Leur guerre

Le billet de Dominique Labarrière


Leur guerre
Métro new yorkais, gare de Grand Central Terminal, 7 mars 2024 © Mary Altaffer/AP/SIPA

À New York, alors que les violences s’y multiplient au péril des usagers, le gouverneur démocrate Kathy Hochul a décidé de déployer 750 soldats dans le métro. Si sa décision radicale est critiquée par certains là-bas, notre chroniqueur estime que le président Macron pourrait s’en inspirer ici plutôt que de regarder vers l’Est.


Appliquant le principe martial néo-macronien selon quoi « En dynamique rien ne doit être exclu », Madame le Gouverneur de l’État de New York, Kathy Hochul – sommité du parti démocrate, précisons-le – activement suivie en cela par le maire de la Grosse Pomme, Eric Adams, lui aussi membre éminent du parti démocrate, a décidé de déployer des troupes, non pas au sol, mais au sous-sol de la ville. Plus précisément dans le gigantesque dédale des quelque quatre cents stations de métro qu’empruntent chaque jour des millions de personnes de tous âges, de toutes conditions, locaux et touristes. Madame le Gouverneur (on excusera ma réticence à donner dans la mode inclusive, cela d’autant plus que la dame en question fait montre d’un caractère qu’en d’autres temps on n’aurait pas hésité à qualifier de viril) Madame le Gouverneur, disais-je, en ayant plus qu’assez des trafics en tous genres, doublement souterrains, qui gangrènent son réseau métropolitain, lasse de compter, ou plutôt de ne plus compter, les vols, les agressions, les viols, les actes de vandalisme, a pris l’affaire en main. D’une main qui ne tremble pas. Elle fait donc désormais appel à l’armée – des effectifs de la Garde Nationale de l’État. Parallèlement, elle renforce de manière significative les forces de police dédiées au maintien de la paix sous terre. Quelque chose comme mille hommes et femmes supplémentaires. Munis de consignes d’une fermeté elle aussi non tremblante. 

Kathy Hochul y pensait depuis un moment. Une fusillade survenue mi-février dans le Bronx a achevé de la décider. Un mort, cinq blessés. Auparavant, dans Brooklyn, un conducteur avait été attaqué au couteau. Voilà un peu plus d’un an, toujours à Brooklyn, une mitraillade à une heure de pointe avait fait plusieurs dizaines de blessés. L’auteur purge maintenant une peine à vie – à vie pour de bon – jugé et condamné pour terrorisme. À ces faits en eux-mêmes terrifiants, sont venus s’ajouter les bonnes vieilles statistiques sans quoi on ne saurait parler de rien. 50% d’actes de violence en plus dans le métro new yorkais en janvier 2024 par rapport à janvier 2023. C’est beaucoup. C’est trop.

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Le maire, quant à lui, entré en fonction le premier janvier 2022, avait été élu sur la promesse de combattre la criminalité sous toutes ses formes, en surface comme en profondeur. Ainsi, ces deux-là devaient fatalement s’entendre. Ils ont rapidement affiché haut et clair leur doctrine en la matière. Ils n’ont pas craint de faire de la sécurité dans le métro, de la lutte contre les fléaux de la drogue et du crime « leur guerre ».

Or, pendant ce temps, Monsieur Macron, sa guerre, « notre guerre », il la voit ailleurs. Par ailleurs, il conceptualise, il intellectualise la chose, n’est-ce pas. Il ne peut pas s’en empêcher. « En dynamique rien ne doit être exclu ». Tout est dans le « en dynamique », manifestation d’une pensée sophistiquée, élevée qui ne se satisfait pas des réalités de tout un chacun, celles observées au ras du bitume. Cela dit, serait-ce lui manquer gravement de respect que de lui faire remarquer que des lieux d’ici, de chez nous, comme Marseille pour ne prendre que cet exemple, ne sont pas loin, en « dynamique », de se mettre à ressembler à quelque chose qui serait de moins en moins éloigné du Bronx à ses plus fâcheux moments ? Et en conséquence, puisque, selon sa propre vision il ne faut rien exclure, ne pourrait-on lui suggérer d’envisager de déployer des « troupes au sol ». Le sol d’ici, bien sûr, de chez nous. Ici et maintenant. Je sais, on m’objectera que ce n’est pas, originellement, le job de l’armée. Et alors, à la guerre comme à la guerre, non ? À moins bien sûr qu’on se refuse à considérer que le tsunami de drogues mortelles et la déferlante de violence que nous subissons chaque jour un peu plus ne puissent être qualifiés de guerre? Une guerre qui, pourtant, serait bel et bien la nôtre, cette fois…




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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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