Hollande, un roi sans divertissement


Hollande, un roi sans divertissement

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Ah, ma cousine, quelle histoire ! Je rentre à l’instant de la visite de huit jours, que je vous fis, harassé mais non point las des plaisirs que je connus dans vos bras, et je veux à l’instant vous entretenir d’une affaire, qui touche, encore une fois, notre roi : elle tient du vaudeville et de la tragédie d’État.

Vous vous rappelez la rupture de Gouda Ier avec la marquise de Koajélère, dont je vous donnai le récit. Entrée en favorite à l’Élysée, elle prétendait y demeurer en « Première dame », selon la formule idiote des ménagères et des gazetiers. Elle en sortit par l’issue de service. Je vous disais de la marquise : « Elle a souffert, elle a pleuré, elle ne portera pas le deuil de l’amour […] elle ne voudra plus que venger l’affront public fait à sa personne […] Pourrons-nous bientôt nous réjouir d’une indiscrétion suavement murmurée ? ».

Eh bien, ma cousine, voilà qui est fait ! La Koajélère signe ce jour un libelle assassin, un récit absolument ravageur de sa relation amoureuse avec Gouda Ier. Sous la forme d’un livre, c’est le plus meurtrier des engins explosifs qu’on aura mis au point, pour atteindre à Sa Majesté. La bafouée ne songeait plus qu’à faire payer très cher l’affront, que Gouda Ier lui avait infligé. Sa vengeance s’étale à présent dans les vitrines de toutes les librairies, et l’on s’arrache son livre.

Bien sûr, toute l’engeance partageuse officielle -ministres, obligés, et autres volailles de basse-cour- a aussitôt formé le mur du mépris. Dans cette parade, les plus sincères et les plus mesurés ont été Ibtissam Soufi-Belgazel, qui détient désormais le maroquin des écoles, et Alémanc de Bol, breton de grande taille, ministre de l’agriculture. La Shéhérazade du présent règne, jolie créature aux yeux de velours et à la langue de plomb, en appelle à la dignité de la fonction, et veut s’arrêter là où commence la vie privée. Le duc de Bol, que la Koajélère met en cause dans une formulation d’une déplaisante ambiguïté[1. Le Point.fr du 3 septembre reprend une citation de Valérie Trierweiler, selon laquelle Stéphane Le Foll « l’a intimée de passer par lui pour avoir une soirée avec son compagnon pendant la campagne présidentielle ». On comprend l’accablement du ministre devant ce genre d’infamie.], contient avec élégance sa colère affleurante.

Madame du Dessus, députée Goudiste de Corrèze, à laquelle l’ancien souverain, Jacques Ier, prince des Monédières, déjà atteint des troubles mentaux qui l’ont définitivement éloigné du monde, avait fait une cour publique en présence de la reine, fait visiter la chambre qu’occupait Gouda, lorsqu’il n’était que maire de la bonne ville de Tulle. Elle la présente comme monacale, mais on dirait l’antre d’un riche qui voulût que l’on crût son train modeste. La du Dessus déploie un zèle si maladroit pour nous convaincre de l’austérité de mœurs du bonhomme, qu’on en vient à douter de la véracité de ses affirmations. Il faut dire que le lieu est d’une laideur dans son mobilier comme dans ses ornements, qu’il disqualifierait presque son locataire !

Des libraires, prétendus gardiens de nos mœurs et de notre civisme, annoncent qu’ils ne vendront pas l’ouvrage. Ils sont suivis, précédés même, par une grande partie de la classe intellectuelle et gazetière, plus hypocrite que jamais. Le philosophe Bernard Hardi-Lalibye, penseur-bombardier, a cru devoir prendre la parole pour vouer aux gémonies « cette femme dont les affres sentimentales ne devraient pas nous intéresser ». Qu’en sait-il ? Les excès des grands nous passionnent depuis que le duc de Saint-Simon a levé le voile sur ceux des excellences du royaume, à la cour du roi soleil. Hardi-Lalibye, avec ses préventions de chaisière, connaît-il seulement ce passage des Mémoires du duc, relatif à la Maintenon : « La reine supportait avec peine sa hauteur avec elle, bien différente des ménagements continuels et des respects de la duchesse de La Vallière qu’elle aima toujours, au lieu que de celle-ci il lui échappait souvent de dire :  “Cette pute me fera mourir.” »[2. Mémoires de Saint-Simon, volume 24, p. 158 de l’édition Delloy, 1840.]. Ce sont là des mots qu’aurait pu prononcer sur une estrade Éloïse de Bravitude, qu’on a vu monter à la barricade, pour défendre Gouda Ier. Il se répète dans les alcôves, qu’espérant un retour d’affection elle n’a de cesse de lui montrer mille manières de prévenance. N’évoque-t-elle pas, toute révérence gardée, l’épouse de Louis XIV, qui assistait, impuissante, à l’incessant défilé des favorites ?

