conserver ce que Napoléon 1er appelait les « confettis d’empire ». Le Portugal, l’Espagne, la Grande-Bretagne ou encore les Pays-Bas s’en sont séparés. La France reste déterminée à conserver ces vestiges impériaux de façon quasi napoléonienne, se démarquant de la politique postcoloniale des autres pays occidentaux. Bien évidemment, comme en Afrique noire ou du nord, tout le confort de vie et le développement dans ces endroits ont été amenés par la France. Il y a eu, on ne peut le nier, des comportements coloniaux contestables. Mais le bilan est plus largement marqué par des points positifs que négatifs.
Les DOM-TOM sont loin de la métropole, ils sont extrêmement coûteux et ne produisent pratiquement rien d’utile (sauf le tourisme, et quelques cultures). Hormis un peu en Guyane (or) et en Nouvelle- Calédonie (nickel), les sous-sol sont sous (voire plus) exploités. Soyons lucides, leur seul rôle est de faire briller encore la gloire de la République française. Ou ce qu’il en reste. Certes les DOM-TOM donnent à la France l’honneur d’être la « deuxième puissance maritime du monde ». A en croire le Pr Aldrich, de l’Université de Sydney (co-auteur avec John Connell (France’s Overseas Frontier ; Départements et Territoires d’outre-mer, Cambridge University Press, 1992) « d’une certaine façon, c’est comme avoir de vieux bijoux de famille dont on n’arrive pas à se débarrasser ». Quant à savoir pourquoi la France n’a jamais lâché ses coûteux partenaires coloniaux, comme les Britanniques l’ont fait, c’est un peu plus compliqué. Au-delà d’une « mission civilisatrice » avancée par certains, l’argument principal est l’aspect stratégique de certains territoires (Guyane, Calédonie en particulier).
Le coût de l’Outre-mer
Et puis n’oublions pas aussi les avantages dont jouissent nos fonctionnaires insulaires. Ainsi les professeurs bénéficient de 30% d’indemnité de résidence. Ceux qui sont à l’Université peuvent caler tout leur service (192h) sur un semestre et rester sur le continent le reste de l’année. Il existe aussi des primes diverses (éloignement par ex). Chaque jour, les vols d’Air France au départ et à destination de Paris sont remplis d’hommes et de femmes d’affaires bénéficiant d’avantages salariaux analogues. De même, les habitants des DOM-TOM qui veulent étudier en France obtiennent sans peine une place à l’université, ainsi que des billets d’avion gratuits pour rentrer chez eux tous les étés. Peut-être y a-t-il aussi « une sorte de contrat moral entre la France et tous ses départements d’outre-mer » note le professeur Pritchard…
Il n’en reste pas moins que l’ensemble de cette outre-mer a un coût. Nettement supérieur aux avantages d’ailleurs. Pour le budget 2023, tous ministères compris, l’effort budgétaire global de l’Etat en outre-mer s’élève à présent à 20,0 Md€ en autorisations d’engagement et 21,7 Md€ en crédits de paiement en 2023, soit une hausse de 500 M€ en AE (autorisation d’engagement) et en CP (crédits de paiement) par rapport à 2022. Si on additionne, basiquement, cela fait 41, 7 Md d’euros.
Dans chacune de ces îles existe, plus ou moins ancrées, depuis des décennies et des générations, une volonté d’indépendance. Elle est aussi plus ou moins exprimée. Mais aucune d’entre elles ne serait financièrement capable de s’assumer. A cet égard elles sont liées à la France par une sorte de cordon ombilical. Mais à la différence du nouveau-né qui s’ouvre à la vie dès qu’il est coupé, si l’on coupait celui des DOM-TOM ce serait la chronique d’une fin annoncée.
Pour trancher cela, nous songeons à une procédure constitutionnelle simple et claire : le référendum. En Nouvelle-Calédonie, l’Etat français n’a pas su faire respecter les trois résultats qui ont (malheureusement ?) rejeté l’indépendance. Dès lors il serait opportun d’organiser des référendums dans chacun des territoires de nos outre-mer qui a des velléités d’indépendance. Si le oui l’emporte, on donnerait un temps pour s’organiser (un an) avant le départ définitif du « colon ». Notamment pour savoir comment régler les aspects financiers. Le nerf de la guerre pour s’assumer. C’est tellement facile de crier haro sur la France mais de se laisser entretenir par les subsides abondants qu’elle déverse. Nous avons envie de rappeler un slogan politique des années 90 : « la France aimez-la ou quittez la »… Et une fois qu’ils seraient indépendants, libres à eux de s’autogérer (on ne donne alors pas cher de leur peau) ou de passer des accords avec des pays voisins un peu moins démocratiques que la France à certains endroits. On pense ici à Wallis et Futuna mais surtout à la Nouvelle-Calédonie proches de l’Australie (très stricte sur l’immigration) mais aussi, plus éloignée, de la Chine… Cette dernière cherche toujours des opportunités pour se développer. Mais le joug chinois serait plus dur à endurer que le « colonialisme » à la française…
Les sondages qui se succèdent depuis des mois démontrent les uns après les autres que l’inflation, le pouvoir d’achat, la sécurité sont les principales priorités des Français, loin devant la guerre en Ukraine. Et à des années lumières de révisions constitutionnelles sans intérêt et de l’avenir de la Corse ou de la Nouvelle-Calédonie. Il vous reste à peine trois ans pour revenir aux fondamentaux Monsieur Macron…
Emmanuel Leclercq a une trajectoire peu commune. L’animateur de Devenir pour agir, enseignant, essayiste et philosophe, raconte son parcours et répond aux questions de Philippe Bilger.
Si j’ai soumis à la question Emmanuel Leclercq, c’est pour sortir, me sortir des dialogues trop confortablement médiatiques.
Ce jeune philosophe de 41 ans a eu des origines extraordinaires et son parcours exceptionnel montre à quel point il ne faut jamais sous-estimer les hasards miraculeux de la vie et de la générosité humaine. Abandonné en Inde dans une poubelle à l’âge de 10 jours, il a été recueilli par Mère Thérésa puis adopté par des parents catholiques qui, en plus de lui, ont accueilli quatre autres enfants de diverses nationalités.
Personne de cette progéniture n’a mal tourné en raison des valeurs transmises et de l’éducation reçue. Une très belle et éclairante histoire humaine qui méritait bien un coup de projecteur sur elle.
Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).
Sur les difficultés scolaires :« J’ai toujours eu des difficultés intellectuelles. J’ai souffert étant très petit de malnutrition, ce qui m’a procuré des carences. J’avais des mauvaises notes à l’école, je travaillais et je n’y arrivais pas. Mon prof principal me proposait d’arrêter les cours et de devenir groom. Ça ne m’a pas empêché de faire 16 ans d’études par la suite. »
Activités périphériques :« Ma passion est de démocratiser la philosophie, de la rendre accessible. J’ai donc fondé ‘Devenir pour Agir’, la première émission française d’interview philosophique. »
Conscience d’une destinée exceptionnelle :« Non, toute vie est singulière, particulière, toute vie est unique. J’ai conscience de la chance d’avoir été sauvé. Je veux qu’aujourd’hui ma vie, soit un cadeau pour mes parents qui m’ont donné la vie, même si je ne les connais pas. »
Sur l’éducation et la nouvelle génération :« J’aurais pu mal tourner. J’ai eu la chance de grandir dans une famille croyante, pratiquante et soudée. Nous sommes arrivés dans une nouvelle génération, et aujourd’hui, il faudrait rééduquer les parents, les remettre à leur place. » « Certains élèves me racontent leur vie de famille. Ils sont accablés. L’école, le lycée, est un sas de respiration pour ces jeunes. »
Sur la délinquance : « ‘Mais Ms’ieur, vous foutez quoi ici ? ’ m’a déjà lancé un élève perturbateur, avec les ricanements de toute la classe. Je lui ai répondu après un instant de silence : ’Merci d’exister’. Il a été marqué et m’en a parlé en fin d’année, jamais ses parents ne lui avaient dit ça. » « Il faut comprendre les jeunes, dans toute leur histoire, c’est l’une des clés pour aider les plus violents. Il ne faut pas leur demander pourquoi ils font ça, on peut facilement le savoir. Il faut leur dire : qu’est-ce que ça t’apporte ? Je dis souvent aux jeunes qu’ils sont des cadeaux pour l’humanité. »
Conception de la vie et de la société :« La vie est un combat, on n’a rien sans rien. Si on veut réussir, il faut travailler. Beaucoup de nos professeurs veulent faire réussir les élèves, je suis contre. J’essaye de les aider à s’épanouir. C’est parce qu’ils s’épanouissent qu’ils réussiront. »
Confirmation : la race obsède les antiracistes. Les voici, CGT en tête, en soutien aux Canaques qui, devenus démographiquement minoritaires (39%) en Nouvelle-Calédonie, refusent le métissage, la société multiculturelle, le droit de vote démocratique et ne cachent rien de leur violente détestation des blancs.
Du paradis au cauchemar diversitaire
Un même refus de vivre ensemble est revendiqué par ceux des musulmans qui, encouragés par l’extrême-gauche, approuvent le Hamas terroriste et judéophobe. Les Canaques comme les Palestiniens alignent toutes les caractéristiques qui devraient faire d’eux, aux yeux des promoteurs du nomadisme et de la créolisation, des peuples « nauséabonds » dans leur désir d’exclure l’altérité au nom de l’enracinement. Ces diabolisations sont en tout cas réservées à ceux qui, en France, osent seulement s’inquiéter des effets d’une immigration de remplacement.
Mais il suffit de se dire « colonisés » pour être absout. Ce prétexte, avancé par les terroristes canaques, leur doit d’être glorifiés, par la gauche perdue, dans leur combat identitaire et leur refus de disparaître. La colonisation est avancée semblablement par le Hamas, alors même qu’Israël a quitté Gaza en 2005. Dans les deux cas, le rejet de l’homme blanc occidental est la condition qui autorise toutes les expressions anti-françaises, anti-israéliennes, xénophobes, antisémites. Les mouvements antiracistes ne trouvent évidemment rien à redire à la mise au rebut du blanc, en raison de sa peau.
Déjà cinq morts en Nouvelle-Calédonie
Cependant, une seconde confirmation découle de la primauté de la race chez les antiracistes : la société ouverte à ses ennemis est porteuse de guerres civiles. Le paradis diversitaire, louangé par le progressisme macronien, est perméable aux conflits ethniques ou religieux. Ces guerres civiles ont déboulé à Mayotte et plus dramatiquement en Nouvelle-Calédonie, où cinq personnes ont déjà été tuées ces derniers jours, dont deux gendarmes.
C’est également une guerre civile à bas bruit qui, attisée cette fois par l’islam guerrier et une délinquance armée qui lui est acquise, accélère ses répétitions en métropole, en profitant d’un Etat dépressif, aboulique. La perspective d’une « guerre civile qui vient », titre d’un essai (2016) de votre serviteur, se rapproche. Ce vendredi matin, la synagogue de Rouen a été la cible d’une tentative d’incendie par un individu qui a été tué par la police. Mardi, à Paris, c’est le mur des Justes (où est inscrit le nom de mon oncle, le capitaine Henri Rioufol, pour son aide à une famille juive durant la guerre) qui avait été profané. Le chaos peut-il encore être évité ? Dans l’immédiat, l’Etat se doit de réprimer les insurgés canaques s’il veut retrouver son crédit, à charge pour lui, ensuite, de ne pas humilier inutilement un peuple dans son désir de survivre. Mais l’issue de la séparation territoriale, option qui s’installe entre Israéliens et Palestiniens, ne doit pas être non plus écartée par principe. Je serai en Israël ces prochains jours, là où se joue actuellement la guerre contre l’Occident forcément coupable.
Les récentes élections en Catalogne et au Pays basque compliquent encore la vie politique espagnole. Si les partis indépendantistes qui dirigeaient la Catalogne depuis une décennie ont perdu dimanche 12 mai leur majorité au Parlement régional, le socialiste Pedro Sanchez est loin d’être tiré d’affaire. La possible amnistie des indépendantistes catalans fracture son pays.
Comme il se le devait, le chef socialiste du gouvernement espagnol Pedro Sanchez s’est bien sûr félicité du succès de son parti à l’élection du parlement catalan du 10 mai… mais sans plus. Visiblement bien conscient que cette victoire n’était en réalité qu’un trompe-l’œil. Elle a en effet engendré un imbroglio politique plus complexe à résoudre que la quadrature du cercle.
Certes, avec ses 28% des voix, soit un gain de 5 points par rapport à la précédente consultation de 2021, le Parti socialiste catalan (PSC), simple filiale du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), peut se targuer d’être le premier parti de la province autonome. Il est passé de 33 à 42 élus, loin cependant des 68 sièges que requiert la majorité absolue. Dès lors pour gouverner, il lui faut s’allier. Avec qui ? C’est là que l’affaire vire au casse-tête.
Avec la droite ? Hors de question par principe et aussi parce que le Parti populaire (PP) et Vox – comme dans la Communauté basque autonome – ne sont qu’une force marginale, même si le premier a fait un bond de 4% à 11%, engrangeant les voix de l’éphémère parti Ciudadanos (une sorte de macronisme local) – sous l’étiquette duquel Manuel Valls avait été candidat à la mairie de Barcelone – et multiplié par cinq sa représentation qui est passée de trois à 15 élus… dans une chambre de 135 sièges. Quant à Vox, il reste stable frôlant les 8% et conservant ses 11 sièges. La droite espagnoliste totalise seulement 26 sièges.
Et revoilà… Carles Puigdemont
Donc, ne reste aux socialistes catalans qu’une issue, un accord avec les nationalistes. Celui-ci ne peut être envisageable qu’au prix d’un renoncement majeur, à savoir la reconnaissance du principe du droit à l’autodétermination. Et c’est là que la victoire socialiste prend la tournure d’une victoire à la Pyrrhus. Bien qu’ayant encaissé un fort tassement, chutant de 21 à 14 % et perdant 13 élus pour n’en conserver que 20, l’ERC (Gauche républicaine catalane) qui était à la tête de l’exécutif jusqu’à ce scrutin qu’il a provoqué en dissolvant le parlement suite au rejet de son budget, en a fait un préalable à toute discussion. Or les deux partis sont très proches sur le plan économique et social.
L’autre parti nationaliste, beaucoup plus radical sur la question de l’indépendance, et classé au centre-droit, très lié au patronat local, Junts per la Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), ne s’est pas prononcé à ce sujet. Mais il ne fait aucun doute qu’il en fait aussi une condition, ou ce serait se renier. C’est lui, sous la houlette de son chef de file alors qu’il était président de l’exécutif catalan, Carles Puigdemont, qui avait organisé le référendum d’autodétermination de 2017, déclaré illégal par la pouvoir central.
Accusé, entre autres, de sédition, Puigdemont s’était exilé en Belgique pour échapper à une incarcération. À nouveau candidat à la tête de Junts, il a été réélu bien que n’étant pas rentré en Catalogne. Il est toujours l’objet de poursuites judiciaires. Il a dirigé la campagne électorale depuis Argelès-sur-Mer (06), Catalogne française, à un jet de pierre de la frontière espagnole.
À la différence de l’ERC, les urnes ont été favorables à son parti. Arrivé second avec 22%, un gain de deux points, engrangeant 35 sièges, soit trois de plus, Junts s’est imposé comme la première force nationaliste. Il devance l’ERC de 8% et n’est qu’à 6% derrière le parti socialiste.
