Snowden/Assange : la renaissance des idoles


Snowden/Assange : la renaissance des idoles

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Les dieux vont et viennent dans le Panthéon des modernes. Jadis la jeunesse idolâtrait des chanteurs engagés à cheveux longs et regards pensifs, des héros révolutionnaires sud-américains dont le visage s’étalait sur les t-shirts du monde entier, accompagné de slogans positifs ; on se réunissait à Woodstock ou sur l’île de Wight pour célébrer l’amour, les drogues douces et la musique de hippie. Mais c’en est terminé des t-shirt Che-Guevara et des héros prônant simplement la non-violence et le rock and roll… La jeunesse veut des idoles connectées, des idoles 2.0, des fétiches de la transparence. Ainsi, nous apprenons qu’il sera bientôt possible de porter des t-shirts, et même toute une ligne de vêtements, aux couleurs de « Wikileaks », le nébuleux site web « lanceur d’alertes »© qui donne un écho planétaire à tous les documents volés qui sont susceptibles de faire scandale, et si possible de gêner les Etats-Unis… Afin de poursuivre sa croisade en faveur du Bien, Julian Assange a décidé de donner dans le chiffon. D’après le Washington Post le bouillonnant cher-leader décoloré, réfugié actuellement dans les murs de l’ambassade équatorienne à Londres, va lancer une ligne de mode « haut de gamme« , ainsi que des « objets design« . D’après Kristinn Hrafnsson, porte-parole de l’organisation, jointe par le Washington Post, la manœuvre aurait deux buts bien distincts : « L’un est d’essayer de stopper l’abus qui est fait du logo WikiLeaks » Mais c’est également « un moyen de générer des revenus pour notre organisation et permettre à nos supporters de faire des dons indirects. » On ne sait pas encore si un t-shirt « Julian Assange » est envisagé… mais outre l’exploitation mercantile de produits dérivés, une dimension de l’opération semble être aussi d’alimenter le grand culte de la transparence, et sa déclinaison en parade (pardon en pride !) vestimentaire…

Dans le même temps, l’informaticien américain Edward Snowden, à l’origine de révélations médiatiques tapageuses sur les pratiques de la NSA, et plus largement sur les programmes de surveillance de masse mis en œuvre par certains pays occidentaux (essentiellement les Etats-Unis et la Grande Bretagne), s’est vu ériger une statue à New-York… aux pieds de laquelle son culte pourra être rendu. Il s’agit cependant d’une statue sans domicile fixe, pirate, qui circule dans la ville, au gré des pérégrinations des fidèles. Cette colossale sculpture-fétiche de 2,7 mètres, créée par l’artiste américain Jim Dessicino, a notamment été exposée dans le parc d’Union Square à Manhattan, avant que les dévots ne soient chassés par la police. L’œuvre, définie par son auteur comme réalisant la « réconciliation entre l’éthique punk et la sculpture figurative« , va désormais circuler dans tous les Etats-Unis, dans une vaste procession mystique… Malheureusement Edward Snowden ne pourra pas voir cela de ses yeux. À l’instar de Julian Assange, le chevalier blanc de la NSA a choisi la protection d’une grande démocratie :  la Russie, où il vit aujourd’hui en exil. Mais ce n’est là qu’un premier pas. Quand le culte de la transparence, des lanceurs d’alertes, des Anonymous© etc. aura bien prospéré, ce sont des statues officielles qui seront érigées – et elles atteindront les hauteurs himalayennes que seules les vraies religions permettent d’atteindre, comme celle de Nelson Mandela éclairant le monde à Johannesburg qui fait plus de 6 mètres. Il ne faudra plus plaisanter, alors, avec les Pères fondateurs, et le port du t-shirt Wikileaks sera obligatoire… 



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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