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Lloyd Barnes


Lloyd Barnes
Wackie's Records.
Wackie's Records
Wackie's Records.

Le 6 août 1962, la Jamaïque dit « Good Bye ! » à Londres et proclame son indépendance. L’ancienne colonie britannique vit des journées de fièvre et d’exaltation. En pleine guerre froide, l’enjeu est d’importance : pro-Cubains et pro-Américains se disputent le pouvoir sur l’île. A Trenchtown, quartier sud de Kingston, le People’s National Party et le Jamaica Labour Party s’affrontent par gangs interposés.

Trenchtown, c’est le quartier où Lloyd Barnes a grandi. Il y fréquente assidûment les sound systems, d’imposantes discothèques mobiles où les disc-jockeys cherchent à se distinguer de leurs concurrents en proposant de nouveaux morceaux.

En 1967, alors qu’il a tout juste 18 ans, Lloyd Barnes décide de quitter l’île et d’émigrer aux Etats-Unis : depuis l’indépendance, la Grande-Bretagne a limité ses quotas d’immigrants jamaïcains. Lloyd Barnes débarque dans le Bronx, à New York. Le jour, il court les chantiers de construction pour gagner sa croûte. Le soir, il court les sound systems du Queens et de Brooklyn, avant de monter le sien. Il n’est pas dépaysé : ici aussi, les gangs font la loi. Certains soirs, les balles sifflent au-dessus du mur de haut-parleurs. La guerre des gangs, spécialité de Trenchtown, a rattrapé les Jamaïcains de New York.

[access capability= »lire_inedits »]Pas téméraire, Barnes décide de diversifier ses activités. En 1972, avec ses économies, il achète du matériel qu’il bricole un peu pour avoir un son singulier. Il loue une cave, y monte son propre studio d’enregistrement et réunit une bande de musiciens pour assurer ses futures sessions. Un an plus tard, les premiers disques voient le jour, estampillées d’un lion et d’un drapeau, l’emblème de son label, Wackie’s. Au bout de quelques mois, Barnes ne peut plus assumer le loyer de son appartement et de son studio. Il décide de dormir dans le studio d’enregistrement. Les 45 tours du label sont pressés à 500 ou à 1 000 exemplaires selon l’état de son compte en banque.

Un soir de 1976, Barnes se fait détruire sa sono. La guerre des gangs a eu raison de son sound system. Il ouvre alors un magasin de disques pour écouler la production de son label. Barnes produit des artistes plus ou moins connus issus, pour la plupart, de l’émigration jamaïcaine : Junior Delahaye, Love Joys ou Wayne Jarrett. Résolument avant-gardiste, le studio new-yorkais passe maître dans l’art de l’expérimentation et de l’innovation. Progressivement, le studio attire l’attention des pointures de la Jamaïque : Sugar Minott ou Horace Andy. Les productions de Wackie’s se distinguent par un mixage raffiné et une sonorité caractéristique. L’aventure du studio d’enregistrement et du label dure dix-sept ans. En 1989, la hausse du loyer contraint Barnes à mettre la clé sous la porte.

Les productions de Barnes s’affranchissent des étiquettes et des frontières. Vers la fin des années 1990, un garçon avec un léger accent allemand appelle Lloyd Barnes. Il s’agit de Moritz von Oswald, collectionneur et musicien, responsable des « morceaux de dub les plus excitants de la décennie », comme le dit Don Letts, compagnon de route de Bob Marley et des Clash. Von Oswald propose à Lloyd Barnes de rééditer le catalogue de Wackie’s. Barnes accepte. Pour la première fois dans la vie du Jamaïcain, tout est clair, écrit, et surtout l’Allemand aime la musique. C’est ça le plus important. Dorénavant, Wackie’s a une nouvelle maison : Berlin. Quoi de plus normal, pour le label d’un homme qui aimait les murs.

Horace Andy meets Naggo Morris & Wayne jarrett-mini showcase

Price: 42,47 €

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Horace Andy, Dance Hall Style (Wackie’s – W-1383). En 1983, Barnes produisait le meilleur album d’Horace Andy, vétéran du reggae, remis à la mode depuis ses collaborations avec Massive Attack.
Wackies, African Roots Act 1 (Wackie’s – W-001). Premier volume d’une longue série d’albums d’instrumentaux, véritable who’s who du dub.
Naggo Morris, Horace Andy & Wayne Jarrett, Mini Showcase (Wackie’s – W-1716/1722). Barnes, producteur et pygmalion. En quelques titres, Naggo Morris et Wayne Jarrett prouvent qu’ils n’ont rien à envier à Horace Andy.

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Octobre 2009 · N°16

Article extrait du Magazine Causeur



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