Dès lors, si ce dernier est disposé à payer le prix fort de la reconnaissance du droit à l’autodétermination, une alliance ne pourra pas tenir à l’écart Junts. D’autant que ce parti dispose aux Cortès d’un puissant pouvoir de nuisance. S’il lâche le gouvernement de Pedro Sanchez, il provoque inexorablement des législatives anticipées… à un moment où justement le PPa le vent en poupe dans le reste de l’État espagnol, avec cependant une maigre probabilité d’obtenir une majorité absolue, même avec le soutien de Vox. D’après les sondages pour les européennes, il recueillerait entre 35 et 39% des suffrages, soit une avance de 8 à 10% sur le PSOE. Or, les faiseurs de majorité à Madrid sont les partis nationalistes catalans et basques.
Le recours à cette épée de Damoclès, Puigdemont l’a écartée mais sans totalement y renoncer. Il a proposé en contrepartie une alliance tripartite, socialistes-ERC-Junts. Y ajoutant une condition non négociable : celle d’être reconduit à la présidence de la Catalogne. Ce qui équivaudrait à une réhabilitation, et, pour lui, à une revanche personnelle qui mettrait la justice espagnole dans un sérieux embarras si celle-ci persiste, comme elle en a l’intention, à maintenir ses poursuites au cas où la loi d’amnistie qui doit être prochainement adoptée serait invalidée par la Cour constitutionnelle. Probabilité qui n’est pas à exclure d’après bien des juristes. Comme si à l’imbroglio politique, il fallait ajouter un zeste de bordel juridique. On imagine mal Puigdemont, président de la Catalogne, arrêté et menotté chez lui à l’heure du laitier… Le cas échéant, on serait curieux de savoir ce que dirait la Commission européenne !
D’après le quotidien de droite, très au parfum des coulisses politiques madrilènes, La Razón, Pedro Sanchez, un madré politicien pour qui forcément cynisme et pragmatisme ne font qu’un, un peu à la Mitterrand, inclinerait pour cette « Triple alliance », dans une logique d’un prêté pour un rendu. Il doit à Puigdemont, et à l’initiative en coulisse, dit-on, du Parti nationaliste basque (PNV) d’être le président du gouvernement espagnol (l’équivalent en France à la fois de Premier ministre et en partie de chef de l’État). Aux législatives de 2023, le PSOE s’était classé second. Arrivé premier, le PP n’avait pas trouvé d’alliés pour former le gouvernement. En revanche, Pedro Sanchez, lui, les avait trouvés auprès des Catalans et des Basques, et surtout s’était rallié Puigdemont qui, hier comme aujourd’hui, se retrouve, avec la complicité des urnes, être le maître de jeu d’un poker que d’aucuns peuvent qualifier de menteur.
Les indépendantistes basques pas en reste…
La donne a aussi bougé en Euskadi (Communauté basque autonome) suite à une initiative de Bildu (Ensemble), le parti de gauche nationaliste héritier de la branche politique de l’ETA, qui en recueillant 32,5% des voix, a fait presque jeu égal, pour la première fois depuis la fin de la dictature franquiste, avec le PNV, classé centre-droit, le 21 avril au scrutin pour le renouvellement du parlement de la Communauté autonome. Il a très opportunément remis sur la table le projet d’un nouveau statut d’autonomie, proposition à laquelle le PNV n’est pas resté insensible et s’est dit disposé à en discuter, sans quoi il se renierait.
Ce statut propose principalement la reconnaissance de la nationalité basque, l’établissement d’une relation de type confédéral entre l’exécutif espagnol et basque, et non plus de subordination du second au premier, et, surtout, la mise entre parenthèse de la constitution espagnole en Euskadi où, lors du référendum en 1978 pour son adoption, le non l’avait largement emporté.
Ces élections au parlement basque ont consacré l’hégémonie des deux partis nationalistes. Ils totalisent 68% des suffrages et 72% des sièges de ce dernier qui en compte 75. À l’issue de celles-ci, le PVN et le parti socialiste d’Euskadi (PSE), également une succursale du PSOE, avaient entamé des négociations pour reconduire leur alliance au pouvoir depuis deux mandats soit une décennie.
À la proposition de ce nouveau statut flirtant avec la notion d’indépendance, auquel les socialistes sont réfractaires, Bildu ajoute l’offre d’une alliance tripartite entre PSE et les deux formations nationalistes. Un nouveau nœud gordien pour Sanchez : s’il accepte ces deux « Triple alliance », la catalane et la basque, il entr’ouvre la porte à une recomposition institutionnelle de l’Espagne qui risque de déboucher, à terme, sur la sécession de la Catalogne et de l’Euskadi. S’il refuse, ses jours à la tête du gouvernement pourraient être comptés…
L’enthousiasme général soulevé par les bonnes nouvelles d’investissements massifs dans l’hexagone, dans le cadre du sommet « Choose France », doit être relativisé. Voici pourquoi.
Les portes du château de Versailles viennent de se refermer, clôturant le sommet Choose France dont la 7ème édition se tenait le 13 mai. Pour rappel, cet événement, qui rassemble chaque année grands patrons d’entreprises internationales et membres du gouvernement français, a été mis en place en 2018 par Emmanuel Macron pour soutenir la croissance, l’innovation et l’emploi en attirant des investissements étrangers sur le sol français.
Macron brade-t-il le pays aux grands groupes étrangers ?
Si cette année le thème annoncé lors du communiqué officiel du chef de l’État : « France, terre de champions »[1] peut prêter à sourire, le bilan de la cuvée 2024 semble être à la hauteur de l’annonce et battre tous les records : plus de 15 milliards d’euros d’investissements prévus, 180 patrons présents, 56 projets et 10 000 créations d’emplois en perspective sur le sol français. Au premier regard, nulle ombre au tableau. La logique de réindustrialisation de la France porterait-elle enfin ses fruits ? Dans son tweet du 13 mai sur le réseau social X, le président de la République se gargarise de cette liste de chiffres, gage de la réussite du projet.
Lorsqu’un investisseur choisit la France, c’est bon pour l’emploi et pour la vie de nos régions.
Voilà pourquoi je porte la stratégie #ChooseFrance qui a fait de la France le pays le plus attractif d’Europe.
On pourrait jouer les trouble-fêtes en avançant que cette stratégie qui vise à séduire des entreprises étrangères pour les inciter à implanter ou développer des sites de production a longtemps été l’apanage des pays sous-développés ou en voie de développement. Il ne nous resterait alors plus qu’à nous tourner, avec regrets, vers une époque révolue de prospérité économique où la France ne consommait pas plus que ce qu’elle produisait et n’avait pas besoin de brader son sol et sa main-d’œuvre afin d’être attractive pour les entreprises.
Car, oui, ne nous méprenons pas : si le savoir-faire français, du moins ce qu’il en reste, est probablement mis en avant avec emphase et fierté lors de tels événements, il ne pèse probablement pas lourd dans la balance au regard des avantages fiscaux, crédits ou baisses d’impôts promis par le gouvernement à ces grands groupes étrangers. Qui sont-ils justement ?
Parmi eux, Microsoft, Pfizer, Amazon ou encore FertigHy, spécialiste de la fabrication d’engrais azoté. À la lecture de leurs noms, les applaudissements se font plus discrets. Quels seront les impacts environnementaux de l’implantation de ces gigantesques data centers, entrepôts ou usines d’engrais ? Parmi les avantages promis par le gouvernement, se trouve justement une clause visant à accélérer et faciliter l’implantation de ces sites en passant outre certaines démarches et autorisations sous couvert de « simplification administrative ». Quant aux emplois promis, que valent-ils vraiment ? En 2018, le député et ancien secrétaire d’État au numérique Mounir Mahjoubi alertait déjà sur le fait que pour chaque emploi créé en France, Amazon était responsable de la destruction de deux autres. Peu de chances que ce ne soit plus le cas en 2024, d’autant que l’entreprise affiche toujours un turn-over important au niveau de ses ressources humaines[2].
Nous voilà donc à faire des courbettes devant Microsoft et des ponts d’or à Amazon tandis que des entreprises françaises peinent à se développer sur leur propre sol, à l’instar de l’entreprise Bridor, leader de la fabrication industrielle de produits boulangers à destination des professionnels, qui s’est résignée en 2022 à construire sa nouvelle usine au Portugal après avoir tenté pendant plus de cinq ans de l’implanter en Bretagne. Déjà à l’époque, le président du groupe déplorait les difficultés rencontrées : « Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre 10 ans, voire certainement davantage, pour que notre projet industriel aboutisse ! […]lorsque nos concurrents à l’étranger mettent un à deux ans maximum pour obtenir les mêmes autorisations de construction. »[3]
Paroles, paroles…
Ajoutons à cela que ces chiffres ne sont que des promesses. Certaines ne seront pas honorées ou pas complètement. À l’édition 2018, par exemple, le groupe américain Del Monte avait annoncé l’ouverture d’une usine de découpe de fruits dans la Somme, mais le projet a depuis été abandonné.
Finalement, nous ne devrions considérer le sommet Choose France que pour ce qu’il est vraiment : une belle campagne de communication, domaine dans lequel le gouvernement actuel semble toujours exceller. « Marquez les esprits »[4] est le mot d’ordre et le cache-misère d’un pays en réalité désindustrialisé. Prenons l’exemple de l’industrie textile qui a quasiment disparue du sol français et cela de manière irrémédiable. En effet, même si l’envie venait à une entreprise, étrangère ou non, d’installer son usine de production textile en France, celle-ci se retrouverait vite confrontée à de gros problèmes de recrutement puisqu’il n’existe presque plus de main d’œuvre qualifiée. Dans ce domaine comme pour tant d’autres, le savoir-faire est perdu.
Sans surprise également, les grands oubliés de Choose France sont pourtant ceux qui représentent le premier employeur et le principal tissu économique français : les TPE, PME, parfois même sous-traitants de ces grandes multinationales. Dans un communiqué, Sophie de Menthon, présidente du mouvement ETHIC (Entreprises de Taille Humaine, Indépendantes et de Croissance), le rappelle à juste titre : « Bravo à nos grandes entreprises, bonne chance à Choose France et n’oublions pas que sans les TPE/PME, les ETI et leurs sous-traitants, elles ne seraient rien ! ».[5] Lumière est rarement faite sur l’importance considérable de ces entreprises de tailles plus modestes pour le tissu économique français, le maintien et la création d’emplois. Pour elles, la sentence est tombée : c’est pas Versailles !
« Je ne vous aime pas, je vous préfère »Journal, juillet 1950
Paul Claudel (1868-1955) est un cas dans la littérature française. Dites « Claudel », et immédiatement s’ensuit une série de poncifs sur l’ « écrivain-catholique ».
Alors, tout reprendre, tel Sisyphe, tenter encore d’expliquer le génie, de le dire au moins ? Le moyen de faire autrement ? L’occasion nous en est donnée grâce à la biographie (Flammarion) à l’américaine quoique très sensible que Marie-Anne Lescourret, philosophe et musicologue, nous livre de cet écrivain monumental, sinon méconnu, mal connu :
« À la façon dont Rubens est le peintre des grosses femmes et Goethe l’auteur de Werther, Claudel est catholique », i.e. « vote à droite et se prononce pour la pérennité des ordres établis. Ce stéréotype éculé suffit à identifier puis à éviter Claudel. On évacue Claudel, on le condamne en même temps que la lutte contre la libéralisation des mœurs, le catéchisme, les activités paroissiales, les curés, les prières et autres ‘‘bondieuseries’’. Parler des ‘‘cathos’’ érige son homme en libre-penseur : quiconque s’adonne à cet écart de langage se prend pour Voltaire et passe à côté de Claudel, sans doute parce qu’il est plus facile de s’autoproclamer rationnel que de se confronter au thomisme de L’Art poétique. »
Où l’on voit que l’on peut écrire une biographie exhaustive et rigoureuse de Paul Claudel sans pour autant gauchir ce que l’on pourrait appeler un tempérament.
Claudel, c’est d’abord une réaction : contre le « stupide XIXème siècle », contre le positivisme omniprésent d’Auguste Comte, contre le « tétrasyllabe Taine-et-Renan » honni, contre ce scientisme qui est une offense à son catholicisme de converti.
Bachelier en 1885, il s’inscrit en Droit, puis à l’École libre des sciences politiques. En 1886, c’est le choc : la lecture, en juin, de Rimbaud – Illuminations puis Une Saison en enfer.
Pendant quatre ans, Claudel, jeune homme « plutôt… antireligieux » (Mémoires improvisés) est en proie à des luttes intérieures – révolte ou soumission, besoin d’évasion – dont témoigne l’un de ses premiers chefs d’œuvre, Tête d’Or (1889). S’il « se soumet à l’Église » dès le 25 décembre 1886, pendant les vêpres à Notre-Dame de Paris, il ne fait sa (deuxième) communion que le 25 décembre 1890. Le catholicisme devient alors le centre de sa vie.
Parallèlement à ce parcours spirituel, Claudel lit. Et il lit beaucoup : il déteste Hugo, Goethe, les parnassiens, les romantiques, ne tient pas Stendhal en haute estime, est en revanche flatteur avec Verlaine.
Il découvre ceux qui seront les compagnons d’une vie – outre Rimbaud, rôle « séminal » (sic), et la Bible : Shakespeare, les tragiques grecs, Dante, Dostoïevski, Virgile. Et inaugure sa « carrière » littéraire avec sa présence, dès 1887, aux mardis de la rue de Rome chez Mallarmé. Il y rencontre, entre autres, Valéry et Gide – d’abord estimé, puis détesté, eu égard à son protestantisme invaincu et à des mœurs qu’il juge « répréhensibles ».
« Paul Valéry m’envoie son recueil de Poèmes que je lis avec le plus grand plaisir. On ne saurait pousser plus loin la finesse et le talent technique. C’est merveilleux ! Mais comme c’est peu nourrissant et, somme toute, futile ! Le sujet est toujours cet effort vain et d’avance découragé à se dégager de soi-même. Lu aussi avec grand plaisir le charmant recueil d’Aragon, les Yeux d’Elsa. Enfin le recueil de Lanza del Vasto, le Chiffre des choses, qui est loin d’être indifférent. » (Journal, 20 août 1942).
Lescourret réévalue à la hausse l’influence de Mallarmé sur Claudel : les textes en prose de Divagations, qui livrent l’essentiel de l’enseignement oral de Mallarmé, révèlent une obsession du théâtre qui ne pouvait laisser Claudel insensible : « Le théâtre est d’essence supérieure, nul poète jamais ne put à une telle objectivité de l’âme se croire étranger », écrit Mallarmé qui, en 1889, salue Tête d’Or (« Le Théâtre, certes, est en vous »).
Le théâtre en l’occurrence, pour Claudel, est cette sorte d’opéra wagnérien, où le verbe poétique remplace l’orchestre, et dont les représentations sont une espèce de rituel religieux ouvert sur le mystère chrétien : ses collaborations avec Honegger et Darius Milhaud illustreront ce souci catholique, dans son œuvre, « de l’unité, de la composition esthétique » qui englobe(nt) les diverses formes d’art : théâtre, danse, musique, peinture.
Comme un écho et prolongement de « l’art total » voulu par Wagner et Mallarmé – à cette différence près que « le drame de la vie de Mallarmé est celui de toute la poésie du XIXème siècle qui, séparée de Dieu, ne trouve plus que l’absence réelle ».
De là les rencontres qui ponctueront son existence de dramaturge avec les rénovateurs du théâtre de son temps : Gémier, Lugné-Poe, Copeau, Pitoëff ou Barrault. Ou avec les peintres et décorateurs, comme José-Maria Sert auquel Le Soulier de satin est dédié.
Lescourret le dit (et le redit parfois – sourire) : « Claudel ne se soucie pas de convaincre le peuple par le biais de représentations séculières mettant l’indicible à la portée des ignorants. Convaincu de sa mission apostolique depuis sa conversion, le « rouleau convertisseur » (Claudel, par Gide) n’entreprend pas de replier le ciel sur la terre, de ramener l’inconnu au connu. Il est trop convaincu de l’extériorité de Dieu au monde et de son incommensurabilité à toute entreprise humaine. Toute verbalisation du religieux, fût-elle célébration, louange, devra donc porter trace de cette impossibilité, de cette conscience de la place – humble – assignée au dramaturge, au poète ».
Et pour attester la « trace de cette impossibilité », Claudel cultive « son côté comique, le lyrisme épanoui dans la farce » : le baroque de son théâtre en somme, baroque comme l’art de la Contre-Réforme qu’il chérit et… contradictoire, comme l’est « le tout de toute chose », qu’il cherche à embrasser dans une universalité qui est l’autre nom de son catholicisme.
D’où le côté hénaurme de certaines de ses pièces – en particulier du Soulier de satin(1929) qu’il considère comme testamentaire et qui le sera en effet (hormis quelques « commandes ») – côté hénaurme qui rappelle opportunément que Claudel est un contemporain de Jarry. Comme de « tous les mouvements les plus radicaux de la révolution culturelle du premier XXème siècle (symbolisme, surréalisme, cubisme, dadaïsme) » – à jamais étrangers, eux, au lecteur de Shakespeare et des Grecs.
Claudel est bien cet « éléphant blanc »,« aérolithe » tombé du ciel (Mémoires improvisés) qui se définit comme « bon catholique, mais écrivain, diplomate, ambassadeur de France et poète ». Il mena sa carrière diplomatique 46 années durant jusqu’au sommet – l’ambassade de France aux États-Unis (après, entre autres, 15 ans en Chine et 5 au Japon) – et élabora une oeuvre qui assume, voire assure, la transition du symbolisme fin de siècle à la modernité, avec Milhaud et Honegger déjà cités.
Les surréalistes, « imbéciles qui essaient de se faire prendre pour des fous », le détestaient : on ne pouvait être poète et ambassadeur de France. Robert Desnos, pourtant : « Le plus grand poète vivant, c’est Claudel, nom de Dieu ». Ou l’hommage d’Artaud – dans l’interprétation d’un acte de Partage de midi au théâtre Alfred-Jarry (1928, sans l’autorisation de Claudel).
Quant à son côté « réactionnaire » : s’il a servi la République avec dévotion sous l’amical regard du puissant secrétaire du Quai d’Orsay (Philippe Berthelot, mort en 1934), Claudel n’en a jamais été un partisan acharné (ni de la démocratie, toujours considérée avec méfiance).
Mais l’un de ses plus obstinés ennemis fut Charles Maurras : « Le mot ‘‘méchant’’ en français a deux sens. On dit ‘‘un méchant écrivain’’ et ‘‘ un méchant homme’’. Dans cette double acception ce terme ne saurait s’appliquer plus parfaitement qu’à M. Charles Maurras. » (Journal, 15-16 septembre 1942).
Les épisodes de leur très inamicale relation (au-delà de la condamnation (1926) de L’Action française (AF) par le Vatican) sont édifiants – et à « l’honneur » de Claudel qui, là encore, montre qu’il n’a jamais (sauf à la fin de sa vie) manqué d’oreille, contrairement à l’autre, de l’AF, qui, sourd ou pas, a toujours donné l’impression d’en manquer (d’oreille). On pense, outre sa doctrine politique, à sa discutable (datée) poésie – là où celle de Claudel est, simplement, révolution (voir sa « théorie » de la musique ou, surtout, son Art Poétique).
Et puis il y a son mot, poétique et profond, qui vaut devise : à l’encontre du Barrès de « la terre et les morts », Claudel, paysan madré mais écrivain cosmopolite, pour qui être catholique consistait dans « le souci de ne pas faillir au chœur »,« au monde comme totalité organique, assignant à chacun une fonction, un espace », Claudel, donc, dira qu’il en tient, lui, pour « la mer et les vivants ».
Ce monde dont (il) a fait le tour ne se résout, écrit Lescourret, « ni en sensations ténues et disparates ni en équations. Il est plan, organisation, organisme – chœur – d’un seul tenant comme l’indiquent les océans ainsi que la confusion du ciel et de la mer. Le symbolisme se joue dans la reconnaissance d’un invisible à l’œuvre dans le visible, sur la voie duquel c’est moins la connaissance que la sagesse qui nous appellera ».
Pour conclure (un bref instant) : chez Claudel, « la Nature est symbole et l’Histoire est parabole », et tout ce qui donne à l’homme l’illusion du changement et de la nouveauté est condamnable – le sentiment de révolte (commun au romantisme et au surréalisme), comme les prétendus « bienfaits de l’instruction d’une humanité à la fin devenue consciente ».
À toutes les formes d’émancipation, Claudel préfère un idéal de solidarité – entre les hommes et entre les choses : « Pas une chose qui ne soit nécessaire aux autres ».
La rencontre avec Rose Vetch (femme frivole et insouciante qui sera Ysé, la femme sublime de Partage de midi) lui permet de vérifier que si Dieu est omniprésent, « la lumière qui indique la voie n’en éclaire pas toujours le franchissement. C’est un but, un idéal, une vocation, avec tout ce que cela comporte d’obstiné et d’obscur » (Lescourret).
L’existence temporelle propose ses accès au divin. Pour Claudel, Rose-Ysé fut l’un d’eux : mariée, mère de famille, révélation totale et empêchement total. Cette femme lui indique les limites de son engagement dans le monde et ce à quoi il peut (doit ?) aspirer : « La femme apparaît comme l’instrument de la révélation divine, en ce qu’elle incarne l’inaccessible ».
Et Lescourret de conclure : « En ce qu’elle manifeste, par le biais de l’amour qu’elle inspire, qu’il y a dans le monde quelque chose de plus fort que nous qui nous domine, nous gouverne et vers quoi nous devons tendre, comme vers ce qui répondrait à la question principale : pourquoi ? » Claudel avait sans doute un commencement de réponse : l’apothéose d’une union mystique dans l’au-delà.
Le « poëte » (sic) meurt en 1955 (obsèques nationales à Notre-Dame de Paris). Il est inhumé dans le parc du château de Brangues (Isère, acquis en 1927). Son épitaphe : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel ». Grâces lui soient rendues.
P.S. – Appendice biographique – Né dans une famille profondément catholique, fils du Vosgien Louis Prosper Claudel, fonctionnaire de l’enregistrement (comme le père de Mallarmé), et de Louise Cerveaux, Claudel fut très marqué par son enracinement dans le terroir maternel, ce Tardenois natal aux confins de l’Île-de-France, de la Champagne et du Soissonnais. Au gré des mutations paternelles, de Bar-le-Duc à Nogent-sur-Seine puis à Wassy-sur-Blaise, Rambouillet et Compiègne, il reçut avec ses sœurs aînées, Camille et Louise, une éducation solide. En 1882, la vocation artistique de Camille impose l’installation à Paris. Claudel entre au lycée Louis-le-Grand et suit les cours de philosophie de Georges Burdeau, moraliste républicain, jacobin kantien, traducteur de Schopenhauer : repoussoir pour Claudel. Il admire Beethoven et Wagner.
Paul Claudel, de Marie-Anne Lescourret, Flammarion, coll. Grandes Biographies.
A lire aussi : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil.
Le débat sur notre politique économique est rempli d’idées idiotes et profondément ancrées. Cela convient aux gouvernements successifs, aux médias et aux électeurs, mais pas forcément à nos créanciers. Seule une contrainte extérieure forte nous obligera à revenir au réel.
Totalement occulté par les candidats de la dernière campagne présidentielle, le déséquilibre abyssal des dépenses publiques françaises revient au premier plan. Nous n’avons vraisemblablement pas fini d’en entendre parler. À l’image des catastrophes migratoires et sécuritaires, après quarante ans de déni et de consciencieux balayage de la poussière sous le tapis, la dure réalité de la dette nous rattrape. La responsabilité paraît tripartite. Elle incombe bien sûr aux gouvernants qui se sont succédé, marqués par leur profonde méconnaissance des principes économiques – qui peut croire qu’un homme comme Jean-Marc Ayrault n’aurait pas mis en faillite une épicerie de quartier en quelques mois ? Nos gouvernements ont compté jusqu’à 70 % de fonctionnaires parmi les ministres ! Des gens curieusement peu enclins à tailler dans les dépenses. Mais les médias et surtout les électeurs français paraissent tout aussi coupables. En matière économique, partis politiques, syndicats, radios ou télévisions, et France des comptoirs, tous relaient des sophismes – ces raisonnements qui n’ont de logique que leur apparence. Voici un petit florilège de la bêtise hexagonale. Attention second degré.
Top 5 des illusions hexagonales
Sophisme numéro un : l’endettement d’un pays n’est nullement comparable à celui d’un individu. Ce dernier est mortel, alors que la France est éternelle. Subséquemment, son endettement potentiel est infini et il suffit d’étaler la dette sur cent ou mille ans pour la rendre économiquement supportable. Certes, des pays ont pu faire faillite dans un passé récent, mais leurs dirigeants avaient omis d’utiliser un outil pourtant simple comme bonjour : l’annulation des emprunts en cours. Il suffira de déclarer urbi et orbi que nous ne rembourserons pas nos créanciers (parce que, c’est vrai, flûte à la fin) et l’affaire sera réglée. Si par malheur, ils refusaient de continuer à financer nos déficits – on ne va pas non plus renoncer à cette tradition nationale –, nous les priverions de nos délicieux fromages. Une menace qui devrait les convaincre d’assurer nos fins de mois.
Sophisme numéro deux : repousser l’âge de départ à la retraite revient à condamner la jeunesse à Pôle Emploi. Il convient au contraire d’anticiper au maximum la fin de carrière des travailleurs expérimentés afin de libérer des postes. Disons 45 ans pour mettre la nouvelle génération au boulot. On refusera de s’intéresser à tous les pays dans lesquels on part à la retraite à 67 ans et qui affichent des taux de chômage très inférieurs aux nôtres – pourquoi prêter attention à des choses qui n’ont aucun sens ?
Sophisme numéro trois : tous ces appels des ultralibéraux à la baisse des dépenses publiques donnent la nausée. Qui ne peut constater le délabrement de l’Éducation nationale ou de notre système de santé ? Chacun sait le scandale que constitue le niveau de rémunération de nos professeurs, de nos infirmier.e.s ou de nos médecins hospitaliers. Le fait que l’Allemagne puisse mieux payer ses soignants parce que le personnel administratif y est 30 % moins nombreux qu’en France n’entrera pas en considération. Cette remarque s’applique évidemment à l’enseignement et au personnel non enseignant des rectorats. On ne peut, en effet, vouloir sérieusement lutter contre le chômage en supprimant des postes dans les administrations. Fort de cette certitude, le secteur public a vu le nombre d’emplois progresser de 12 % en vingt ans – soit 600 000 fonctionnaires supplémentaires. Le bon sens conduit à résorber le chômage et les problèmes de qualité de service en accentuant cette tendance vertueuse : encore 2 à 3 millions de jobs à créer. À l’issue, le plein emploi et des services publics dignes de l’Union soviétique – le bonheur quoi.
Sophisme numéro quatre : ne nous laissons pas abuser par ceux qui déclarent que la France est déjà l’un des pays les plus égalitaires au monde (méprisons notamment l’indice de Gini, qui ne le prouve qu’aux yeux des suppôts du capitalisme à face de hyène). N’accordons aucun crédit à ceux qui jugent comme un privilège exorbitant la garantie de l’emploi à vie dont bénéficient les fonctionnaires. Au nom de l’égalité, il faudrait au contraire étendre cette garantie aux salariés du privé et interdire tout licenciement. Ceci, conjugué à la semaine de 32 heures (au maximum), ce corpus de bon sens reléguera le chômage au rang de mauvais souvenir. Il est désolant que l’avenir radieux offert par des mesures aussi simples nous soit rendu inaccessible par le dogmatisme des marchés financiers assoiffés du sang des travailleurs.
Sophisme numéro cinq : n’est-il pas enfin scandaleux que les riches puissent bénéficier du même remboursement des soins que les plus pauvres ? La logique qui prévaut pour une boîte de paracétamol vaut pour la baguette et, par extension, pour le chariot de supermarché. Les 2 ou 3 millions de fonctionnaires dont nous aurions le plus grand besoin pourraient ainsi trouver à s’employer (sans marcher trop vite dans les couloirs toutefois). À la caisse, le prix de nos courses pourrait être fixé par un caissier adjoint, recruté par le Trésor public. Vincent Bolloré paierait alors son steak haché environ 354 827 euros, tandis que la même bidoche coûterait un centime aux bénéficiaires des minima sociaux.
Les français vont casquer
Trêve de plaisanterie, même si ces billevesées paraissent avoir un peu moins le vent en poupe, nous ne sommes pas tirés d’affaire pour autant. Le pouvoir en place depuis sept ans est menacé à plus ou moins brève échéance par le Rassemblement national. Or le ticket Le Pen-Bardella tente de se faire élire en laissant croire que personne n’aura à faire d’efforts, sauf les immigrés. Pieux mensonge. En revanche, l’Allemagne et la BCE exigeront de la droite populiste ce qu’ils n’osaient demander aux « gentils » Hollande ou Macron : une amère austérité. Il restera à Marine Le Pen la possibilité du Frexit (dont les Français ne veulent pas) ou l’option grecque d’Alexis Tsipras, élu sur un programme radical de dépenses publiques débridées, mais transformé en « Père la Rigueur » d’une purge libérale sévère. Dix années terribles, mais dont la Grèce sort à présent renforcée. Ce sera le prix à payer par la France pour avoir cru aux Diafoirus de l’argent magique éternel. Mais les ramener sur terre ne sera pas une mince affaire – ainsi un certain Philippe Askenazy, économiste et humoriste au Monde, publie-t-il une tribune délicieusement intitulée : « Le déficit de la France est inquiétant car il est instrumentalisé pour justifier des politiques publiques de coupes budgétaires »1. Ce qui doit l’inquiéter dans l’insécurité, ce n’est pas la violence mais la justification (indigne) de mesures sécuritaires. Si le réel donne raison à la droite libérale, le réel a tort.
Le prochain gouvernement néerlandais ne portera pas le nom de M. Geert Wilders, mais sera empreint de sa marque indélébile. Un accord de gouvernement vient d’être trouvé.
Esprit de Geert Wilders, es-tu là ? Oui, car certains points du très droitier programme de gouvernement dévoilé jeudi 16 mai résument les marottes du politicien anti-immigration. Ainsi, sur le plan des demandes d’asile, il appliquera « le programme le plus sévère jamais vu aux Pays-Bas », promettent les quatre partis signataires. En premier lieu le Parti de la Liberté (PVV) de M. Wilders.
