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DSK a joué et perdu


image : Giuseppe Bognanni

Quitte à me faire lyncher, je rappellerai trois « fondamentaux » sur ce qu’on nomme, par euphémisme, les « rapports sexuels ». Pour qu’il se passe quelque chose entre un homme et une femme, trois conditions au moins sont requises, sur lesquelles on s’abstiendra de formuler un jugement moral.

La première est qu’un certain parfum de transgression permette d’anticiper ce qu’on espère éprouver dans ce genre d’exercice. La deuxième est la situation dans laquelle on se trouve : elle compte souvent autant, sinon plus, que le ou la partenaire. On évitera, bien sûr, de faire l’amour dans une morgue − et a fortiori avec un cadavre − même si le lieu pourrait y inciter, mais un ascenseur, une salle de cinéma ou une chambre d’hôtel peuvent stimuler l’imaginaire érotique, comme chacun, je le présume, a pu en faire l’expérience. Enfin, la troisième condition implique une certaine forme de violence, voire de contrainte, physique ou psychique. Les menottes ne sont pas nécessairement bannies, ni les divers gadgets que proposent les sex-shops pour alimenter des scénarios convenant à la structure mentale de chacun.[access capability= »lire_inedits »]

D’autres éléments entrent en ligne de compte − et parfois même l’amour, et surtout la haine, qui sont de puissants aphrodisiaques − mais je doute qu’il soit possible de se passer durablement des conditions que je viens d’énumérer. Ceci étant admis, tentons de comprendre ce qui est arrivé à l’honorable Dominique Strauss-Kahn, dorénavant cas d’école pour les psychiatres et les criminologues.

Au réveil, la puissance érectile d’un homme est à son zénith

D’après les témoignages, nous pouvons formuler l’hypothèse qu’il était un adepte de rapports sexuels où sa partenaire faisait preuve de soumission et lui d’une certaine brutalité. Jusque-là, rien que de très banal. Il semblerait qu’au Sofitel de Manhattan, il avait déjà fait appel à des agences de call-girls, voire aux services de la direction. À son âge, et nul ne le lui reprochera, il avait ses habitudes. Notamment au réveil, où la puissance érectile d’un homme est à son zénith.

À partir de là, on me permettra, après avoir rappelé que le prévenu est présumé innocent, de me placer, pour la commodité du récit dans l’hypothèse où la plaignante aurait dit toute la vérité et rien que la vérité. Il s’attendait vraisemblablement, en sortant nu de sa salle de bain, à vivre une brève séquence fortement épicée avec une call-girl ou une employée de l’hôtel mise au parfum par la direction. Or, ce jour-là, le directeur était absent et la femme de chambre, une jeune Guinéenne de 33 ans, d’origine peule et musulmane de surcroît, n’avait pas été prévenue. Il s’est précipité sur elle, comme d’habitude, suivant un rituel bien rôdé. Elle a pris peur, s’est débattue. Il a cru que le jeu était encore plus corsé qu’à l’accoutumée, l’a enfermée dans la salle de bains…. jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’échapper, se réfugiant dans un placard, bouleversée par ce qu’elle venait de subir. Comme quoi, dans la vie, et pas seulement sexuelle, il vaut mieux être prêt à tout.

Une fois remise de cette agression inattendue et sauvage, elle est redescendue au desk où le sous-directeur a alerté la police qui a fait son travail. Ce qui aurait dû être une aube glorieuse a fini en tragique malentendu avec un timing digne des films de Fritz Lang.

Même si ce récit imaginaire correspondait aux faits dans leur sèche exactitude, affirmer que DSK est coupable n’aurait guère de sens : je dirais plutôt qu’il a osé, mais mal dosé. Mal dosé les trois conditions nécessaires − transgression, violence, situation incongrue − à une forme de sexualité plus excitante que conjugale. Il a surtout très mal évalué la psychologie de sa partenaire, et ce tragique malentendu risque de lui coûter cher.
Quant à elle, dans ce cas, elle est évidemment une victime et peut prétendre à des réparations substantielles pour s’être trouvée là où il ne fallait pas quand il ne fallait pas. C’est ainsi que débutent les tragédies. En portant plainte, cette fière Peul s’est sans doute souvenue de la sentence chère à son peuple : « Là où ton pouvoir n’est plus respecté, c’est qu’un autre est en marche. » Elle a fait plier un des hommes les plus puissants du monde. C’est un drame américain. En France, c’eût été un vaudeville.[/access]

Juin 2011 . N°36

Article extrait du Magazine Causeur



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