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Elections, piège abscons


Elections, piège abscons
Henri Guaino. Crédit photo : Patrice Normand – Eurasia Press.

Ouf ! Toute une année d’élections, ça commençait à faire long, même pour un démocrate sincère comme moi. L’heure est venue du bilan. C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses, comme disait mon prof de philo.


Dépôt de gerbe

Mercredi 14 juin

Candidat sans investiture aux législatives dans la 2e circonscription de Paris, Henri Guaino a été éliminé, sans grande surprise, dès le premier tour. Il a aussitôt annoncé son retrait de la vie politique, non sans préciser au micro de BFM qu’il « vomissait » ses électeurs – ou plus exactement les 95,5 % qui n’avaient pas voté pour lui. Et chacun de se gausser, non sans raison. Il n’espérait quand même pas être élu seul contre tous, comme un Lassalle normal ?

A priori, donc, on ne peut que s’étonner de cette surréaction, surtout de la part d’un garçon qui connaît un peu le milieu, pour avoir souffert cinq ans sous Sarkozy. Mais ce soir chez Zemmour & Naulleau, l’ami Henri est revenu plus calmement sur les raisons de son dégoût : « Je ne suis pas mauvais joueur, on n’est pas dans une cour de récréation. Je tire la leçon finale de trente ans d’engagement politique : quand la bourgeoisie n’a plus peur de la gauche, on découvre qu’elle n’a rien à foutre non plus de la nation. » On ne saurait mieux dire !

Quand même, trente ans pour découvrir ça, c’est un peu long. Certes, à l’entendre, un vrai gaulliste ne transige jamais, même avec la réalité ; hélas pour Henri, c’est pas tous les jours le 18-Juin. On l’aura remarqué : il est de bon ton, surtout à droite, de railler à tout propos le Guaino, sa mégalo supposée, et cette espèce de psycho-rigidité mâtinée d’autisme. C’est vrai que face à des winners comme Sarko, Juppé, Fillon et, euh, Copé, le malheureux ne pouvait pas lutter.

Quant à moi, ce natural born loser a toute ma sympathie. À cause des moqueries dont il fait l’objet, bien sûr ; mais surtout parce que c’est – ce fut – un homme politique droit, sincère et désintéressé, et rien que ça, ça s’arrose.

« L’opposition, c’est la majorité »

Vendredi 16 juin

À deux jours du second tour des législatives, les sondages annoncent un raz-de-marée macronien. Ici et là, on s’inquiète : où sera l’opposition, dans une Assemblée elle-même introuvable ?

Pas de souci ! LREM a tout prévu, comme l’explique Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État au Numérique, ce matin sur France 2 : le mouvement est conçu pour incarner en même temps la majorité et l’opposition. « Vous allez voir des gens qui vont débattre, qui ne seront pas toujours d’accord (!), et on va enfin remettre de la vie et du débat à l’Assemblée ! » s’enthousiasme le sous-ministre, avant de préciser : « Ce qui fait le succès de notre démarche depuis un an, c’est ce dialogue, c’est cette écoute, c’est ce débat interne. » Hoho ! Le « débat interne » au sein d’un parti tout-puissant, ce serait donc ça, la démocratie macronienne ??

Mais bon, qu’on ne compte pas sur moi pour tricoter du point Godwin, même à l’envers. Tout bien considéré, on serait plutôt ici dans la continuité. Durant les deux dernières années de la présidence Hollande (C’est fou comme ces deux mots vont mal ensemble, vous avez remarqué ?), l’essentiel du débat ne s’est-il pas déroulé au sein d’un PS omnipotent, entre vallsistes et frondeurs ? Souhaitons seulement, par charité, une autre fin aux Marcheurs.

Peut-on léviter ?

Lundi 19 juin

Je méditais sur l’impermanence de tout, quand soudain… rien ne s’est passé. Bouddha, démission !

Ralliement

Jeudi 22 juin

Qu’est-ce qui m’arrive ? Je ne suis pourtant pas un marcheur né, loin de là. Même pas un « constructif » ! Je doute de l’avenir de la Troisième Voie macronienne, et pour tout dire de son essence même. Quant à Macron candidat, je n’avais vu en lui qu’un habile tacticien, parfois un peu ridicule, aidé par la chance et porté par l’air du temps. Et voilà que, depuis son entrée en fonction, j’entrevois dans cet homme-là quelque chose comme un homme d’État.

Certes, d’investitures en gouvernements, il s’est appliqué par tous moyens à désosser la gauche et la droite ; mais n’était-ce pas l’objectif annoncé ? Au-delà de ces péripéties, l’« hologramme » d’hier serait-il en passe de se muer en un authentique président ? Certains signes me donnent à penser que c’est possible.

Passons sur l’économie, à laquelle je n’entends rien. Emmanuel parviendra-t-il enfin à réduire à 3 % le déficit public, pour autant que ce soit souhaitable, et à quel prix ? Mystère et boule de geisha.

J’applaudis, en revanche, à son spectaculaire virage diplomatique, annoncé aujourd’hui même dans une interview à huit journaux européens. D’un coup, voilà Macron passé du wishful thinking kouchnérien à la realpolitik védrinienne ; j’aurais pas parié.

Et puis il y a le retour à l’éducation old school, si l’on ose dire, incarnée par le recteur Blanquer. Avant même de connaître le bonhomme, j’avais été favorablement impressionné par l’horrible grimace de Najat à l’annonce de sa nomination. Et de fait, depuis lors, il a commencé de détricoter toutes les « réformes phares » de sa calamiteuse prédécesseuse. Ce garçon ira loin, si le mammouth ne le bouffe pas en route.

Enfin, je m’amuse bien de l’irritation des médias face à un chef de l’État qui parle quand il veut, où il veut et à qui il veut – conformément à sa fonction telle qu’on l’avait un peu oubliée ces vingt dernières années.

J’ai bien sûr hésité à publier ces lignes, de peur d’être démenti dans les trois semaines par un bonhomme qui, malheureusement, ne prend pas ses ordres chez moi. Mais bon, on aura tout vu cette année, alors pourquoi pas ça ?

D’un Château l’autre

Lundi 3 juillet

Jeu de miroirs au palais des Glaces : discours du roi, ou roi du discours ?

Été 2017 - #48

Article extrait du Magazine Causeur




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