Un gouvernement qui entend affronter strictement la crise migratoire
L’immigration y est qualifiée de « sujet à crise », justifiant des mesures draconiennes. L’asile ne sera plus accordé ad vitam aeternam et pourra été révoqué à tout moment. Les déboutés du droit d’asile seront expulsés, le refus d’obtempérer vu comme un délit. Finie désormais l’automaticité du regroupement familial, tout comme le droit aux logements sociaux de demandeurs d’asile légalisés. Ceux-ci ayant souvent priorité sur des Néerlandais ayant poireauté pendant des années sur des listes d’attente. Sera abrogée également la loi qui oblige des maires à accueillir des demandeurs d’asile et autres réfugiés contre lesquels les habitants sont souvent entrés en rébellion musclée. Le futur gouvernement s’efforcera, dans l’Union européenne, de protéger davantage les Pays-Bas de flux migratoires, prenant exemple sur ce que le gouvernement social-democrate danois a obtenu en ce domaine.
Sur l’éducation, le futur gouvernement veillera à ce que l’enseignement de la Shoah ne soit pas supplanté par celui fustigeant les méfaits du colonialisme et du racisme aux Pays-Bas.
Wilders jugé trop clivant
Ce gouvernement ne sera cependant pas dirigé par M. Wilders, jugé trop clivant y compris par ses partenaires. Il ne fait pas de doute pour autant qu’en coulisse, c’est M. Wilders qui veillera à ce que « la volonté du peuple soit respectée » comme il l’a dit maintes fois pendant les laborieuses tractations en vue de former une coalition après son triomphe électoral aux législatives de novembre 2023. Son parti obtint 37 des 150 sièges dans la Chambre des Députés, de loin le groupe le plus important.
Impossible donc de respecter encore plus longtemps le « pacte anti-Wilders » en vigueur depuis une vingtaine d’années – quand il quitta le parti libéral VVD… avec lequel il a signé son accord dans la nuit de mercredi à jeudi.
Des marges, voilà M. Wilders installé au centre de la politique néerlandaise. Restait à lui trouver des partenaires gouvernementaux pas intimidés des cris d’orfraie de la gauche contre cet affreux raciste. Le VVD et le Mouvement des Paysans et des Citoyens (BBB) se sont laissés convaincre rapidement. Ce qui ne fut pas le cas du dirigeant du parti Nouveau Contrat Social (NCS), M. Pieter Omtzigt. Celui-ci reprocha à M. Wilders ses marottes aux prises avec les libertés de religion et d’enseignement, et de faire fi de la Constitution en voulant interdire dans la rue le foulard islamique, des écoles islamiques, le Coran. M. Wilders a consenti à mettre ces promesses électorales « dans le frigo ». Pour mieux les conserver ? Concession bien plus importante, Wilders a renoncé à être Premier ministre, rompant ainsi avec l’usage qui veut que le vainqueur des élections législatives forme le gouvernement.
Les observateurs de la presse dite de qualité, qui le détestent, parlent d’une fausse concession. En réalité, M. Wilders saurait que sa nomination à la tête d’un gouvernement risquerait d’enflammer ‘les jeunes des quartiers’, horripilerait le monde arabo-musulman et poserait de graves problèmes de sécurité pour l’homme condamné à mort par Al-Qaida et vivant sous escorte policière permanente.
La composition du gouvernement prendra encore quelques semaines sous l’égide d’un médiateur. Il est de notoriété publique que M. Wilders verrait bien…. un socialiste comme Premier Ministre, M. Ronald Plasterk. Socialiste, mais non-sectaire car M. Plasterk, ancien ministre, est également chroniqueur du journal conservateur De Telegraaf. Mais le futur Premier ministre, acceptera-t-il (ou elle) de ne pas être le véritable chef de la coalition ? C’est à dire, de devoir toujours demander l’imprimatur de M. Wilders ?
Sauf à être Jeanne d’Arc, l’armée française demeure un monde d’hommes, et Saint-Cyr un endroit où des élèves masculins se promènent sans serviette au retour de la douche. Pourquoi ?
Cela faisait plusieurs mois que je me demandais si les affaires de harcèlement sexuel, tant physique que moral, à l’École spéciale militaire, dont j’avais vent de toutes parts, allaient finir par se retrouver sur la place publique. Maintenant que c’est le cas, permettez-moi ici un témoignage et une réflexion, puisque j’ai bien connu cette académie en y encadrant pendant plusieurs années des mémoires de recherche. Cela m’a permis de connaître l’institution de l’intérieur et de parler, souvent en profondeur, à beaucoup d’élèves avec qui s’était noué un lien de confiance – y compris dans les deux groupes dont il est question dans ces affaires : les « féminines » et les « tradis ».
La difficulté que je perçois, c’est que la situation est insoluble.
Que les élèves-officières soient traitées comme des entités de seconde zone, pour ne pas dire les choses plus brutalement, c’est une évidence. Il y a, certes, beaucoup de variations. D’abord, entre les différentes élèves. Celles qui souffrent le plus sont celles qui, mauvaises en sport (malgré un barème différentiel qui les avantage indûment aux yeux de beaucoup d’élèves masculins), se retrouvent mieux classées qu’eux, car elles travaillent bien plus assidûment les matières académiques (mépriser l’académique fait, autant que mépriser les femmes, partie d’un certain esprit saint-cyrien). Celles-là sont considérées comme illégitimes et, toute la carrière des officiers se jouant sur le classement de sortie, comme dangereuses. Les filles en queue de classement, nombreuses, ont tendance à mieux s’en sortir, puisqu’au moins elles ne sont pas perçues comme des menaces. Quant aux féminines qui excellent partout – mais elles sont rares – elles sont normalement respectées, un peu comme des « hommes honoraires ».
Variations ensuite entre les promotions : des progrès très notables avaient été accomplis ces cinq ou dix dernières années dans les relations hommes-femmes, avant que les choses ne dégénèrent de nouveau très spectaculairement avec la promotion entrée en 2022 (l’actuel deuxième bataillon). Mais le harcèlement, la discrimination, n’ont jamais cessé : chacun sait, par exemple, que des élèves essayent, en début de scolarité, de faire craquer des féminines afin de libérer des places pour leurs camarades (hommes) de lycée militaire restés sur liste complémentaire.
Face à cela, la « solution » la plus évidente, pour le commandement (d’abord militaire puis, au-dessus, politique), serait de forcer les élèves-officiers à cohabiter de manière pacifique et respectueuse. Indubitablement, d’autres académies militaires, à l’étranger, y arrivent beaucoup mieux. Mais il y a deux problèmes, sans doute insurmontables, avec cette approche.
Le premier, c’est que si on peut probablement empêcher les agressions sexuelles par voie répressive, il est quasi-impossible de lutter contre des formes plus sournoises de harcèlement, comme l’« indifférence courtoise » de certains élèves qui, pour l’essentiel, font comme si leurs collègues féminines n’existaient pas : on ne peut, ni sur le plan des principes, ni celui des réalités concrètes, forcer deux personnes à se parler.
Le second, c’est que l’armée française, ou plus exactement le corps de ses officiers saint-cyriens, est idéologiquement et sociologiquement extrêmement marqué, beaucoup plus que ses homologues d’autres pays. La France est le pays de la Révolution française ; mais l’armée est toujours restée, depuis le milieu du XIXe siècle, comme un lieu où les élites qui n’ont jamais accepté ce monde nouveau pourraient tout de même s’engager, pensant servir un pays transcendant ses régimes (« la France, pas la République »), voire un principe spirituel. Saint-Cyr, et c’est d’ailleurs ce qui la rend passionnante d’un point de vue anthropologique, est une contre-société – qui, d’ailleurs, s’auto-perpétue assez largement. Entre les élèves masculins qui ont grandi toute leur vie dans le monde d’« Au nom de Dieu, vive la coloniale » et des élèves féminines venues parce qu’on leur avait fait croire qu’il s’agissait d’une grande école comme les autres, où elles apprendraient le « leadership » et pourraient réussir par leur travail, l’incompréhension est inévitable : et, à un moment, un clash frontal aussi.
L’esprit du temps aura évidemment choisi son camp : celui de #MeToo. De fait, le traitement de beaucoup d’élèves féminines, je l’ai vu de mes propres yeux, est honteux. Mais sans doute aurait-il fallu y penser avant. Car c’est toute l’organisation de l’armée française, avec notamment l’existence, si atypique, de lycées militaires en marge de la société, qui vise à un recrutement extrêmement endogame. Autrement dit, l’armée recrute structurellement le genre d’élèves-officiers, issus d’une très vieille tradition militaire et éduqués dans un quasi-système parallèle, dont elle déplore ensuite le comportement et la vision du monde : on ne sait pas quel mot, hypocrisie ou bêtise, décrit le mieux cette situation.
D’ailleurs, s’il est par certains côtés une faiblesse, du fait de son isolement socio-culturel et sa trop grande homogénéité intellectuelle (idéologico-politique), ce recrutement est par d’autres une grande force. La France est sans doute le seul pays où l’armée possède une telle masse de traditions, façonnant tous les aspects de la vie. À Saint-Cyr, on parle une langue à part, qu’il m’a fallu apprendre pour être accepté (ça n’est pas du tout le cas dans une institution comme Sandhurst, au Royaume-Uni, que j’ai également connue). Beaucoup d’élèves-officiers vivent leur engagement, sur la lande bretonne puis en régiment, non comme un travail pour lequel ils seraient payés, mais comme un sacerdoce (sacerdoce laïque pour certains, laïque et religieux pour d’autres). Là encore, ce n’est pas quelque chose que j’aie rencontré ailleurs, et c’est une des très grandes forces du corps des officiers des armes en France : ils sont unis par quelque chose, une forme de mystique, qui les transcende et leur donne cet esprit de corps qui permet à l’armée française de demeurer une des plus respectées au monde, malgré ses moyens devenus misérables. Ce sacerdoce, il est vrai, ne fait guère plus de place aux femmes que celui de l’Église catholique.
La situation semble donc insoluble. Plus on essayera de forcer – et c’est sans doute, de toute manière, voué à l’échec – pareille institution à intégrer ce qui demeure, historiquement, un corps étranger pour elle (car, sauf à être Jeanne d’Arc, l’armée est un monde d’hommes ; et Saint-Cyr un endroit où des élèves masculins se promènent sans serviette au retour de la douche), plus on poussera dehors ceux qui faisaient la force de cette institution. Or, il faut bien comprendre qu’il n’y a personne pour prendre leur relève : d’abord parce que cela n’a pas été organisé ; ensuite parce qu’il n’y a peut-être pas d’autre groupe socio-culturel, en France, qui accepterait les sacrifices que, par fidélité à un monde et à son histoire, ces « tradis » (et ceux qui s’agrègent à eux pendant les trois années de leur scolarité) acceptent. Sans eux, le corps des officiers des armes disparaîtrait.
L’alternative est donc simple : soit défaire de force cette contre-société, dont les valeurs sont certes en déphasage par rapport à la société actuelle, mais qui est parfaitement irremplaçable, dans l’espoir que les élèves-officières puissent suivre leur scolarité à Saint-Cyr sans risquer leur intégrité physique et psychologique. Soit trouver une autre manière d’intégrer les femmes dans ce qui reste, par excellence, par essence même peut-être, une institution masculine. Dans une société devenue plus liquide que jamais, comme si tout jusqu’aux hommes et aux femmes était interchangeable, peut-être n’est-il pas illégitime – même s’il y a aura toujours des Jeanne d’Arc – que tout ne soit pas soustrait au principe, masculin ou féminin, qui l’a formé et construit au cours des siècles ?
L’antisémitisme islamique a-t-il une nouvelle fois frappé à Rouen ? L’enquête le dira. En attendant, l’affaire de l’Algérien sous OQTF abattu par la police alors qu’il s’en prenait à la synagogue de la ville est venue rappeler les résultats ridicules de l’exécutif en matière d’expulsions.
Vendredi 17 mai, au petit matin, un homme a mis le feu à la synagogue de Rouen (76). Algérien, sous OQTF, il a été abattu peu après alors qu’il voulait attaquer les policiers, intervenus rapidement, en même temps que les pompiers, grâce à l’alerte donnée par la vidéoprotection. Par bonheur, malgré l’ampleur des dégâts les rouleaux de la Torah sont restés intacts. Construit en 1950 rue des Bons-Enfants, l’édifice religieux se situe à quelques pas de la célèbre place du Vieux-Marché.
D’après le ministre de l’Intérieur, l’incendiaire s’était vu refuser une demande de titre de séjour en France et, après de longues procédures de recours, finalement notifier un refus définitif en janvier dernier. Disposant alors d’un mois pour quitter de lui-même le territoire, conformément à la procédure en vigueur, il n’était évidemment pas parti mais avait au contraire profité de ce délais pour disparaître tout en restant en France. Il était, depuis, inscrit au fichier des personnes recherchées.
À ce propos, rappelons simplement qu’en novembre 2019, interviewé par Valeurs Actuelles, Emmanuel Macron promettait que 100% des OQTF seraient exécutées. En 2023, le taux d’exécution de ces mesures fut de… 6,9%.
L’enquête, espérons-le, permettra d’établir les motivations exactes de l’incendiaire. En attendant ses conclusions, la prudence s’impose. Pour autant, s’il est heureux que la condamnation d’un acte de toute évidence antisémite soit unanime (du moins officiellement), on ne peut s’empêcher de songer à la fameuse citation apocryphe de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les conséquences dont ils chérissent les causes. » Sa véritable formulation est ici encore plus appropriée : « Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit. »
Et cela fait quarante ans qu’on l’approuve et qu’on y souscrit.
À Rouen, le maire socialiste a déclaré devant l’Hotel de Ville à 18 heures hier soir : « La bête immonde a frappé. S’attaquer à une synagogue, c’est s’attaquer aux juifs, c’est donc s’attaquer à nous toutes et tous, à la République ».
Après l’IVG qui n’était pas utile puisque protégée par la loi, l’Elysée veut nous imposer une nouvelle révision constitutionnelle sur le collège électoral en Nouvelle-Calédonie. Ces questions délicates et secondaires étaient très éloignées des préoccupations des Français… mais voilà que nous nous heurtons donc dans le Pacifique à des Kanaks pas forcément très pacifiques… Analyse.
Quand cessera-t-on de tripatouiller la Constitution pour un oui pour un non ? Il y a d’autres façons, Monsieur le président Macron, de marquer son mandat et l’histoire. Et de ménager votre sortie de celle-ci. Car c’est à cela, à ce stade du mandat, qu’il vous faut dorénavant penser. Comme d’autres de vos prédécesseurs, cela va devenir obsessionnel !
Lors de son premier mandat Emmanuel Macron avait fait adopter le 28 août 2019 en Conseil des Ministres trois projets de texte très intéressants et constituant une réforme notamment du fonctionnement parlementaire : réduction de 25% du nombre de parlementaires (à 433 députés contre 577 actuellement et à 261 sénateurs contre 348 actuellement), introduction de la proportionnelle pour l’élection des députés (20 %), limitation du cumul des mandats dans le temps (trois mandats identiques pour les parlementaires et les exécutifs locaux). A noter que certains de ces projets avaient déjà été adoptés en Conseil des Ministres dès 2018. Lesdits textes ont donc été déposés au Parlement le 29 août puis plus rien… L’an passé pour les 65 ans de la Constitution, le président a relancé l’idée d’une révision. Mais visiblement tant le Sénat que l’Assemblée ne veulent pas d’une réforme globale. Alors le chef de l’Etat préfère user de révisionnettes : IVG et Nouvelle-Calédonie. IVG ? A notre sens la loi courageusement portée par Simone Veil, suffisait à elle seule à protéger ce droit devenu fondamental pour des milliers de femmes. Alors oui, certains pays, dont le sens démocratique s’amenuise de plus en plus, reviennent ou tentent de revenir sur l’IVG. Mais la France, si elle a reflué dans pas mal de domaines (déficit, sécurité, immigration illégale) n’est pas de ceux-là. Alors, le Parlement, et notamment le Sénat, ont joué le jeu. Les femmes sont ainsi constitutionnellement protégées et c’est peut-être l’essentiel de la révision.
