L’islamisme n’est qu’un prétexte: ce qui ronge vraiment la France, c’est la loi du clan, redoute notre contributeur dans cette tribune libre contre le séparatisme
Depuis quarante ans, on croit conjurer l’ensauvagement de certaines banlieues en invoquant « la radicalisation islamiste ». Mais derrière le barbu, il y a le caïd. Derrière le caïd, le clan. Et derrière le clan, un tribalisme importé, concurrentiel et jamais déconstruit. Récit et analyse d’un témoin de l’intérieur.
1989. Marché nocturne de Sallaumines, près de Lens.
J’y vais avec ma sœur et son petit ami. Dans la foule, un grand Gaulois moustachu, ivre, titube. Deux gamins maghrébins le harcèlent, le font trébucher. Puis surgit la meute : une dizaine de jeunes, tous de la « même origine », forment un cercle, frappent, piétinent. En vingt secondes, un corps gît dans le sang. Autour, la foule détourne le regard. Un gosse me glisse, fier : « C’est ça la solidarité musulmane ! »
Ce soir-là, mon logiciel « antiraciste » explose. Moi qui croyais aux bons sentiments universalistes, je découvre le tribalisme brut : Moi contre mon frère ; mon frère et moi contre mon cousin ; mon cousin, mon frère et moi contre l’étranger.
Dans nos cités, le caïd est le descendant direct du chef de clan arabe ou berbère : meneur d’hommes, protecteur du territoire, racketteur en chef. Le mot « caïd » n’est pas une insulte : c’est un titre valorisé. Celui qui domine le quartier humilie la police, l’instituteur, le juge — et gagne l’admiration de la tribu.
Renée Fregosi l’a écrit : « Ces structures communautaires neutralisent l’État de droit. »
Quand la République recule, le clan prospère.
Quand la police est absente, le caïd fait régner la loi du sang et du silence.
Al-Andalus nous avait déjà tout appris.
Les conquérants arabes et berbères de l’Espagne wisigothique étaient des tribus soudées par la parenté. Chaque contingent militaire était un clan : vengeance, butin, endogamie. Là où l’État est faible, ces structures survivent. Là où il est fort, elles se soumettent ou se dissolvent.
A lire aussi, Cyril Bennasar: Aux Champs-Élysées
Mais ce tribalisme n’est pas un bloc monolithique : il est aussi une poudrière interne.
Comme les Arabes et les Berbères se sont entretués en Andalousie, nos banlieues modernes voient coexister une mosaïque de clans : Maghrébins, Subsahariens, Comoriens, parfois même entre sous-groupes rivaux du même pays.
Beaucoup viennent de sociétés africaines où la colonisation a figé des frontières arbitraires, sans jamais effacer les rivalités ethniques. Ces comptes se règlent désormais sur le sol français — guerres de quartiers, agressions ciblées, émeutes inter-clans.
La République ne comprend pas ce monde où l’on est frère contre frère, mais tribu contre tribu. Elle croit pacifier un bloc homogène. Elle ignore qu’en réalité, cette force tribale est à la fois un bouclier contre l’État et une faille violente en interne.
Aujourd’hui, une autre dérive s’ajoute : la surenchère religieuse.
Ces quartiers sont avant tout des sociétés de l’honneur : l’image publique compte plus que la foi intérieure. Pour ne pas passer pour un « mauvais musulman », chacun surjoue sa piété. On exhibe sa barbe, on dit « Wallah ! » à chaque phrase, on jure « Inch’Allah » même pour bénir un petit trafic.
C’est une course au Sur-Musulman : plus musulman que moi, tu meurs.
Cette surenchère rassure l’entourage et verrouille la norme communautaire. Elle fournit un vivier idéal aux prêcheurs radicaux, car tout écart se paie d’humiliation publique ou de bannissement.
Aujourd’hui, nos quartiers fonctionnent pareil :
– On ne balance pas un cousin, même criminel.
– On signe des pactes locaux avec les élus pour acheter la paix.
– On recycle le caïdat en économie parallèle, en prosélytisme.

Et pour sauver la face, la classe politico-médiatique invente le bouc émissaire magique : « l’islamisme ». Comme s’il suffisait de fermer trois mosquées pour restaurer l’ordre. En vérité, le djihadiste français est souvent un caïd recyclé : même goût de la domination, même violence clanique, simplement « justifiée » par le Coran.
Pendant que la gauche accuse le racisme et le chômage, la réalité persiste : cent tribalistes valent mille individualistes désunis. Si l’État ne redevient pas le plus fort, il devra demain négocier son existence avec ceux qui, déjà, occupent le terrain.
Ne fais pas ton Français !: Itinéraire d'un bâtard de la République
Price: 20,00 €
14 used & new available from 12,37 €
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !