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Eh bien, la guerre!

L'édito politique de Jérôme Leroy


Eh bien, la guerre!
Ukrainiens fuyant la guerre, Irpin, périphérie de Kiev © Heidi Levine/SIPA

La guerre entre la Russie et l’Ukraine n’est que la suite d’une série de conflits où la France s’est trouvée impliquée, de près ou de loin, depuis trente ans.


On se souvient des Liaisons dangereuses et de cette exclamation célèbre de Madame de Merteuil face à Valmont qui la menace de représailles puisqu’elle se refuse à lui : « Eh bien, la guerre ! » Poutine n’a pas grand-chose de Valmont car il n’a jamais voulu séduire mais plutôt forcer. Il n’empêche, on ne peut constater, encore une fois, que la catastrophe est là : « Eh bien, la guerre ! » 

Une guerre de plus…

Si je réfléchis à celles que j’ai connues depuis que je suis adulte, et à laquelle la France a été mêlée de près ou de loin, je me dis que cela en fait tout de même un certain nombre. Pour ne commencer qu’avec les années 90, il y a d’abord eu la première guerre du Golfe. On a envoyé des soldats pour aller combattre les troupes de Saddam Hussein en 1991, aux côtés des Américains. Je me souviens qu’à l’époque, j’avais manifesté contre cette guerre et que Chevènement avait démissionné. A l’époque, il ne faisait pas bon être contre l’intervention au Koweït. On était vite vu comme un complice de la dictature. Ensuite, il y a eu les guerres en Yougoslavie. Elles ont duré une bonne partie des années 90. Là aussi, il y avait un ennemi : les Serbes. On n’avait pas trop le droit de nuancer. Le siège de Sarajevo, la purification ethnique en Bosnie : il y avait les bons et les mauvais, et les mauvais, c’était les Serbes.

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Ensuite, quand il y a eu les procès pour crimes de guerres et crimes contre l’humanité au Tribunal Pénal International, on s’est aperçus qu’il y avait eu des salopards des deux côtés, ou des trois, ou des quatre. Mais il a fallu attendre vingt ans pour comprendre que dans une guerre civile, c’est toujours compliqué de voir les bons et les mauvais dans un seul camp.

Ensuite, nous sommes intervenus au Rwanda quand les Hutus ont commencé à génocider les Tutsis. C’était sous Balladur. Il semblerait que, comme cela avait lieu en Afrique, et qu’il y avait la guerre en Yougoslavie en même temps, on ait fait moins attention. Il paraîtrait même, pour le coup, que cette fois-ci, l’armée française, toute seule comme une grande, ait protégé les Hutus, ceux qui venaient de commettre le génocide. On s’est excusés, mais le mal était fait.

Je passe la seconde guerre du Golfe en 2003, une vengeance personnelle de Bush fils pour finir le travail de son papa. Chirac et Villepin auront au moins eu ce mérite de ne pas nous embarquer dans cette expédition punitive néo-conservatrice. Ensuite, sous Sarkozy, on est intervenu en Libye pour mettre par terre Kadhafi. Il lui fallait sa guerre, à lui et à Cameron. C’est entendu, Khadafi était un monstre. Il n’empêche que depuis l’intervention franco-anglaise, la Libye, ce n’est pas franchement le pays de Candy. Je pourrais aussi parler du Mali où nous ne sommes plus très appréciés et où l’on s’est retrouvés bien seuls à perdre des soldats pour protéger l’Union Européenne qui ne nous en a pas été vraiment reconnaissante, au point de refuser de retirer nos dépenses militaires de notre déficit budgétaire, alors que nous avons la seule armée potable du continent. A l’occasion, on a aussi bombardé en Afghanistan, à Belgrade, en Syrie… « Eh bien, la guerre ! »

Le temps des « bouteillons »

Et maintenant, l’Ukraine. Il n’y a pas de doute, Poutine est l’agresseur. Il n’y a pas de doute non plus, tout esprit critique doit s’effacer devant l’émotion : l’horreur de voir ces civils sur les routes, ces villes bombardées et le devoir d’accueillir les réfugiés. Même les candidats super-fans de Poutine, regardez en bas, sur mon extrême-droite, ont bien été obligés de suivre.  La guerre ne laisse pas le temps de réfléchir parce que les victimes n’attendent pas. Au moins, on n’aura pas à rougir sur le plan humanitaire. Mais un jour ou l’autre, dans quelques années, il faudra bien admettre que derrière la violence des affrontements, on aura tout de même entendus pas mal de bobards ou pour reprendre ce vieux mot d’argot militaire, cher à Jacques Perret dans Le Caporal épinglé, de « bouteillons ».

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Bruit de fond

C’est que s’il existe un point commun entre toutes ces guerres, c’est le bruit de fond médiatique. Depuis les années 90, on voit les guerres en temps réel, ou presque. Et ça bavarde pendant des heures et des heures sur des images à la provenance incertaine. Il est impossible, à chaque fois, d’échapper aux explications à la fois simplistes, -Poutine est fou -, et embrouillées : en fait cette guerre est formidable, elle prouve que l’Union européenne existe !  C’est tout de même dommage de n’exister qu’en temps de guerre et non en temps de paix pour améliorer l’existence de ses concitoyens. Alors qu’on avait promis d’éviter les guerres sur le territoire européen…

Certes, cette fois-ci, j’ai appris une chose nouvelle. Apparemment, il est possible, très rapidement, de saisir les biens et les avoirs bancaires des oligarques quand ils sont russes. Alors je me demande pourquoi, excusez ma naïveté, ce n’est plus possible de faire la même chose avec les multinationales et autres GAFAM qui s’obstinent à ne pas payer les milliards d’impôts qu’ils doivent, chez nous, depuis des années.

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