Le régime électoral farfelu de la Nouvelle-Calédonie
Nouvelle-Calédonie ? En vertu du très généreux accord de Nouméa du 5 mai 1998 est mis en place la revalorisation de la culture kanak (statut coutumier, langues, etc.) et la création de nouvelles institutions (y compris un régime électoral nouveau). Surtout le texte prévoit un processus de transfert progressif et irréversible de compétences à la Nouvelle-Calédonie avant le référendum d’autodétermination. Ce statut confortable fait même l’objet d’un nouveau titre constitutionnel, le XIII : des dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie instauré en juillet 1998. Ce ne sont pas moins de trois référendums qui vont se dérouler (2018, 2020 et 2021). A chaque fois les indépendantistes kanaks échouent. On ne peut faire plus démocratique, non ? Pas un seul territoire de France n’a autant voté en si peu de temps ! Avec l’aval de l’Elysée, Gérald Darmanin a décidé d’une réforme constitutionnelle examinée à l’Assemblée nationale, qui vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie, aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l’île. Même si elle peut paraitre légitime, voilà une idée bien inopportune. Résultat ? Les émeutes sévères que l’on connait déclenchées par les kanaks qui, comme de coutume, s’estiment lésés. C’est exactement comme pour l’intégration d’un statut corse dans la Constitution. L’île de beauté est déjà la collectivité qui a le plus d’avantages au sein de notre République. Au mépris d’ailleurs de l’égalité qui doit exister entre lesdites collectivités. A part les Calédoniens et les Corses eux-mêmes, leur statut intéresse qui ? C’est loin d’être le souci majeur des Français, c’est une évidence.
Les positionner ainsi dans notre Constitution obéit exclusivement à de l’opportunisme. Ou alors c’est une façon d’acheter la paix dans ces contrées. C’est mal embarqué en Nouvelle-Calédonie qui est certainement l’île d’outre-mer où se pratique le plus de racisme antiblanc.
Emmanuel Macron n’est pas le premier à avoir voulu instaurer des révisionnettes. Sur les 24 révisions qu’a connu à ce jour la Ve, il y a eu quatre ou cinq essentielles (élection du président au suffrage universel direct sous de Gaulle ou saisine du Conseil Constitutionnel par des parlementaires sous VGE, Question prioritaire de constitutionnalité sous Sarkozy par ex). Le reste sont mineures voire des revisionnettes. C’est-à-dire qu’elles n’influent en rien notre système institutionnel mais se font sur la base de l’émotion ou du bon vouloir du Prince. Et on a échappé en juillet 2021 au référendum pour inscrire le climat dans la Constitution ! Eh oui, au plus haut sommet de l’exécutif, on avait eu cette idée « géniale » dans la droite ligne du rapport de la Convention Citoyenne sur le Climat. Oubliant un petit détail : il existe déjà dans la Constitution de 1958, la Charte de l’Environnement de 2004 imposée par Jacques Chirac. Au titre de ces bizarreries constitutionnelles, peut-être un jour verrons-nous apparaitre dans notre loi fondamentale, le droit au transgenrisme ou à la binarité ?…
L’avenir de la France dans le Pacifique est ici en jeu
Revenons sur l’outre-mer. La France dispose de 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) : il s’agit de l’étendue de mer ou d’océan entre les eaux territoriales et les eaux internationales, sur laquelle un État riverain jouit de l’exclusivité d’exploitation des ressources. Pour la France, 97 % de la ZEE correspond à l’outre-mer. La France se hisse ainsi à la deuxième place des puissances maritimes mondiales et se situe juste derrière les États-Unis et avant l’Australie.
Il va falloir un jour se poser sérieusement la question de ce que l’on compte faire de tout cette outre-mer. Nous sommes le seul pays de l’UE à conserver ce que Napoléon 1er appelait les « confettis d’empire ». Le Portugal, l’Espagne, la Grande-Bretagne ou encore les Pays-Bas s’en sont séparés. La France reste déterminée à conserver ces vestiges impériaux de façon quasi napoléonienne, se démarquant de la politique postcoloniale des autres pays occidentaux. Bien évidemment, comme en Afrique noire ou du nord, tout le confort de vie et le développement dans ces endroits ont été amenés par la France. Il y a eu, on ne peut le nier, des comportements coloniaux contestables. Mais le bilan est plus largement marqué par des points positifs que négatifs.
Les DOM-TOM sont loin de la métropole, ils sont extrêmement coûteux et ne produisent pratiquement rien d’utile (sauf le tourisme, et quelques cultures). Hormis un peu en Guyane (or) et en Nouvelle- Calédonie (nickel), les sous-sol sont sous (voire plus) exploités. Soyons lucides, leur seul rôle est de faire briller encore la gloire de la République française. Ou ce qu’il en reste. Certes les DOM-TOM donnent à la France l’honneur d’être la « deuxième puissance maritime du monde ». A en croire le Pr Aldrich, de l’Université de Sydney (co-auteur avec John Connell (France’s Overseas Frontier ; Départements et Territoires d’outre-mer, Cambridge University Press, 1992) « d’une certaine façon, c’est comme avoir de vieux bijoux de famille dont on n’arrive pas à se débarrasser ». Quant à savoir pourquoi la France n’a jamais lâché ses coûteux partenaires coloniaux, comme les Britanniques l’ont fait, c’est un peu plus compliqué. Au-delà d’une « mission civilisatrice » avancée par certains, l’argument principal est l’aspect stratégique de certains territoires (Guyane, Calédonie en particulier).
Le coût de l’Outre-mer
Et puis n’oublions pas aussi les avantages dont jouissent nos fonctionnaires insulaires. Ainsi les professeurs bénéficient de 30% d’indemnité de résidence. Ceux qui sont à l’Université peuvent caler tout leur service (192h) sur un semestre et rester sur le continent le reste de l’année. Il existe aussi des primes diverses (éloignement par ex). Chaque jour, les vols d’Air France au départ et à destination de Paris sont remplis d’hommes et de femmes d’affaires bénéficiant d’avantages salariaux analogues. De même, les habitants des DOM-TOM qui veulent étudier en France obtiennent sans peine une place à l’université, ainsi que des billets d’avion gratuits pour rentrer chez eux tous les étés. Peut-être y a-t-il aussi « une sorte de contrat moral entre la France et tous ses départements d’outre-mer » note le professeur Pritchard…
Il n’en reste pas moins que l’ensemble de cette outre-mer a un coût. Nettement supérieur aux avantages d’ailleurs. Pour le budget 2023, tous ministères compris, l’effort budgétaire global de l’Etat en outre-mer s’élève à présent à 20,0 Md€ en autorisations d’engagement et 21,7 Md€ en crédits de paiement en 2023, soit une hausse de 500 M€ en AE (autorisation d’engagement) et en CP (crédits de paiement) par rapport à 2022. Si on additionne, basiquement, cela fait 41, 7 Md d’euros.
Dans chacune de ces îles existe, plus ou moins ancrées, depuis des décennies et des générations, une volonté d’indépendance. Elle est aussi plus ou moins exprimée. Mais aucune d’entre elles ne serait financièrement capable de s’assumer. A cet égard elles sont liées à la France par une sorte de cordon ombilical. Mais à la différence du nouveau-né qui s’ouvre à la vie dès qu’il est coupé, si l’on coupait celui des DOM-TOM ce serait la chronique d’une fin annoncée.
Pour trancher cela, nous songeons à une procédure constitutionnelle simple et claire : le référendum. En Nouvelle-Calédonie, l’Etat français n’a pas su faire respecter les trois résultats qui ont (malheureusement ?) rejeté l’indépendance. Dès lors il serait opportun d’organiser des référendums dans chacun des territoires de nos outre-mer qui a des velléités d’indépendance. Si le oui l’emporte, on donnerait un temps pour s’organiser (un an) avant le départ définitif du « colon ». Notamment pour savoir comment régler les aspects financiers. Le nerf de la guerre pour s’assumer. C’est tellement facile de crier haro sur la France mais de se laisser entretenir par les subsides abondants qu’elle déverse. Nous avons envie de rappeler un slogan politique des années 90 : « la France aimez-la ou quittez la »… Et une fois qu’ils seraient indépendants, libres à eux de s’autogérer (on ne donne alors pas cher de leur peau) ou de passer des accords avec des pays voisins un peu moins démocratiques que la France à certains endroits. On pense ici à Wallis et Futuna mais surtout à la Nouvelle-Calédonie proches de l’Australie (très stricte sur l’immigration) mais aussi, plus éloignée, de la Chine… Cette dernière cherche toujours des opportunités pour se développer. Mais le joug chinois serait plus dur à endurer que le « colonialisme » à la française…
Les sondages qui se succèdent depuis des mois démontrent les uns après les autres que l’inflation, le pouvoir d’achat, la sécurité sont les principales priorités des Français, loin devant la guerre en Ukraine. Et à des années lumières de révisions constitutionnelles sans intérêt et de l’avenir de la Corse ou de la Nouvelle-Calédonie. Il vous reste à peine trois ans pour revenir aux fondamentaux Monsieur Macron…
Emmanuel Leclercq interrogé par Philippe Bilger, le 28 avril 2024. Capture d'écran Youtube.
Emmanuel Leclercq a une trajectoire peu commune. L’animateur de Devenir pour agir, enseignant, essayiste et philosophe, raconte son parcours et répond aux questions de Philippe Bilger.
Si j’ai soumis à la question Emmanuel Leclercq, c’est pour sortir, me sortir des dialogues trop confortablement médiatiques.
Ce jeune philosophe de 41 ans a eu des origines extraordinaires et son parcours exceptionnel montre à quel point il ne faut jamais sous-estimer les hasards miraculeux de la vie et de la générosité humaine. Abandonné en Inde dans une poubelle à l’âge de 10 jours, il a été recueilli par Mère Thérésa puis adopté par des parents catholiques qui, en plus de lui, ont accueilli quatre autres enfants de diverses nationalités.
Personne de cette progéniture n’a mal tourné en raison des valeurs transmises et de l’éducation reçue. Une très belle et éclairante histoire humaine qui méritait bien un coup de projecteur sur elle.
Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).
Sur les difficultés scolaires :« J’ai toujours eu des difficultés intellectuelles. J’ai souffert étant très petit de malnutrition, ce qui m’a procuré des carences. J’avais des mauvaises notes à l’école, je travaillais et je n’y arrivais pas. Mon prof principal me proposait d’arrêter les cours et de devenir groom. Ça ne m’a pas empêché de faire 16 ans d’études par la suite. »
Activités périphériques :« Ma passion est de démocratiser la philosophie, de la rendre accessible. J’ai donc fondé ‘Devenir pour Agir’, la première émission française d’interview philosophique. »
Conscience d’une destinée exceptionnelle :« Non, toute vie est singulière, particulière, toute vie est unique. J’ai conscience de la chance d’avoir été sauvé. Je veux qu’aujourd’hui ma vie, soit un cadeau pour mes parents qui m’ont donné la vie, même si je ne les connais pas. »
Sur l’éducation et la nouvelle génération :« J’aurais pu mal tourner. J’ai eu la chance de grandir dans une famille croyante, pratiquante et soudée. Nous sommes arrivés dans une nouvelle génération, et aujourd’hui, il faudrait rééduquer les parents, les remettre à leur place. » « Certains élèves me racontent leur vie de famille. Ils sont accablés. L’école, le lycée, est un sas de respiration pour ces jeunes. »
Sur la délinquance : « ‘Mais Ms’ieur, vous foutez quoi ici ? ’ m’a déjà lancé un élève perturbateur, avec les ricanements de toute la classe. Je lui ai répondu après un instant de silence : ’Merci d’exister’. Il a été marqué et m’en a parlé en fin d’année, jamais ses parents ne lui avaient dit ça. » « Il faut comprendre les jeunes, dans toute leur histoire, c’est l’une des clés pour aider les plus violents. Il ne faut pas leur demander pourquoi ils font ça, on peut facilement le savoir. Il faut leur dire : qu’est-ce que ça t’apporte ? Je dis souvent aux jeunes qu’ils sont des cadeaux pour l’humanité. »
Conception de la vie et de la société :« La vie est un combat, on n’a rien sans rien. Si on veut réussir, il faut travailler. Beaucoup de nos professeurs veulent faire réussir les élèves, je suis contre. J’essaye de les aider à s’épanouir. C’est parce qu’ils s’épanouissent qu’ils réussiront. »
Confirmation : la race obsède les antiracistes. Les voici, CGT en tête, en soutien aux Canaques qui, devenus démographiquement minoritaires (39%) en Nouvelle-Calédonie, refusent le métissage, la société multiculturelle, le droit de vote démocratique et ne cachent rien de leur violente détestation des blancs.
Du paradis au cauchemar diversitaire
Un même refus de vivre ensemble est revendiqué par ceux des musulmans qui, encouragés par l’extrême-gauche, approuvent le Hamas terroriste et judéophobe. Les Canaques comme les Palestiniens alignent toutes les caractéristiques qui devraient faire d’eux, aux yeux des promoteurs du nomadisme et de la créolisation, des peuples « nauséabonds » dans leur désir d’exclure l’altérité au nom de l’enracinement. Ces diabolisations sont en tout cas réservées à ceux qui, en France, osent seulement s’inquiéter des effets d’une immigration de remplacement.
Mais il suffit de se dire « colonisés » pour être absout. Ce prétexte, avancé par les terroristes canaques, leur doit d’être glorifiés, par la gauche perdue, dans leur combat identitaire et leur refus de disparaître. La colonisation est avancée semblablement par le Hamas, alors même qu’Israël a quitté Gaza en 2005. Dans les deux cas, le rejet de l’homme blanc occidental est la condition qui autorise toutes les expressions anti-françaises, anti-israéliennes, xénophobes, antisémites. Les mouvements antiracistes ne trouvent évidemment rien à redire à la mise au rebut du blanc, en raison de sa peau.
Déjà cinq morts en Nouvelle-Calédonie
Cependant, une seconde confirmation découle de la primauté de la race chez les antiracistes : la société ouverte à ses ennemis est porteuse de guerres civiles. Le paradis diversitaire, louangé par le progressisme macronien, est perméable aux conflits ethniques ou religieux. Ces guerres civiles ont déboulé à Mayotte et plus dramatiquement en Nouvelle-Calédonie, où cinq personnes ont déjà été tuées ces derniers jours, dont deux gendarmes.
C’est également une guerre civile à bas bruit qui, attisée cette fois par l’islam guerrier et une délinquance armée qui lui est acquise, accélère ses répétitions en métropole, en profitant d’un Etat dépressif, aboulique. La perspective d’une « guerre civile qui vient », titre d’un essai (2016) de votre serviteur, se rapproche. Ce vendredi matin, la synagogue de Rouen a été la cible d’une tentative d’incendie par un individu qui a été tué par la police. Mardi, à Paris, c’est le mur des Justes (où est inscrit le nom de mon oncle, le capitaine Henri Rioufol, pour son aide à une famille juive durant la guerre) qui avait été profané. Le chaos peut-il encore être évité ? Dans l’immédiat, l’Etat se doit de réprimer les insurgés canaques s’il veut retrouver son crédit, à charge pour lui, ensuite, de ne pas humilier inutilement un peuple dans son désir de survivre. Mais l’issue de la séparation territoriale, option qui s’installe entre Israéliens et Palestiniens, ne doit pas être non plus écartée par principe. Je serai en Israël ces prochains jours, là où se joue actuellement la guerre contre l’Occident forcément coupable.
