Léon Bloy au Secours populaire


Léon Bloy au Secours populaire

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Il serait injuste de dire que l’information est passée inaperçue. Quand l’enquête annuelle du Secours populaire associé à Ipsos sur la pauvreté en France a paru, on en a parlé dans les gazettes et sur les ondes. Mais il faut dire qu’entre les rumeurs de guerre en Orient, l’anniversaire du 11-Septembre, le livre de l’ex-première dame et les propositions chocs du Medef, il fallait faire des choix. Alors on en a parlé, mais comme ça, presque en passant. On a cité le chiffre de 5,60 euros par jour pour vivre pour les usagers du Secours pop, soit 619 700 familles en 2013. Et puis on est passé à autre chose. On a assez peu mis de chair sur le quotidien d’un pauvre, contrairement, par exemple, à ce qu’on fait pour les victimes de l’insécurité. Il n’y a pas eu, par exemple, un éditorialiste pour dire ou écrire, comme Léon Bloy dans Le Sang du pauvre : « Tout homme qui possède au-delà de ce qui est indispensable à sa vie matérielle et spirituelle est un millionnaire, par conséquent un débiteur de ceux qui ne possèdent rien. » Non, on a présenté la pauvreté comme une donnée inévitable, presque un phénomène naturel dont personne ne pourrait être tenu pour responsable.

D’ailleurs, Bloy n’aurait pas la parole aujourd’hui, parce qu’en matière d’économie la ligne officielle est plutôt à l’offre qu’à la demande et que le riche est choyé pour sa richesse, car elle finira bien un jour par ruisseler sur le pauvre, qui, souvent, fait tout de même un peu exprès d’être pauvre.[access capability= »lire_inedits »] Léon Bloy, qui était tout sauf marxiste, n’y croyait pas tellement à cette politique de l’offre. Ce catholique furieux dans la France de la Belle Époque a une voix d’une grande qualité de colère qui nous manque beaucoup. Non, nous dit-il, la pauvreté n’est pas un phénomène naturel, non, elle n’est pas inévitable ; oui, les riches ont une responsabilité écrasante, eux qui non seulement ne veulent pas changer l’ordre des choses mais oublient même la charité. On sait que les managers de fast-food, par exemple, virent facilement les employés qui gardent les invendus pour eux ou pour les redistribuer à ceux qui ont 5,60 euros par jour pour vivre.

Léon Bloy les avait déjà rencontrés, ces managers : « Ceux-là exigent de leur bonne qu’elle jette dans la boîte aux ordures tous les restes, quelquefois importants, de leur table, viandes ou poissons à peine entamés. Ordre formel de les déchiqueter, de les souiller d’excréments ou de pétrole, pour que nul n’en puisse profiter, pas même les chiens et les rats. »

Le Sang du pauvre, vous en reprendrez bien une pinte ? Ou bien, à défaut, lisez-le.[/access]

 

Le Sang du pauvre, de Léon Bloy, disponible… chez les bouquinistes !

 

*Image : wikimedia.

Octobre 2014 #17

Article extrait du Magazine Causeur



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