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Islamogauchisme à Rochdale: la victoire du bouffon

Le populiste d'extrême gauche avait fait de sa campagne locale un « référendum sur Gaza »


Islamogauchisme à Rochdale: la victoire du bouffon
George Galloway, dans son quartier général à Rochdale, le 29 février 2024. © Peter Byrne/AP/SIPA

L’élection surprise, la semaine dernière, de George Galloway dans une circonscription du nord-ouest de l’Angleterre, a propulsé sur le devant de la scène un homme qui incarne le nec plus ultra de l’islamogauchisme. Peut-on dire que son triomphe à Rochdale, où les Travaillistes auraient dû gagner, confirme que le Royaume Uni est tombé entre les mains des islamistes? Portrait d’un maverick qui est, surtout, un grand comédien.


Vendredi 1er mars, le Royaume Uni se réveille en apprenant que l’élection partielle tenue la veille dans la circonscription de Rochdale, dans le nord-ouest de l’Angleterre, a été gagnée par un candidat d’extrême-gauche, George Galloway. Sa victoire, très confortable, parait d’autant plus étonnante que ce dernier est un islamogauchiste de l’espèce la plus pure et dure. Il est non seulement propalestinien, mais aussi pro-iranien, pro-poutinien et prochinois. À côté de cet Écossais populiste et sulfureux, ultra-controversé, Jean-Luc Mélenchon fait figure presque de boy scout modéré.

Galloway a gagné l’élection avec 39,7% des votes. En deuxième position arrive un candidat indépendant avec 21,3%. Étonnamment, les Conservateurs arrivent troisièmes avec 12%, devant les Travaillistes qui tombent à 7,7%. En 2019, leur candidat avait remporté le siège avec 51,6%. Comment expliquer cette dégringolade électorale – ainsi que le triomphe du franc-tireur extrémiste, George Galloway ?

C’est le résultat à la fois de la guerre à Gaza et d’un cafouillage monumental de la part des Travaillistes. Après le décès d’un cancer de son député en place, en janvier, le Parti choisit comme candidat un de ses conseillers municipaux, Azhar Ali. Pourtant, la nouvelle se répand que ce dernier avait prétendu, lors d’une réunion municipale, que les Israéliens auraient permis le 7 octobre afin de fabriquer un prétexte pour l’attaque contre Gaza. Après d’autres allégations concernant Ali, le parti lui retire son soutien le 12 février, mais c’est trop tard pour proposer un autre candidat à sa place. Ali reste le candidat travailliste sur le papier – et sur le bulletin – mais le parti ne fait pas campagne pour lui.

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Flairant une opportunité, Galloway débarque à Rochdale. Il avoue n’avoir aucun lien avec la ville. Ses quelques promesses très modestes pour améliorer la vie des habitants se limitent à rouvrir une maternité et faire revenir des enseignes comme Primark, grand spécialiste irlandais de la vente de vêtements à bas prix. Sa tactique est plutôt fondée sur la situation internationale. Il fait de sa campagne un « référendum sur Gaza », en sachant que 21% de la population locale est musulmane et que la direction du Parti travailliste n’ose pas appeler à un cessez-le-feu immédiat sans conditions. Il se présente donc comme le candidat propalestinien et anti-travailliste. Il ne recule devant rien pour montrer son zèle dans la défense des Gazaouis. Il va jusqu’à attendre ceux qui sortent d’une mosquée après les prières du vendredi soir pour leur demander si, « le Jour du Jugement », ils seront en mesure de raconter à leurs descendants qu’ils s’étaient opposés à la position adoptée par Starmer sur Gaza.

Son discours de victoire s’adresse au leader travailliste en le menaçant : « Vous payerez cher le rôle que vous avez joué en permettant, encourageant et cautionnant la catastrophe qui a lieu actuellement dans la Palestine occupée dans la bande de Gaza ». Toujours plus explicite quand il se confie aux médias arabes, il affirme à Al Jazeera que les classes politiques et médiatiques de son pays « soutiennent le génocide perpétré contre les habitants de Gaza ».

Son triomphe, selon lui, montre que les « plaques tectoniques » de la politique au Royaume Uni sont en train de bouger – en faveur de ceux qui, comme lui, croient à la justice de la cause palestinienne comme à celle de la cause prolétarienne. Pourtant, il laisse dans l’ombre une grande question : ces deux causes sont-elles compatibles ?

Aujourd’hui âgé de 69 ans, après une longue carrière d’homme politique, de directeur d’ONG propalestiniennes et d’animateur télé et radio, Galloway effectue une énième résurrection politique. Jusqu’à présent, il n’a jamais été pris en flagrant délit de racisme, mais il est clairement un de ces « antisionistes » qui flirte constamment avec l’antisémitisme. Son extrémisme a toujours été la clé à la fois de ses succès et de ses échecs. Il a souvent réussi à se mettre en avant personnellement. Il n’a jamais réussi à fédérer d’autres dans un mouvement de grande envergure.