Les récentes élections en Catalogne et au Pays basque compliquent encore la vie politique espagnole. Si les partis indépendantistes qui dirigeaient la Catalogne depuis une décennie ont perdu dimanche 12 mai leur majorité au Parlement régional, le socialiste Pedro Sanchez est loin d’être tiré d’affaire. La possible amnistie des indépendantistes catalans fracture son pays.
Comme il se le devait, le chef socialiste du gouvernement espagnol Pedro Sanchez s’est bien sûr félicité du succès de son parti à l’élection du parlement catalan du 10 mai… mais sans plus. Visiblement bien conscient que cette victoire n’était en réalité qu’un trompe-l’œil. Elle a en effet engendré un imbroglio politique plus complexe à résoudre que la quadrature du cercle.
Certes, avec ses 28% des voix, soit un gain de 5 points par rapport à la précédente consultation de 2021, le Parti socialiste catalan (PSC), simple filiale du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), peut se targuer d’être le premier parti de la province autonome. Il est passé de 33 à 42 élus, loin cependant des 68 sièges que requiert la majorité absolue. Dès lors pour gouverner, il lui faut s’allier. Avec qui ? C’est là que l’affaire vire au casse-tête.
Avec la droite ? Hors de question par principe et aussi parce que le Parti populaire (PP) et Vox – comme dans la Communauté basque autonome – ne sont qu’une force marginale, même si le premier a fait un bond de 4% à 11%, engrangeant les voix de l’éphémère parti Ciudadanos (une sorte de macronisme local) – sous l’étiquette duquel Manuel Valls avait été candidat à la mairie de Barcelone – et multiplié par cinq sa représentation qui est passée de trois à 15 élus… dans une chambre de 135 sièges. Quant à Vox, il reste stable frôlant les 8% et conservant ses 11 sièges. La droite espagnoliste totalise seulement 26 sièges.
Et revoilà… Carles Puigdemont
Donc, ne reste aux socialistes catalans qu’une issue, un accord avec les nationalistes. Celui-ci ne peut être envisageable qu’au prix d’un renoncement majeur, à savoir la reconnaissance du principe du droit à l’autodétermination. Et c’est là que la victoire socialiste prend la tournure d’une victoire à la Pyrrhus. Bien qu’ayant encaissé un fort tassement, chutant de 21 à 14 % et perdant 13 élus pour n’en conserver que 20, l’ERC (Gauche républicaine catalane) qui était à la tête de l’exécutif jusqu’à ce scrutin qu’il a provoqué en dissolvant le parlement suite au rejet de son budget, en a fait un préalable à toute discussion. Or les deux partis sont très proches sur le plan économique et social.
L’autre parti nationaliste, beaucoup plus radical sur la question de l’indépendance, et classé au centre-droit, très lié au patronat local, Junts per la Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), ne s’est pas prononcé à ce sujet. Mais il ne fait aucun doute qu’il en fait aussi une condition, ou ce serait se renier. C’est lui, sous la houlette de son chef de file alors qu’il était président de l’exécutif catalan, Carles Puigdemont, qui avait organisé le référendum d’autodétermination de 2017, déclaré illégal par la pouvoir central.
Accusé, entre autres, de sédition, Puigdemont s’était exilé en Belgique pour échapper à une incarcération. À nouveau candidat à la tête de Junts, il a été réélu bien que n’étant pas rentré en Catalogne. Il est toujours l’objet de poursuites judiciaires. Il a dirigé la campagne électorale depuis Argelès-sur-Mer (06), Catalogne française, à un jet de pierre de la frontière espagnole.
À la différence de l’ERC, les urnes ont été favorables à son parti. Arrivé second avec 22%, un gain de deux points, engrangeant 35 sièges, soit trois de plus, Junts s’est imposé comme la première force nationaliste. Il devance l’ERC de 8% et n’est qu’à 6% derrière le parti socialiste.
Dès lors, si ce dernier est disposé à payer le prix fort de la reconnaissance du droit à l’autodétermination, une alliance ne pourra pas tenir à l’écart Junts. D’autant que ce parti dispose aux Cortès d’un puissant pouvoir de nuisance. S’il lâche le gouvernement de Pedro Sanchez, il provoque inexorablement des législatives anticipées… à un moment où justement le PPa le vent en poupe dans le reste de l’État espagnol, avec cependant une maigre probabilité d’obtenir une majorité absolue, même avec le soutien de Vox. D’après les sondages pour les européennes, il recueillerait entre 35 et 39% des suffrages, soit une avance de 8 à 10% sur le PSOE. Or, les faiseurs de majorité à Madrid sont les partis nationalistes catalans et basques.
Le recours à cette épée de Damoclès, Puigdemont l’a écartée mais sans totalement y renoncer. Il a proposé en contrepartie une alliance tripartite, socialistes-ERC-Junts. Y ajoutant une condition non négociable : celle d’être reconduit à la présidence de la Catalogne. Ce qui équivaudrait à une réhabilitation, et, pour lui, à une revanche personnelle qui mettrait la justice espagnole dans un sérieux embarras si celle-ci persiste, comme elle en a l’intention, à maintenir ses poursuites au cas où la loi d’amnistie qui doit être prochainement adoptée serait invalidée par la Cour constitutionnelle. Probabilité qui n’est pas à exclure d’après bien des juristes. Comme si à l’imbroglio politique, il fallait ajouter un zeste de bordel juridique. On imagine mal Puigdemont, président de la Catalogne, arrêté et menotté chez lui à l’heure du laitier… Le cas échéant, on serait curieux de savoir ce que dirait la Commission européenne !
D’après le quotidien de droite, très au parfum des coulisses politiques madrilènes, La Razón, Pedro Sanchez, un madré politicien pour qui forcément cynisme et pragmatisme ne font qu’un, un peu à la Mitterrand, inclinerait pour cette « Triple alliance », dans une logique d’un prêté pour un rendu. Il doit à Puigdemont, et à l’initiative en coulisse, dit-on, du Parti nationaliste basque (PNV) d’être le président du gouvernement espagnol (l’équivalent en France à la fois de Premier ministre et en partie de chef de l’État). Aux législatives de 2023, le PSOE s’était classé second. Arrivé premier, le PP n’avait pas trouvé d’alliés pour former le gouvernement. En revanche, Pedro Sanchez, lui, les avait trouvés auprès des Catalans et des Basques, et surtout s’était rallié Puigdemont qui, hier comme aujourd’hui, se retrouve, avec la complicité des urnes, être le maître de jeu d’un poker que d’aucuns peuvent qualifier de menteur.
Les indépendantistes basques pas en reste…
La donne a aussi bougé en Euskadi (Communauté basque autonome) suite à une initiative de Bildu (Ensemble), le parti de gauche nationaliste héritier de la branche politique de l’ETA, qui en recueillant 32,5% des voix, a fait presque jeu égal, pour la première fois depuis la fin de la dictature franquiste, avec le PNV, classé centre-droit, le 21 avril au scrutin pour le renouvellement du parlement de la Communauté autonome. Il a très opportunément remis sur la table le projet d’un nouveau statut d’autonomie, proposition à laquelle le PNV n’est pas resté insensible et s’est dit disposé à en discuter, sans quoi il se renierait.
Ce statut propose principalement la reconnaissance de la nationalité basque, l’établissement d’une relation de type confédéral entre l’exécutif espagnol et basque, et non plus de subordination du second au premier, et, surtout, la mise entre parenthèse de la constitution espagnole en Euskadi où, lors du référendum en 1978 pour son adoption, le non l’avait largement emporté.
Ces élections au parlement basque ont consacré l’hégémonie des deux partis nationalistes. Ils totalisent 68% des suffrages et 72% des sièges de ce dernier qui en compte 75. À l’issue de celles-ci, le PVN et le parti socialiste d’Euskadi (PSE), également une succursale du PSOE, avaient entamé des négociations pour reconduire leur alliance au pouvoir depuis deux mandats soit une décennie.
À la proposition de ce nouveau statut flirtant avec la notion d’indépendance, auquel les socialistes sont réfractaires, Bildu ajoute l’offre d’une alliance tripartite entre PSE et les deux formations nationalistes. Un nouveau nœud gordien pour Sanchez : s’il accepte ces deux « Triple alliance », la catalane et la basque, il entr’ouvre la porte à une recomposition institutionnelle de l’Espagne qui risque de déboucher, à terme, sur la sécession de la Catalogne et de l’Euskadi. S’il refuse, ses jours à la tête du gouvernement pourraient être comptés…
L’enthousiasme général soulevé par les bonnes nouvelles d’investissements massifs dans l’hexagone, dans le cadre du sommet « Choose France », doit être relativisé. Voici pourquoi.
Les portes du château de Versailles viennent de se refermer, clôturant le sommet Choose France dont la 7ème édition se tenait le 13 mai. Pour rappel, cet événement, qui rassemble chaque année grands patrons d’entreprises internationales et membres du gouvernement français, a été mis en place en 2018 par Emmanuel Macron pour soutenir la croissance, l’innovation et l’emploi en attirant des investissements étrangers sur le sol français.
Macron brade-t-il le pays aux grands groupes étrangers ?
Si cette année le thème annoncé lors du communiqué officiel du chef de l’État : « France, terre de champions »[1] peut prêter à sourire, le bilan de la cuvée 2024 semble être à la hauteur de l’annonce et battre tous les records : plus de 15 milliards d’euros d’investissements prévus, 180 patrons présents, 56 projets et 10 000 créations d’emplois en perspective sur le sol français. Au premier regard, nulle ombre au tableau. La logique de réindustrialisation de la France porterait-elle enfin ses fruits ? Dans son tweet du 13 mai sur le réseau social X, le président de la République se gargarise de cette liste de chiffres, gage de la réussite du projet.
Lorsqu’un investisseur choisit la France, c’est bon pour l’emploi et pour la vie de nos régions.
Voilà pourquoi je porte la stratégie #ChooseFrance qui a fait de la France le pays le plus attractif d’Europe.
On pourrait jouer les trouble-fêtes en avançant que cette stratégie qui vise à séduire des entreprises étrangères pour les inciter à implanter ou développer des sites de production a longtemps été l’apanage des pays sous-développés ou en voie de développement. Il ne nous resterait alors plus qu’à nous tourner, avec regrets, vers une époque révolue de prospérité économique où la France ne consommait pas plus que ce qu’elle produisait et n’avait pas besoin de brader son sol et sa main-d’œuvre afin d’être attractive pour les entreprises.
Car, oui, ne nous méprenons pas : si le savoir-faire français, du moins ce qu’il en reste, est probablement mis en avant avec emphase et fierté lors de tels événements, il ne pèse probablement pas lourd dans la balance au regard des avantages fiscaux, crédits ou baisses d’impôts promis par le gouvernement à ces grands groupes étrangers. Qui sont-ils justement ?
Parmi eux, Microsoft, Pfizer, Amazon ou encore FertigHy, spécialiste de la fabrication d’engrais azoté. À la lecture de leurs noms, les applaudissements se font plus discrets. Quels seront les impacts environnementaux de l’implantation de ces gigantesques data centers, entrepôts ou usines d’engrais ? Parmi les avantages promis par le gouvernement, se trouve justement une clause visant à accélérer et faciliter l’implantation de ces sites en passant outre certaines démarches et autorisations sous couvert de « simplification administrative ». Quant aux emplois promis, que valent-ils vraiment ? En 2018, le député et ancien secrétaire d’État au numérique Mounir Mahjoubi alertait déjà sur le fait que pour chaque emploi créé en France, Amazon était responsable de la destruction de deux autres. Peu de chances que ce ne soit plus le cas en 2024, d’autant que l’entreprise affiche toujours un turn-over important au niveau de ses ressources humaines[2].
Nous voilà donc à faire des courbettes devant Microsoft et des ponts d’or à Amazon tandis que des entreprises françaises peinent à se développer sur leur propre sol, à l’instar de l’entreprise Bridor, leader de la fabrication industrielle de produits boulangers à destination des professionnels, qui s’est résignée en 2022 à construire sa nouvelle usine au Portugal après avoir tenté pendant plus de cinq ans de l’implanter en Bretagne. Déjà à l’époque, le président du groupe déplorait les difficultés rencontrées : « Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre 10 ans, voire certainement davantage, pour que notre projet industriel aboutisse ! […]lorsque nos concurrents à l’étranger mettent un à deux ans maximum pour obtenir les mêmes autorisations de construction. »[3]
Paroles, paroles…
Ajoutons à cela que ces chiffres ne sont que des promesses. Certaines ne seront pas honorées ou pas complètement. À l’édition 2018, par exemple, le groupe américain Del Monte avait annoncé l’ouverture d’une usine de découpe de fruits dans la Somme, mais le projet a depuis été abandonné.
Finalement, nous ne devrions considérer le sommet Choose France que pour ce qu’il est vraiment : une belle campagne de communication, domaine dans lequel le gouvernement actuel semble toujours exceller. « Marquez les esprits »[4] est le mot d’ordre et le cache-misère d’un pays en réalité désindustrialisé. Prenons l’exemple de l’industrie textile qui a quasiment disparue du sol français et cela de manière irrémédiable. En effet, même si l’envie venait à une entreprise, étrangère ou non, d’installer son usine de production textile en France, celle-ci se retrouverait vite confrontée à de gros problèmes de recrutement puisqu’il n’existe presque plus de main d’œuvre qualifiée. Dans ce domaine comme pour tant d’autres, le savoir-faire est perdu.
Sans surprise également, les grands oubliés de Choose France sont pourtant ceux qui représentent le premier employeur et le principal tissu économique français : les TPE, PME, parfois même sous-traitants de ces grandes multinationales. Dans un communiqué, Sophie de Menthon, présidente du mouvement ETHIC (Entreprises de Taille Humaine, Indépendantes et de Croissance), le rappelle à juste titre : « Bravo à nos grandes entreprises, bonne chance à Choose France et n’oublions pas que sans les TPE/PME, les ETI et leurs sous-traitants, elles ne seraient rien ! ».[5] Lumière est rarement faite sur l’importance considérable de ces entreprises de tailles plus modestes pour le tissu économique français, le maintien et la création d’emplois. Pour elles, la sentence est tombée : c’est pas Versailles !
« Je ne vous aime pas, je vous préfère »Journal, juillet 1950
Paul Claudel (1868-1955) est un cas dans la littérature française. Dites « Claudel », et immédiatement s’ensuit une série de poncifs sur l’ « écrivain-catholique ».
Alors, tout reprendre, tel Sisyphe, tenter encore d’expliquer le génie, de le dire au moins ? Le moyen de faire autrement ? L’occasion nous en est donnée grâce à la biographie (Flammarion) à l’américaine quoique très sensible que Marie-Anne Lescourret, philosophe et musicologue, nous livre de cet écrivain monumental, sinon méconnu, mal connu :
« À la façon dont Rubens est le peintre des grosses femmes et Goethe l’auteur de Werther, Claudel est catholique », i.e. « vote à droite et se prononce pour la pérennité des ordres établis. Ce stéréotype éculé suffit à identifier puis à éviter Claudel. On évacue Claudel, on le condamne en même temps que la lutte contre la libéralisation des mœurs, le catéchisme, les activités paroissiales, les curés, les prières et autres ‘‘bondieuseries’’. Parler des ‘‘cathos’’ érige son homme en libre-penseur : quiconque s’adonne à cet écart de langage se prend pour Voltaire et passe à côté de Claudel, sans doute parce qu’il est plus facile de s’autoproclamer rationnel que de se confronter au thomisme de L’Art poétique. »
Où l’on voit que l’on peut écrire une biographie exhaustive et rigoureuse de Paul Claudel sans pour autant gauchir ce que l’on pourrait appeler un tempérament.