Mais, m’objecterez-vous, la Koajélère n’est pas Saint-Simon ! En effet, ma belle cousine, et son style le prouve assez. Il n’empêche que sa publication impudique révèle parfaitement la suffisance, le dégoût contrefait des affidés, obligés, et autres instructeurs inscrits au registre de la police morale. Au reste, qu’apprend-on qu’on ignorait ? Que notre souverain n’aime pas les pauvres ? Mais qui donc, parmi les partageux, aime les pauvres, et recherche leur compagnie ? L’incroyable ministre des hôpitaux, qui se montre partout affectant un sourire d’effarée, aime-t-elle les pauvres ? Les assiste-t-elle ? Va-t-elle vider les bassins des nécessiteux, dans les asiles ? Et M. de Labius, détenteur amusé du portefeuille des Affaires étrangères, qui postillonne en argent et tousse en vermeil, se rend-il, nuitamment, sur les trottoirs de Paris afin de distribuer le bouillon chaud et la part de pain, qui restaureront les misérables ?

Les Excellences du parti des partageux sont, en réalité, bien plus responsables encore que le monarque sorti de leurs rangs, et qu’ils accablent dans la coulisse. Ils méprisaient Gouda. Du temps que le baron Grosse Canne, à grand renfort d’articles de complaisance, soutenu par des gazettes et des publicistes soumis et consentants, était au zénith, les princes de la partagerie  n’avaient pas de mots assez durs pour moquer les idées, les manières et jusqu’à l’apparence, il est vrai dénuée de grâce, du prétendant au trône de France. L’actuel maire de Lille, matrone fort méchante, avait signé un pacte avec Grosse Canne, afin de faciliter l’accession de ce dernier. Elle était prête à gouverner avec le champion des puissants, des capitaines d’industrie, et des tenanciers de maison close. À présent, elle prétend faire entendre la voix des sans-abris, des damnés de la terre, de la mer, et tantôt du Ciel ! Sous son masque de madone du Nord, se cache la figure d’une femme colérique, qui rêve de revanche. Tous, enfin, raillaient ce petit homme ventripotent. Or, dès qu’ils le virent si près de régner, ils se rangèrent derrière lui, après avoir repris la position qui leur est coutumière, l’accroupissement, accompagnée de tous les signes de la plus grande servilité. Aujourd’hui, il est à terre ; feignant de vouloir le relever, ils se précipitent, mais c’est pour le piétiner, et ses rivaux lui marcheront sur le ventre pour se hisser jusqu’à son trône.

Je vous ai gardé le meilleur de la bouffonnerie ambiante pour la fin. Figurez-vous que, dans le cabinet Valstar 2, s’était glissé un personnage tout à fait étonnant, le ministre du commerce, Augustin Cacheçéssous. Cette manière de Gaudissart 2.0[3. On nous pardonnera cet anachronisme, qui nous a échappé…], replet, béat, mesuré par les plus habiles tailleurs, montrait partout le visage de la satisfaction de soi. Sur le plan de la moralité, ne présentait-il pas les meilleures références ? Figurez-vous que ce monsieur, proche de Morlebourg, avait été nommé vice-président de la commission sur la fraude fiscale, à la Chambre ! On avait remarqué sa véhémence et ses mimiques d’outrage, lors de l’affaire dite du chevalier de Lordanlsac, ce mousquetaire fringant et parjure, qui avait laissé fuir à l’étranger ses lingots épris de liberté. Entendez ceci, ma cousine : ce même ministricule, espoir de son parti, toujours à s’esclaffer dans les couloirs et à donner à voix forte des leçons de moralité, ne déclarait plus ses revenus depuis trois ans[4. On déclare ses revenus et non point ses impôts, comme vont le répétant les gazetiers plus négligents encore que ce ministricule plus imposable qu’imposant.]! C’est à l’évidence, et certes momentanément, la plus comique des mésaventures du cabinet Valstar II. Ce bonhomme Cacheçéssous est le parfait représentant d’une classe politicienne, qui se croit innocente parce qu’elle s’imagine intouchable.
Ah ma cousine aimée, je crains que notre infortuné monarque n’ait plus la tête au genre de divertissements que vous m’offrez à chacune de mes visites !

*Photo : Francois Mori/AP/SIPA. AP21621158_000014.



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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