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Lettre à Robert Ménard


Cher Robert,

Nous ne nous connaissons pas. Mais comme j’émarge à Causeur, je sais que nous avons des amis communs. Je n’aurais pas eu l’idée de t’écrire[1. Je me permets le tutoiement. Tu comprendras en lisant cette lettre jusqu’au bout] si je n’avais lu le dernier édito du commissaire Joffrin. Il a beaucoup de boulot, en ce moment, le commissaire Joffrin. Avec la taulière de Causeur, avec celui de Marianne2, avec Taddéi, avec Todd, avec Brustier. Il dénonce ceux qui décontaminent ; il recontamine lui-même. C’est un festival. Parfois, le commissaire Aphatie vient lui prêter main forte. Ils alternent à merveille les rôles de flic gentil et de flic méchant. On se croirait presque dans une comédie de Zidi, tellement cela en devient distrayant.

Aujourd’hui, Robert, c’est ton tour. Le commissaire Joffrin a enfilé la tunique de flic gentil. Le ton est plutôt doux, en tout cas, bien davantage que les dernières fois. En fait, le texte en lui-même est plutôt sans intérêt. Ce qui n’en manque pas, en revanche, et en dit tellement sur le personnage de Joffrin, c’est le titre : Adieu Ménard !

Adieu Ménard, cela signifie qu’il t’a longtemps dit bonjour mais qu’il ne veut plus te revoir ; cela signifie qu’il te faisait l’honneur de reconnaître un certain nombre de qualités -qu’il énumère dans le texte- et que, au bout du compte, tu pouvais prétendre avoir l’honneur de manger à la même table. Mais avec cet adieu, c’est terminé. Tu n’en es plus digne. Tu es passé dans le camp des infréquentables. Que dis-je ? Des intouchables, au sens indien du terme. Sans doute, à lire ce titre, il gardera les mains dans les poches lorsque vous vous croiserez. J’exagère ? C’est bien cela, la signification d’un adieu, non ? Tu n’existes plus pour lui. Vous ne vous expliquerez de vive voix, désormais, que dans l’au-delà. Et encore ! Vous risquez de ne point vous y croiser, car si tel endroit existe[2. Ce dont je doute davantage que toi, il faut bien le reconnaître], l’un sera en enfer et l’autre au paradis.

Robert, il faut que je te fasse une confidence : je t’écoute souvent à la télé et à la radio et je suis d’accord avec toi sur pas grand chose. Il est même fort possible que sur certains sujets, chers au commissaire Joffrin, tu me trouverais aussi politiquement correct que lui. Seulement voilà, il se trouve que je suis atteint d’une sacrée tare : j’adore m’engueuler avec mes potes, surtout à propos de politique. Et des potes, j’en ai de toutes les opinions représentées dans le spectre politique français. Cela peut paraître impensable à certains, mais c’est ainsi. Le plus souvent, je deviens copain avec quelqu’un sans connaître la couleur de son bulletin de vote. On se découvre. On s’engueule. Et après on passe à autre chose. Le vin, la bouffe, les filles -sauf si c’en est une-, le foot, etc…

Généralement, je ne reste pas longtemps en froid avec un copain ou une copine. Comme je vis au pays d’Edgar Faure, je considère que « toute brouille est un échec ». Mais cela peut ou pourrait arriver. Si un ami me pique ma femme, s’il m’escroque, s’il manque de loyauté, il est possible que la rancune dure davantage.

Donc, Robert, si on se rencontre un jour, il est bien possible que le courant passe et qu’on devienne copain. Tu sais pourquoi je sais qu’il passera, ce courant ? Parce que j’ai une drôle d’intuition : si un jour je devais faire une grosse connerie et que, recherché par toutes les polices de France, je devais choisir entre sonner à ta porte et sonner à celle du commissaire Joffrin, c’est sans hésitation que je me rendrais chez toi[3. En même temps, c’est normal, si l’autre est commissaire].

Bonjour Robert !



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