Claudel, c’est d’abord une réaction : contre le « stupide XIXème siècle », contre le positivisme omniprésent d’Auguste Comte, contre le « tétrasyllabe Taine-et-Renan » honni, contre ce scientisme qui est une offense à son catholicisme de converti.
Bachelier en 1885, il s’inscrit en Droit, puis à l’École libre des sciences politiques. En 1886, c’est le choc : la lecture, en juin, de Rimbaud – Illuminations puis Une Saison en enfer.
Pendant quatre ans, Claudel, jeune homme « plutôt… antireligieux » (Mémoires improvisés) est en proie à des luttes intérieures – révolte ou soumission, besoin d’évasion – dont témoigne l’un de ses premiers chefs d’œuvre, Tête d’Or (1889). S’il « se soumet à l’Église » dès le 25 décembre 1886, pendant les vêpres à Notre-Dame de Paris, il ne fait sa (deuxième) communion que le 25 décembre 1890. Le catholicisme devient alors le centre de sa vie.
Parallèlement à ce parcours spirituel, Claudel lit. Et il lit beaucoup : il déteste Hugo, Goethe, les parnassiens, les romantiques, ne tient pas Stendhal en haute estime, est en revanche flatteur avec Verlaine.
Il découvre ceux qui seront les compagnons d’une vie – outre Rimbaud, rôle « séminal » (sic), et la Bible : Shakespeare, les tragiques grecs, Dante, Dostoïevski, Virgile. Et inaugure sa « carrière » littéraire avec sa présence, dès 1887, aux mardis de la rue de Rome chez Mallarmé. Il y rencontre, entre autres, Valéry et Gide – d’abord estimé, puis détesté, eu égard à son protestantisme invaincu et à des mœurs qu’il juge « répréhensibles ».
« Paul Valéry m’envoie son recueil de Poèmes que je lis avec le plus grand plaisir. On ne saurait pousser plus loin la finesse et le talent technique. C’est merveilleux ! Mais comme c’est peu nourrissant et, somme toute, futile ! Le sujet est toujours cet effort vain et d’avance découragé à se dégager de soi-même. Lu aussi avec grand plaisir le charmant recueil d’Aragon, les Yeux d’Elsa. Enfin le recueil de Lanza del Vasto, le Chiffre des choses, qui est loin d’être indifférent. » (Journal, 20 août 1942).
Lescourret réévalue à la hausse l’influence de Mallarmé sur Claudel : les textes en prose de Divagations, qui livrent l’essentiel de l’enseignement oral de Mallarmé, révèlent une obsession du théâtre qui ne pouvait laisser Claudel insensible : « Le théâtre est d’essence supérieure, nul poète jamais ne put à une telle objectivité de l’âme se croire étranger », écrit Mallarmé qui, en 1889, salue Tête d’Or (« Le Théâtre, certes, est en vous »).
Le théâtre en l’occurrence, pour Claudel, est cette sorte d’opéra wagnérien, où le verbe poétique remplace l’orchestre, et dont les représentations sont une espèce de rituel religieux ouvert sur le mystère chrétien : ses collaborations avec Honegger et Darius Milhaud illustreront ce souci catholique, dans son œuvre, « de l’unité, de la composition esthétique » qui englobe(nt) les diverses formes d’art : théâtre, danse, musique, peinture.
Comme un écho et prolongement de « l’art total » voulu par Wagner et Mallarmé – à cette différence près que « le drame de la vie de Mallarmé est celui de toute la poésie du XIXème siècle qui, séparée de Dieu, ne trouve plus que l’absence réelle ».
De là les rencontres qui ponctueront son existence de dramaturge avec les rénovateurs du théâtre de son temps : Gémier, Lugné-Poe, Copeau, Pitoëff ou Barrault. Ou avec les peintres et décorateurs, comme José-Maria Sert auquel Le Soulier de satin est dédié.
Lescourret le dit (et le redit parfois – sourire) : « Claudel ne se soucie pas de convaincre le peuple par le biais de représentations séculières mettant l’indicible à la portée des ignorants. Convaincu de sa mission apostolique depuis sa conversion, le « rouleau convertisseur » (Claudel, par Gide) n’entreprend pas de replier le ciel sur la terre, de ramener l’inconnu au connu. Il est trop convaincu de l’extériorité de Dieu au monde et de son incommensurabilité à toute entreprise humaine. Toute verbalisation du religieux, fût-elle célébration, louange, devra donc porter trace de cette impossibilité, de cette conscience de la place – humble – assignée au dramaturge, au poète ».
Et pour attester la « trace de cette impossibilité », Claudel cultive « son côté comique, le lyrisme épanoui dans la farce » : le baroque de son théâtre en somme, baroque comme l’art de la Contre-Réforme qu’il chérit et… contradictoire, comme l’est « le tout de toute chose », qu’il cherche à embrasser dans une universalité qui est l’autre nom de son catholicisme.
D’où le côté hénaurme de certaines de ses pièces – en particulier du Soulier de satin(1929) qu’il considère comme testamentaire et qui le sera en effet (hormis quelques « commandes ») – côté hénaurme qui rappelle opportunément que Claudel est un contemporain de Jarry. Comme de « tous les mouvements les plus radicaux de la révolution culturelle du premier XXème siècle (symbolisme, surréalisme, cubisme, dadaïsme) » – à jamais étrangers, eux, au lecteur de Shakespeare et des Grecs.
Claudel est bien cet « éléphant blanc »,« aérolithe » tombé du ciel (Mémoires improvisés) qui se définit comme « bon catholique, mais écrivain, diplomate, ambassadeur de France et poète ». Il mena sa carrière diplomatique 46 années durant jusqu’au sommet – l’ambassade de France aux États-Unis (après, entre autres, 15 ans en Chine et 5 au Japon) – et élabora une oeuvre qui assume, voire assure, la transition du symbolisme fin de siècle à la modernité, avec Milhaud et Honegger déjà cités.
Les surréalistes, « imbéciles qui essaient de se faire prendre pour des fous », le détestaient : on ne pouvait être poète et ambassadeur de France. Robert Desnos, pourtant : « Le plus grand poète vivant, c’est Claudel, nom de Dieu ». Ou l’hommage d’Artaud – dans l’interprétation d’un acte de Partage de midi au théâtre Alfred-Jarry (1928, sans l’autorisation de Claudel).
Quant à son côté « réactionnaire » : s’il a servi la République avec dévotion sous l’amical regard du puissant secrétaire du Quai d’Orsay (Philippe Berthelot, mort en 1934), Claudel n’en a jamais été un partisan acharné (ni de la démocratie, toujours considérée avec méfiance).
Mais l’un de ses plus obstinés ennemis fut Charles Maurras : « Le mot ‘‘méchant’’ en français a deux sens. On dit ‘‘un méchant écrivain’’ et ‘‘ un méchant homme’’. Dans cette double acception ce terme ne saurait s’appliquer plus parfaitement qu’à M. Charles Maurras. » (Journal, 15-16 septembre 1942).
Les épisodes de leur très inamicale relation (au-delà de la condamnation (1926) de L’Action française (AF) par le Vatican) sont édifiants – et à « l’honneur » de Claudel qui, là encore, montre qu’il n’a jamais (sauf à la fin de sa vie) manqué d’oreille, contrairement à l’autre, de l’AF, qui, sourd ou pas, a toujours donné l’impression d’en manquer (d’oreille). On pense, outre sa doctrine politique, à sa discutable (datée) poésie – là où celle de Claudel est, simplement, révolution (voir sa « théorie » de la musique ou, surtout, son Art Poétique).
Et puis il y a son mot, poétique et profond, qui vaut devise : à l’encontre du Barrès de « la terre et les morts », Claudel, paysan madré mais écrivain cosmopolite, pour qui être catholique consistait dans « le souci de ne pas faillir au chœur »,« au monde comme totalité organique, assignant à chacun une fonction, un espace », Claudel, donc, dira qu’il en tient, lui, pour « la mer et les vivants ».
Ce monde dont (il) a fait le tour ne se résout, écrit Lescourret, « ni en sensations ténues et disparates ni en équations. Il est plan, organisation, organisme – chœur – d’un seul tenant comme l’indiquent les océans ainsi que la confusion du ciel et de la mer. Le symbolisme se joue dans la reconnaissance d’un invisible à l’œuvre dans le visible, sur la voie duquel c’est moins la connaissance que la sagesse qui nous appellera ».
Pour conclure (un bref instant) : chez Claudel, « la Nature est symbole et l’Histoire est parabole », et tout ce qui donne à l’homme l’illusion du changement et de la nouveauté est condamnable – le sentiment de révolte (commun au romantisme et au surréalisme), comme les prétendus « bienfaits de l’instruction d’une humanité à la fin devenue consciente ».
À toutes les formes d’émancipation, Claudel préfère un idéal de solidarité – entre les hommes et entre les choses : « Pas une chose qui ne soit nécessaire aux autres ».
La rencontre avec Rose Vetch (femme frivole et insouciante qui sera Ysé, la femme sublime de Partage de midi) lui permet de vérifier que si Dieu est omniprésent, « la lumière qui indique la voie n’en éclaire pas toujours le franchissement. C’est un but, un idéal, une vocation, avec tout ce que cela comporte d’obstiné et d’obscur » (Lescourret).
L’existence temporelle propose ses accès au divin. Pour Claudel, Rose-Ysé fut l’un d’eux : mariée, mère de famille, révélation totale et empêchement total. Cette femme lui indique les limites de son engagement dans le monde et ce à quoi il peut (doit ?) aspirer : « La femme apparaît comme l’instrument de la révélation divine, en ce qu’elle incarne l’inaccessible ».
Et Lescourret de conclure : « En ce qu’elle manifeste, par le biais de l’amour qu’elle inspire, qu’il y a dans le monde quelque chose de plus fort que nous qui nous domine, nous gouverne et vers quoi nous devons tendre, comme vers ce qui répondrait à la question principale : pourquoi ? » Claudel avait sans doute un commencement de réponse : l’apothéose d’une union mystique dans l’au-delà.
Le « poëte » (sic) meurt en 1955 (obsèques nationales à Notre-Dame de Paris). Il est inhumé dans le parc du château de Brangues (Isère, acquis en 1927). Son épitaphe : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel ». Grâces lui soient rendues.
P.S. – Appendice biographique – Né dans une famille profondément catholique, fils du Vosgien Louis Prosper Claudel, fonctionnaire de l’enregistrement (comme le père de Mallarmé), et de Louise Cerveaux, Claudel fut très marqué par son enracinement dans le terroir maternel, ce Tardenois natal aux confins de l’Île-de-France, de la Champagne et du Soissonnais. Au gré des mutations paternelles, de Bar-le-Duc à Nogent-sur-Seine puis à Wassy-sur-Blaise, Rambouillet et Compiègne, il reçut avec ses sœurs aînées, Camille et Louise, une éducation solide. En 1882, la vocation artistique de Camille impose l’installation à Paris. Claudel entre au lycée Louis-le-Grand et suit les cours de philosophie de Georges Burdeau, moraliste républicain, jacobin kantien, traducteur de Schopenhauer : repoussoir pour Claudel. Il admire Beethoven et Wagner.
Paul Claudel, de Marie-Anne Lescourret, Flammarion, coll. Grandes Biographies.
A lire aussi : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil.
Le débat sur notre politique économique est rempli d’idées idiotes et profondément ancrées. Cela convient aux gouvernements successifs, aux médias et aux électeurs, mais pas forcément à nos créanciers. Seule une contrainte extérieure forte nous obligera à revenir au réel.
Totalement occulté par les candidats de la dernière campagne présidentielle, le déséquilibre abyssal des dépenses publiques françaises revient au premier plan. Nous n’avons vraisemblablement pas fini d’en entendre parler. À l’image des catastrophes migratoires et sécuritaires, après quarante ans de déni et de consciencieux balayage de la poussière sous le tapis, la dure réalité de la dette nous rattrape. La responsabilité paraît tripartite. Elle incombe bien sûr aux gouvernants qui se sont succédé, marqués par leur profonde méconnaissance des principes économiques – qui peut croire qu’un homme comme Jean-Marc Ayrault n’aurait pas mis en faillite une épicerie de quartier en quelques mois ? Nos gouvernements ont compté jusqu’à 70 % de fonctionnaires parmi les ministres ! Des gens curieusement peu enclins à tailler dans les dépenses. Mais les médias et surtout les électeurs français paraissent tout aussi coupables. En matière économique, partis politiques, syndicats, radios ou télévisions, et France des comptoirs, tous relaient des sophismes – ces raisonnements qui n’ont de logique que leur apparence. Voici un petit florilège de la bêtise hexagonale. Attention second degré.
Top 5 des illusions hexagonales
Sophisme numéro un : l’endettement d’un pays n’est nullement comparable à celui d’un individu. Ce dernier est mortel, alors que la France est éternelle. Subséquemment, son endettement potentiel est infini et il suffit d’étaler la dette sur cent ou mille ans pour la rendre économiquement supportable. Certes, des pays ont pu faire faillite dans un passé récent, mais leurs dirigeants avaient omis d’utiliser un outil pourtant simple comme bonjour : l’annulation des emprunts en cours. Il suffira de déclarer urbi et orbi que nous ne rembourserons pas nos créanciers (parce que, c’est vrai, flûte à la fin) et l’affaire sera réglée. Si par malheur, ils refusaient de continuer à financer nos déficits – on ne va pas non plus renoncer à cette tradition nationale –, nous les priverions de nos délicieux fromages. Une menace qui devrait les convaincre d’assurer nos fins de mois.
Sophisme numéro deux : repousser l’âge de départ à la retraite revient à condamner la jeunesse à Pôle Emploi. Il convient au contraire d’anticiper au maximum la fin de carrière des travailleurs expérimentés afin de libérer des postes. Disons 45 ans pour mettre la nouvelle génération au boulot. On refusera de s’intéresser à tous les pays dans lesquels on part à la retraite à 67 ans et qui affichent des taux de chômage très inférieurs aux nôtres – pourquoi prêter attention à des choses qui n’ont aucun sens ?
Sophisme numéro trois : tous ces appels des ultralibéraux à la baisse des dépenses publiques donnent la nausée. Qui ne peut constater le délabrement de l’Éducation nationale ou de notre système de santé ? Chacun sait le scandale que constitue le niveau de rémunération de nos professeurs, de nos infirmier.e.s ou de nos médecins hospitaliers. Le fait que l’Allemagne puisse mieux payer ses soignants parce que le personnel administratif y est 30 % moins nombreux qu’en France n’entrera pas en considération. Cette remarque s’applique évidemment à l’enseignement et au personnel non enseignant des rectorats. On ne peut, en effet, vouloir sérieusement lutter contre le chômage en supprimant des postes dans les administrations. Fort de cette certitude, le secteur public a vu le nombre d’emplois progresser de 12 % en vingt ans – soit 600 000 fonctionnaires supplémentaires. Le bon sens conduit à résorber le chômage et les problèmes de qualité de service en accentuant cette tendance vertueuse : encore 2 à 3 millions de jobs à créer. À l’issue, le plein emploi et des services publics dignes de l’Union soviétique – le bonheur quoi.
