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Vivre dans un monde de droite, c’est…

...s'opposer à Maduro au Venezuela quand on a Orban chez soi


Vivre dans un monde de droite, c’est…
Une femme porte une fausse moustache en soutien à Nicolas Maduro, Caracas, 2 février 2019. ©Ariana Cubillos/AP/SIPA / AP22297815_000077

Alors que l’Union européenne n’est pas exempte de tout reproche, plusieurs de ses membres, dont la France, ont fait pression sur le régime chaviste de Nicolas Maduro au Venezuela, et reconnu la légitimité de son opposant Juan Guaidó.


Vivre dans un monde de droite, c’est par exemple voir six pays de l’Union européenne faire les gros yeux à Nicolas Maduro, lancer des ultimatums, reconnaître un président auto-proclamé, représentant de l’hyperbourgoisie vénézuélienne contre un président socialiste et bolivarien élu, héritier du formidable espoir incarné par Hugo Chavez.

Macron préfère l’Arabie saoudite

Vivre dans un monde de droite, c’est entendre des membres de l’Union européenne s’indigner des atteintes à la démocratie dans un pays d’Amérique latine, le Venezuela, alors qu’elle compte, cette Union européenne, des pays qui laissent s’exprimer l’antisémitisme en pleine rue, des pays qui font de la chasse aux Roms et aux migrants une politique d’Etat que ce soit dans la Hongrie d’Orban, dans la Roumanie qui occupe actuellement la présidence de l’Union ou dans l’Italie de Salvini, sans compter les nationaux catholiques de Pologne où les maires opposants sont poignardés, où la presse et la justice sont sous contrôle, où l’avortement est en passe de devenir un crime.

Vivre dans un monde de droite, c’est voir Macron s’effrayer et s’indigner pour un Maduro mais continuer à dealer des armes, en lui souriant gentiment, au prince d’Arabie saoudite qui découpe ses opposants dans des consulats à l’étranger.

D’un referendum l’autre…

Vivre dans un monde de droite, c’est entendre partout dire dans la presse, à part quelques rares titres de gauche dont l’Huma, à quel point le Venezuela de Maduro, c’est le cauchemar des droits de l’homme avec déplacements massifs de population,  entendre dire que si on pouvait en finir avec le chavisme, on vivrait dans un monde de paix. C’est vrai, une fois tombé Maduro, la planète sera ce jardin où les bisounours se promènent avec bonheur en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Yémen, dans l’Afrique subsaharienne où le capitalisme, via des factions locales aux alliances changeantes, continue pourtant en silence de mener des guerres pour le contrôle des matières premières.

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Vivre dans un monde de droite, c’est continuer, alors que le chavisme au Venezuela a plus de vingt ans, à considérer que ce pouvoir est illégitime tout simplement parce qu’il a redistribué la manne pétrolière au peuple le plus pauvre d’Amérique latine qui crevait de faim, un pouvoir qui a alphabétisé, soigné et nourri. Sous Chavez, il y a eu 14 scrutins en 13 ans dont quatre élections présidentielles. Précisons que toutes les élections au Venezuela ont été surveillées par des batteries d’observateurs internationaux et que la seule que Chavez a perdu d’un rien était un référendum sur la Constitution. Et, chose étrange pour nous Français, bien que ce résultat ne lui plut pas, il ne refit pas passer sa réforme constitutionnelle en catimini devant le parlement comme Sarkozy avec le TCE.

Bolsonaro se régale

Vivre dans un monde de droite, c’est avoir tout tenté contre Chavez, dès son accession au pouvoir. C’est avoir lancé des coups d’Etats, des tentatives d’assassinat, organisé la désinformation en appelant dictature une démocratie et aujourd’hui, continuer la même intoxication contre Maduro, alors qu’un fasciste raciste, Bolsonaro, qui veut en finir avec les droits des indigènes, les droits des femmes et pour faire bonne mesure avec l’écosytème amazonien, est devenu président du Brésil. Elles sont où les protestations de la vertueuse Union européenne contre la brute galonnée qui veut armer les particuliers car il est bien connu que la guerre de tous contre tous est encore le meilleur moyen de maintenir la pression du talon de fer ?

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Vivre dans un monde de droite, c’est avoir la mémoire courte, c’est refuser de voir l’analogie avec les événements en cours à Caracas et ceux qui eurent lieu en 1973 au Chili : une bourgeoisie qui n’a jamais supporté d’être dépossédée, qui n’a jamais admis la légitimité du pouvoir et qui fait appel au grand frère américain, car il est bien connu que la bourgeoisie n’a qu’une seule patrie, son pognon et qu’il vaut mieux être les proconsuls riches d’un empereur étranger, même si c’est le père Ubu, que d’être obligé de redistribuer aux pouilleux.

L’avenir d’une espérance

Un souvenir personnel, pour terminer : en juillet 2006, j’étais au festival international de la Semaine noire de Gijón, en Espagne. Il y avait tout le gratin des auteurs de romans noirs latino-américains. J’appris ainsi par Paco Ignacio Taïbo II, organisateur et grand écrivain mexicain, que Chavez venait de faire distribuer par camions entiers des exemplaires de Don Quichotte dans les quartiers pauvres, ceux où se développaient les programmes éducatifs et sanitaires qui ont changé concrètement la vie des gens. Chavez avait autant besoin de Marx que du Christ, de Bolivar que de Cervantes pour mener sa révolution qui passait d’abord par les urnes. J’ai su, ce jour-là, que le chavisme pouvait toujours s’écrouler, et c’est peut-être ce qui va se passer dans les jours qui viennent avec un beau grand soupir de soulagement du côté des oligarques de la finance et de leurs fidèles relais médiatiques, il resterait une espérance.

Et on ne peut rien contre une espérance.



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