Plus islamo-gauchiste, tu meurs

Né à Dundee, il devient le plus jeune président des Travaillistes écossais en 1981, à 27 ans. En 1987 il remporte son premier siège parlementaire, à Glasgow. Il soutient Sinn Féin et la réunification de l’Irlande, mais sera toujours contre l’indépendance écossaise. Se déclarant anticapitaliste et antiimpérialiste, il paraît toujours trop bronzé pour un communiste, adore les voyages exotiques et a un train de vie qui n’est pas sans un certain luxe. Toujours à l’extrême gauche du Parti travailliste, il est expulsé en 2003, principalement pour son opposition à la guerre en Irak. Il est allé jusqu’à encourager publiquement les troupes britanniques en Irak à désobéir à leurs ordres. En 2004, il fonde un nouveau parti, Respect en coopération avec les trotskystes du Parti socialiste des travailleurs, qui s’en iront en 2007. C’est sous la bannière de ce parti résolument antisioniste et anti-israélien que Galloway gagne le deuxième siège de sa carrière en 2005, cette fois dans une banlieue londonienne. Sa campagne aurait eu le soutien du Forum islamique de l’Europe qui est réputé être en faveur de l’instauration de la Charia. Ayant promis de n’effectuer qu’un seul mandat, il s’en va en 2010. Il sera le seul député de Respect dont il deviendra le leader en 2013. En 2016, le parti se dissout.

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L’épisode le plus ridicule de sa carrière se produit en 2006, quand il participe pendant trois semaines à une émission de téléréalité britannique. Son objectif est apparemment de lever des fonds pour Interpal, une ONG ayant pour objectif d’apporter de l’aide humanitaire aux Palestiniens. D’ailleurs, il s’implique souvent dans des ONG. En 1998, il cofonde Mariam Appeal, une organisation qui mène campagne – jusqu’en 2003 – pour faire lever les sanctions contre l’Irak. Par la suite, ce fonds est accusé d’être impliqué dans le scandale de corruption concernant le programme « Pétrole contre nourriture » géré par le Conseil de sécurité de l’ONU. En 2005, Galloway témoigne devant le Sénat des États-Unis qui l’accuse – avec Charles Pasqua – d’avoir profité des différentes opérations financières en question.

Galloway cultive une posture de défenseur des opprimés du Moyen Orient. En 2009, il compare Gaza au ghetto de Varsovie et affirme que ceux qui assassinent les Gazaouis ne sont pas différents de « ceux qui ont assassiné les Juifs en 1943 ». Il nie que le Hezbollah soit une organisation terroriste, y voyant une simple force de « résistance ».  En 2009, il reçoit un passeport palestinien du leader du Hamas. En 2010, il est expulsé d’Égypte en essayant – selon ses dires – de livrer de l’aide humanitaire à Gaza.

Toujours membre du parti Respect, il remporte le troisième siège de sa carrière en 2012, cette fois à Bradford, grande ville d’immigration pakistanaise dans le nord-est de l’Angleterre. Il écrase le candidat travailliste qui est pourtant musulman. Galloway se présente comme plus rigoriste que son adversaire. Le fait qu’il ne boit jamais d’alcool conforte cette image d’homme austère. Il se proclame le défenseur des musulmans opprimés du Cachemire – région disputée entre le Pakistan, l’Inde et la Chine. Lors de son victoire, il crie : « Gloire et louange à Allah ! ». Né catholique, Galloway nie s’être converti à l’islam, mais il a eu trois épouses, toutes musulmanes. En 2014, il déclare Bradford une « zone libre de toute influence israélienne » (« Israel-free zone »). Il n’hésite pas à quitter bruyamment un débat public lorsqu’il apprend que son adversaire possède la citoyenneté israélienne. Il est l’avocat d’une solution à un seul État – palestinien, bien sûr.

Aux élections générales de 2015, il perd face à une candidate travailliste et musulmane qui a fait grand cas du fait qu’elle avait été forcée à se marier avec un Pakistanais à l’âge de 15 ans. Pour la discréditer, Galloway brandit un acte de naissance qu’il aurait fait venir de Pakistan pour prouver qu’elle avait 16 ans à l’époque des faits. Personne n’est convaincu par cette ruse absurde.

Ayant soutenu le Brexit en 2016, n’hésitant pas à faire cause commune avec un populiste de droite comme Nigel Farage, il crée un nouveau parti en 2019, le Workers Party of Britain (le Parti des travailleurs britanniques). Il cherche à récupérer des disciples de Corbyn qui ont quitté le Parti travailliste. Au début, il incorpore les militants d’un groupuscule stalinien qui finissent par s’en aller comme les trotskistes de Respect. Galloway est un homme-orchestre qui joue seul.