Sophisme numéro quatre : ne nous laissons pas abuser par ceux qui déclarent que la France est déjà l’un des pays les plus égalitaires au monde (méprisons notamment l’indice de Gini, qui ne le prouve qu’aux yeux des suppôts du capitalisme à face de hyène). N’accordons aucun crédit à ceux qui jugent comme un privilège exorbitant la garantie de l’emploi à vie dont bénéficient les fonctionnaires. Au nom de l’égalité, il faudrait au contraire étendre cette garantie aux salariés du privé et interdire tout licenciement. Ceci, conjugué à la semaine de 32 heures (au maximum), ce corpus de bon sens reléguera le chômage au rang de mauvais souvenir. Il est désolant que l’avenir radieux offert par des mesures aussi simples nous soit rendu inaccessible par le dogmatisme des marchés financiers assoiffés du sang des travailleurs.
Sophisme numéro cinq : n’est-il pas enfin scandaleux que les riches puissent bénéficier du même remboursement des soins que les plus pauvres ? La logique qui prévaut pour une boîte de paracétamol vaut pour la baguette et, par extension, pour le chariot de supermarché. Les 2 ou 3 millions de fonctionnaires dont nous aurions le plus grand besoin pourraient ainsi trouver à s’employer (sans marcher trop vite dans les couloirs toutefois). À la caisse, le prix de nos courses pourrait être fixé par un caissier adjoint, recruté par le Trésor public. Vincent Bolloré paierait alors son steak haché environ 354 827 euros, tandis que la même bidoche coûterait un centime aux bénéficiaires des minima sociaux.
Les français vont casquer
Trêve de plaisanterie, même si ces billevesées paraissent avoir un peu moins le vent en poupe, nous ne sommes pas tirés d’affaire pour autant. Le pouvoir en place depuis sept ans est menacé à plus ou moins brève échéance par le Rassemblement national. Or le ticket Le Pen-Bardella tente de se faire élire en laissant croire que personne n’aura à faire d’efforts, sauf les immigrés. Pieux mensonge. En revanche, l’Allemagne et la BCE exigeront de la droite populiste ce qu’ils n’osaient demander aux « gentils » Hollande ou Macron : une amère austérité. Il restera à Marine Le Pen la possibilité du Frexit (dont les Français ne veulent pas) ou l’option grecque d’Alexis Tsipras, élu sur un programme radical de dépenses publiques débridées, mais transformé en « Père la Rigueur » d’une purge libérale sévère. Dix années terribles, mais dont la Grèce sort à présent renforcée. Ce sera le prix à payer par la France pour avoir cru aux Diafoirus de l’argent magique éternel. Mais les ramener sur terre ne sera pas une mince affaire – ainsi un certain Philippe Askenazy, économiste et humoriste au Monde, publie-t-il une tribune délicieusement intitulée : « Le déficit de la France est inquiétant car il est instrumentalisé pour justifier des politiques publiques de coupes budgétaires »1. Ce qui doit l’inquiéter dans l’insécurité, ce n’est pas la violence mais la justification (indigne) de mesures sécuritaires. Si le réel donne raison à la droite libérale, le réel a tort.
Le prochain gouvernement néerlandais ne portera pas le nom de M. Geert Wilders, mais sera empreint de sa marque indélébile. Un accord de gouvernement vient d’être trouvé.
Esprit de Geert Wilders, es-tu là ? Oui, car certains points du très droitier programme de gouvernement dévoilé jeudi 16 mai résument les marottes du politicien anti-immigration. Ainsi, sur le plan des demandes d’asile, il appliquera « le programme le plus sévère jamais vu aux Pays-Bas », promettent les quatre partis signataires. En premier lieu le Parti de la Liberté (PVV) de M. Wilders.
Un gouvernement qui entend affronter strictement la crise migratoire
L’immigration y est qualifiée de « sujet à crise », justifiant des mesures draconiennes. L’asile ne sera plus accordé ad vitam aeternam et pourra été révoqué à tout moment. Les déboutés du droit d’asile seront expulsés, le refus d’obtempérer vu comme un délit. Finie désormais l’automaticité du regroupement familial, tout comme le droit aux logements sociaux de demandeurs d’asile légalisés. Ceux-ci ayant souvent priorité sur des Néerlandais ayant poireauté pendant des années sur des listes d’attente. Sera abrogée également la loi qui oblige des maires à accueillir des demandeurs d’asile et autres réfugiés contre lesquels les habitants sont souvent entrés en rébellion musclée. Le futur gouvernement s’efforcera, dans l’Union européenne, de protéger davantage les Pays-Bas de flux migratoires, prenant exemple sur ce que le gouvernement social-democrate danois a obtenu en ce domaine.
Sur l’éducation, le futur gouvernement veillera à ce que l’enseignement de la Shoah ne soit pas supplanté par celui fustigeant les méfaits du colonialisme et du racisme aux Pays-Bas.
Wilders jugé trop clivant
Ce gouvernement ne sera cependant pas dirigé par M. Wilders, jugé trop clivant y compris par ses partenaires. Il ne fait pas de doute pour autant qu’en coulisse, c’est M. Wilders qui veillera à ce que « la volonté du peuple soit respectée » comme il l’a dit maintes fois pendant les laborieuses tractations en vue de former une coalition après son triomphe électoral aux législatives de novembre 2023. Son parti obtint 37 des 150 sièges dans la Chambre des Députés, de loin le groupe le plus important.
Impossible donc de respecter encore plus longtemps le « pacte anti-Wilders » en vigueur depuis une vingtaine d’années – quand il quitta le parti libéral VVD… avec lequel il a signé son accord dans la nuit de mercredi à jeudi.
Des marges, voilà M. Wilders installé au centre de la politique néerlandaise. Restait à lui trouver des partenaires gouvernementaux pas intimidés des cris d’orfraie de la gauche contre cet affreux raciste. Le VVD et le Mouvement des Paysans et des Citoyens (BBB) se sont laissés convaincre rapidement. Ce qui ne fut pas le cas du dirigeant du parti Nouveau Contrat Social (NCS), M. Pieter Omtzigt. Celui-ci reprocha à M. Wilders ses marottes aux prises avec les libertés de religion et d’enseignement, et de faire fi de la Constitution en voulant interdire dans la rue le foulard islamique, des écoles islamiques, le Coran. M. Wilders a consenti à mettre ces promesses électorales « dans le frigo ». Pour mieux les conserver ? Concession bien plus importante, Wilders a renoncé à être Premier ministre, rompant ainsi avec l’usage qui veut que le vainqueur des élections législatives forme le gouvernement.
Les observateurs de la presse dite de qualité, qui le détestent, parlent d’une fausse concession. En réalité, M. Wilders saurait que sa nomination à la tête d’un gouvernement risquerait d’enflammer ‘les jeunes des quartiers’, horripilerait le monde arabo-musulman et poserait de graves problèmes de sécurité pour l’homme condamné à mort par Al-Qaida et vivant sous escorte policière permanente.
La composition du gouvernement prendra encore quelques semaines sous l’égide d’un médiateur. Il est de notoriété publique que M. Wilders verrait bien…. un socialiste comme Premier Ministre, M. Ronald Plasterk. Socialiste, mais non-sectaire car M. Plasterk, ancien ministre, est également chroniqueur du journal conservateur De Telegraaf. Mais le futur Premier ministre, acceptera-t-il (ou elle) de ne pas être le véritable chef de la coalition ? C’est à dire, de devoir toujours demander l’imprimatur de M. Wilders ?
Sauf à être Jeanne d’Arc, l’armée française demeure un monde d’hommes, et Saint-Cyr un endroit où des élèves masculins se promènent sans serviette au retour de la douche. Pourquoi ?
Cela faisait plusieurs mois que je me demandais si les affaires de harcèlement sexuel, tant physique que moral, à l’École spéciale militaire, dont j’avais vent de toutes parts, allaient finir par se retrouver sur la place publique. Maintenant que c’est le cas, permettez-moi ici un témoignage et une réflexion, puisque j’ai bien connu cette académie en y encadrant pendant plusieurs années des mémoires de recherche. Cela m’a permis de connaître l’institution de l’intérieur et de parler, souvent en profondeur, à beaucoup d’élèves avec qui s’était noué un lien de confiance – y compris dans les deux groupes dont il est question dans ces affaires : les « féminines » et les « tradis ».
La difficulté que je perçois, c’est que la situation est insoluble.
Que les élèves-officières soient traitées comme des entités de seconde zone, pour ne pas dire les choses plus brutalement, c’est une évidence. Il y a, certes, beaucoup de variations. D’abord, entre les différentes élèves. Celles qui souffrent le plus sont celles qui, mauvaises en sport (malgré un barème différentiel qui les avantage indûment aux yeux de beaucoup d’élèves masculins), se retrouvent mieux classées qu’eux, car elles travaillent bien plus assidûment les matières académiques (mépriser l’académique fait, autant que mépriser les femmes, partie d’un certain esprit saint-cyrien). Celles-là sont considérées comme illégitimes et, toute la carrière des officiers se jouant sur le classement de sortie, comme dangereuses. Les filles en queue de classement, nombreuses, ont tendance à mieux s’en sortir, puisqu’au moins elles ne sont pas perçues comme des menaces. Quant aux féminines qui excellent partout – mais elles sont rares – elles sont normalement respectées, un peu comme des « hommes honoraires ».
Variations ensuite entre les promotions : des progrès très notables avaient été accomplis ces cinq ou dix dernières années dans les relations hommes-femmes, avant que les choses ne dégénèrent de nouveau très spectaculairement avec la promotion entrée en 2022 (l’actuel deuxième bataillon). Mais le harcèlement, la discrimination, n’ont jamais cessé : chacun sait, par exemple, que des élèves essayent, en début de scolarité, de faire craquer des féminines afin de libérer des places pour leurs camarades (hommes) de lycée militaire restés sur liste complémentaire.
Face à cela, la « solution » la plus évidente, pour le commandement (d’abord militaire puis, au-dessus, politique), serait de forcer les élèves-officiers à cohabiter de manière pacifique et respectueuse. Indubitablement, d’autres académies militaires, à l’étranger, y arrivent beaucoup mieux. Mais il y a deux problèmes, sans doute insurmontables, avec cette approche.
Le premier, c’est que si on peut probablement empêcher les agressions sexuelles par voie répressive, il est quasi-impossible de lutter contre des formes plus sournoises de harcèlement, comme l’« indifférence courtoise » de certains élèves qui, pour l’essentiel, font comme si leurs collègues féminines n’existaient pas : on ne peut, ni sur le plan des principes, ni celui des réalités concrètes, forcer deux personnes à se parler.
Le second, c’est que l’armée française, ou plus exactement le corps de ses officiers saint-cyriens, est idéologiquement et sociologiquement extrêmement marqué, beaucoup plus que ses homologues d’autres pays. La France est le pays de la Révolution française ; mais l’armée est toujours restée, depuis le milieu du XIXe siècle, comme un lieu où les élites qui n’ont jamais accepté ce monde nouveau pourraient tout de même s’engager, pensant servir un pays transcendant ses régimes (« la France, pas la République »), voire un principe spirituel. Saint-Cyr, et c’est d’ailleurs ce qui la rend passionnante d’un point de vue anthropologique, est une contre-société – qui, d’ailleurs, s’auto-perpétue assez largement. Entre les élèves masculins qui ont grandi toute leur vie dans le monde d’« Au nom de Dieu, vive la coloniale » et des élèves féminines venues parce qu’on leur avait fait croire qu’il s’agissait d’une grande école comme les autres, où elles apprendraient le « leadership » et pourraient réussir par leur travail, l’incompréhension est inévitable : et, à un moment, un clash frontal aussi.
L’esprit du temps aura évidemment choisi son camp : celui de #MeToo. De fait, le traitement de beaucoup d’élèves féminines, je l’ai vu de mes propres yeux, est honteux. Mais sans doute aurait-il fallu y penser avant. Car c’est toute l’organisation de l’armée française, avec notamment l’existence, si atypique, de lycées militaires en marge de la société, qui vise à un recrutement extrêmement endogame. Autrement dit, l’armée recrute structurellement le genre d’élèves-officiers, issus d’une très vieille tradition militaire et éduqués dans un quasi-système parallèle, dont elle déplore ensuite le comportement et la vision du monde : on ne sait pas quel mot, hypocrisie ou bêtise, décrit le mieux cette situation.
D’ailleurs, s’il est par certains côtés une faiblesse, du fait de son isolement socio-culturel et sa trop grande homogénéité intellectuelle (idéologico-politique), ce recrutement est par d’autres une grande force. La France est sans doute le seul pays où l’armée possède une telle masse de traditions, façonnant tous les aspects de la vie. À Saint-Cyr, on parle une langue à part, qu’il m’a fallu apprendre pour être accepté (ça n’est pas du tout le cas dans une institution comme Sandhurst, au Royaume-Uni, que j’ai également connue). Beaucoup d’élèves-officiers vivent leur engagement, sur la lande bretonne puis en régiment, non comme un travail pour lequel ils seraient payés, mais comme un sacerdoce (sacerdoce laïque pour certains, laïque et religieux pour d’autres). Là encore, ce n’est pas quelque chose que j’aie rencontré ailleurs, et c’est une des très grandes forces du corps des officiers des armes en France : ils sont unis par quelque chose, une forme de mystique, qui les transcende et leur donne cet esprit de corps qui permet à l’armée française de demeurer une des plus respectées au monde, malgré ses moyens devenus misérables. Ce sacerdoce, il est vrai, ne fait guère plus de place aux femmes que celui de l’Église catholique.
La situation semble donc insoluble. Plus on essayera de forcer – et c’est sans doute, de toute manière, voué à l’échec – pareille institution à intégrer ce qui demeure, historiquement, un corps étranger pour elle (car, sauf à être Jeanne d’Arc, l’armée est un monde d’hommes ; et Saint-Cyr un endroit où des élèves masculins se promènent sans serviette au retour de la douche), plus on poussera dehors ceux qui faisaient la force de cette institution. Or, il faut bien comprendre qu’il n’y a personne pour prendre leur relève : d’abord parce que cela n’a pas été organisé ; ensuite parce qu’il n’y a peut-être pas d’autre groupe socio-culturel, en France, qui accepterait les sacrifices que, par fidélité à un monde et à son histoire, ces « tradis » (et ceux qui s’agrègent à eux pendant les trois années de leur scolarité) acceptent. Sans eux, le corps des officiers des armes disparaîtrait.
L’alternative est donc simple : soit défaire de force cette contre-société, dont les valeurs sont certes en déphasage par rapport à la société actuelle, mais qui est parfaitement irremplaçable, dans l’espoir que les élèves-officières puissent suivre leur scolarité à Saint-Cyr sans risquer leur intégrité physique et psychologique. Soit trouver une autre manière d’intégrer les femmes dans ce qui reste, par excellence, par essence même peut-être, une institution masculine. Dans une société devenue plus liquide que jamais, comme si tout jusqu’aux hommes et aux femmes était interchangeable, peut-être n’est-il pas illégitime – même s’il y a aura toujours des Jeanne d’Arc – que tout ne soit pas soustrait au principe, masculin ou féminin, qui l’a formé et construit au cours des siècles ?