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Pacte à trois? Patatras!


Pacte à trois? Patatras!

Hier soir, nous avons donc appris que Ségolène Royal, dans un entretien à la Nouvelle République du Centre-Ouest, se déclarait très officiellement candidate à la candidature socialiste à l’élection présidentielle. Je sais, normalement, je devrais appeler cela « candidate aux primaires à gauche » mais comme tous les autres partis de gauche ont déjà opposé une fin de non-recevoir à cette histoire, il faut savoir ramener cette compétition à ses justes proportions.

Cette désignation commençait de la manière la plus distrayante possible. Avec des personnages hauts en couleurs, jouant tous un rôle précis pour le plus grand plaisir des observateurs. Il y avait Manuel, celui qui est candidat depuis que les primaires ont vu le jour, et même avant. Représentant de l’aile UMP du parti, il n’y pèse guère plus de 2 ou 3%, et pour cause, Jean-Marie Bockel avait déjà rejoint Nicolas Sarkozy avec les maigres troupes blairistes assumées. Ouvrir la désignation aux sympathisants et plus généralement à l’homme de la rue de gauche qui a pu le voir à la télé, c’était une chance inouïe de jouer un rôle en 2012.

Il y avait aussi Arnaud, le créateur de ces primaires et qui, comme Charlie Pasqua, pensait surtout à lui lorsqu’il a fait le voyage aux Etats-Unis pour savoir comment importer les caucus à Frangy. Et, en effet, Arnaud a annoncé sa candidature la semaine dernière. Il en était question, d’ailleurs, dans ces colonnes. Enfin, il y avait François, qui avait loupé le coche en 2007, et qui bien que répétant que cette histoire de primaires n’était pas conforme à la tradition militante de son parti, avait finalement décidé qu’elles pouvaient finir par lui être favorables. Régime, couleur, séduction des lecteurs du Figaro.fr et d’autres malins artifices furent donc mis en œuvre afin de profiter au maximum de cette joyeuse compétition, appliquant avec une persévérance admirable les conseils désormais légendaires de Jean-Claude Dusse :« Oublie que tu n’as aucune chance; vas-y, fonce: sur un malentendu, ça peut marcher ! ».

Et il y avait la trinité de Marrakech. Dans le riad de Dominique Strauss-Kahn, au cœur de la Perle du Sud, Ségolène, Martine et le maître des lieux signèrent, raconte t-on, un pacte censé demeurer secret. Or, les partisans de Martine et de son allié Fabius n’ont pas cessé de le raconter par le menu à tout ce que Paris compte de journalistes, ou presque. Après quoi Martine et Laurent s’y sont mis personnellement. Si DSK a l’immense avantage de pouvoir se retrancher derrière le devoir de réserve, ce n’est pas le cas de Ségolène Royal qui a dû confirmer qu’elle ne déciderait pas seule, tout en infirmant qu’il existait bien un pacte, lequel mot sonne légèrement magouille. Bien que n’étant pas dans le secret des dieux, on imagine assez bien que la Présidente du Conseil régional picto-charentais, ne goûtant guère qu’on associe son image à celle d’une comploteuse signant un pacte sous le soleil de la Ville Ocre en train de se faire servir roses au miel et thé à la menthe, a prévenu sa copine Martine qu’une plus grande discrétion s’imposait, sans quoi le fameux pacte virerait caduc. En vertu de quoi, la semaine dernière au journal télévisé de 20h de France 2, Martine, a rappelé l’existence de cet accord. Ce qui a donc déplu à Ségolène, laquelle s’est donc défaite du pacte en question en annonçant hier cette candidature. Vous suivez ?

Le pacte à trois n’aura pas lieu

C’est donc Martine Aubry qui a précipité l’annonce de Ségolène Royal, laquelle aurait sans doute préféré gagner encore un peu de temps, puisqu’on l’imagine convaincue qu’elle joue davantage dans la cour de DSK que de celle de Montebourg et Hollande. Dès lors, on peut imaginer trois hypothèses.

La première, c’est que Martine Aubry serait une gaffeuse de première, une sorte de Pierre Richard de Solferino, qui aurait oublié qu’il fallait taire le pacte pour ne fâcher ni ceux qui en étaient exclus, ni ceux qui l’avaient signé avec elle. Cette hypothèse, s’il faut tout de même l’envisager puisque Martine est bel bien la fille de Jacques Delors, celui qu’on cachait autrefois dans les campagnes électorales, me paraît tout de même assez improbable. En effet, Laurent Fabius avait participé activement à cette opération « Eventons Marrakech » et Fabius n’est pas tombé de la dernière pluie.

Il faut donc, plus sérieusement en envisager une seconde : Martine Aubry, encouragée par son allié Laurent, aurait tenté, pour son propre compte, un coup de billard à trois, quatre, voire davantage encore de bandes. Ne me demandez pas comment, parce que moi je n’y vois absolument aucun avantage pour elle. Je n’y vois que des avantages pour les autres. Pour DSK qui continue à se taire et qui bénéficie de cette avalanche de candidatures alors qu’il se balade dans les sondages. Pour Ségolène Royal, qui supplante Martine au cas où DSK ne répondrait pas à l’appel ; Rappelons au passage que Ségolène, semble bien meilleure en campagne électorale que la première secrétaire et qu’elle est, paradoxalement, forte de son expérience malheureuse à la précédent échéance, tel le Jacques Chirac de 1995 (ou même le Mitterrand de 1981). Pour Laurent Fabius, enfin, puisque c’est lui qui conseille Martine, et certainement pas pour son bien à elle mais pour son bien à lui. Complètement hors-jeu au départ, l’ancien premier ministre, envisageant un forfait de DSK, et voyant Martine Aubry hésitante à se jeter dans une bataille si rude pour elle, la convaincrait au bout du compte que c’est lui seul qui peut battre Ségo. Si cette hypothèse se vérifiait, pis que Pierre Richard, on penserait davantage au regretté Leslie Nielsen pour qualifier les qualités stratégiques de Martine Aubry.

La dernière hypothèse serait que DSK aurait déjà confié à Martine Aubry son désir d’être candidat. Et lui aurait déjà promis Matignon. En accord avec Strauss-Kahn ou pas, évoquer ce pacte chez Pujadas, et pousser ainsi Ségolène Royal à annoncer sa candidature, n’en paraît pas une meilleure idée pour autant. Elle négligerait ce sage conseil du Cardinal de Retz selon lequel on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. Lorsque DSK annoncerait sa candidature avec Martine sur son porte-bagages, Ségolène Royal déjà bien en jambes, pourrait même trouver un souffle supplémentaire en dénonçant le pacte de la magouille, se ménageant les faveurs des petits candidats et bénéficiant de leurs retraits. Elle se présenterait comme la candidate de l’honnêteté et de la transparence et pourrait finalement coiffer DSK sur le poteau, à la plus grande surprise des observateurs, lesquels se dopent aux sondages. Il n’est pas interdit de penser que Martine Aubry ne ferait pas figure de favorite pour Matignon ensuite…

Il reste une hypothèse, qui ferait de Martine Aubry une stratège de haut vol et de moi un âne bâté, c’est qu’elle serait de mèche avec Ségolène Royal et torpillerait, de concert avec cette dernière, le fameux pacte de Marrakech, terrassant DSK, lequel continuerait à croire que la première secrétaire est de son côté. Franchement, même en se forçant un peu, on n’y croit guère plus de cinq secondes, non ?



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