L’ami de tous les dictateurs

En 2002, dans une déclaration presque poutinienne, Galloway confie que, ayant toujours soutenu Union soviétique, la fin de cette dernière avait été « la plus grande catastrophe de ma vie ». Heureusement, il restait d’autres régimes autoritaires de gauche qu’il pouvait admirer. En 2006, il consacre un livre hagiographique à Fidel Castro qu’il appelle « le plus grand homme que j’ai jamais rencontré » (le tome est publié en français en 2008). Il connait bien Hugo Chavez qu’il qualifie de « Spartacus moderne » et fait campagne pour lui au Venezuela en 2012.

Dans les années 1990, Galloway affiche des sympathies pro-irakiennes et visite le pays plusieurs fois. En 1994, à Bagdad, il rencontre Saddam Hussein à qui il affirme : « Je salue votre courage, votre force, votre infatigabilité ». Il admire aussi le régime iranien et travaille pour sa chaîne de télévision à Londres, Press TV, entre 2008 et 2012. En 2012, il collabore à Al Mayadeen, une chaîne libanaise pro-Hezbollah. Quant à la Syrie, il soutient explicitement Bachar el-Assad jusqu’au début de la guerre civile en 2011. Après s’être opposé à l’intervention militaire occidentale contre l’État islamique, il approuve en 2016 l’aide russe à Bachar parce que les crimes de ce dernier seraient moins graves que ceux des islamistes.

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Afin de développer son profil médiatique et nourrir son compte en banque, Galloway travaille pour le réseau russe RT (anciennement Russia Today) et la radio Sputnik entre 2013 et 2022. Il nie une implication russe dans la tentative d’empoisonnement de l’ancien espion, Sergueï Skripal et de sa fille sur le sol anglais en 2018. Sans surprise, il maintient que l’invasion russe de l’Ukraine en 2022 est la faute des Occidentaux et de l’OTAN. Il est embauché par une radio nationale au Royaume Uni, talkRADIO, qui connaît du succès après son acquisition par Rupert Murdoch en 2016. Il est viré pour un tweet posté lors de la finale de la Ligue des champions en 2019 et considéré comme antisémite par son employeur. Galloway ne craint pas de s’afficher avec tous ceux qui s’opposent aux valeurs occidentales. En mars de l’année dernière, il assiste au Forum international sur la démocratie à Pékin, où il cite Xi Jinping avec approbation et critique la conception occidentale de la démocratie.

Vers la quadrature du cercle?

La nouvelle victoire de Galloway en dit long sur la situation politique au Royaume Uni mais aussi sur la faiblesse générale de l’Occident. C’est un homme qui aurait dû être relégué au passé mais qui finit toujours par revenir grâce au chaos qui chamboule actuellement l’ordre stable des partis et les convictions profondes des électeurs… Galloway promet que son parti – le WPB – présentera des candidats à travers tout le pays lors des élections générales au Royaume Uni prévues probablement pour l’automne. Qu’il arrive à le faire ou non, il a peu de chances de réussir au-delà de Rochdale. Seule une situation de la plus grande confusion comme celle qui régnait dans cette ville – gérée avec la plus grande incompétence par le Parti travailliste – pouvait ouvrir la porte à un personnage aussi picaresque.

Rochdale, située dans l’agglomération de Manchester, n’a pas été gâtée par le sort au cours des dernières décennies. Son député, de 1972 à 1992, a été une figure notoire du parti Libéral-Démocrate, Cyril Smith qui – le public l’a appris seulement après sa mort en 2010 – a été impliqué dans un réseau de pédophiles. Entre au moins 2004 et 2012, la ville a été le théâtre des crimes perpétrés par des « grooming gangs », des réseaux d’hommes d’ascendance principalement pakistanaise, qui pratiquaient des viols collectifs d’adolescentes majoritairement blanches. Pendant la campagne de Galloway, il a affiché son soutien à Gaza pour s’assurer le vote musulman, mais en même temps il avait un message pour les classes précaires de la ville : « Il n’y aura plus de grooming gangs à Rochdale. Même si je dois les arrêter personnellement ». Il est évident que les deux électorats auxquels Galloway essaie de plaire sont et resteront opposés sur des points importants.

Vendredi soir, Rishi Sunak est apparu devant la porte d’entrée du 10 Downing Street pour faire un discours contre l’extrémisme dans lequel il a qualifié la victoire de Galloway de « profondément préoccupante ». Il a raison. Non pas parce que Galloway et son parti vont conquérir d’autres circonscriptions à travers le pays, mais parce que son succès est un symptôme de l’incapacité des partis traditionnels à convaincre voire à enthousiasmer le peuple. Galloway a souvent été traité de « clown » par ses opposants. Si c’est un bouffon, il est de ceux qui nous révèlent l’absurdité de notre situation.



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