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Masques: l’anticipation de la menace n’existe plus en France

Un affaiblissement potentiellement dramatique


Masques: l’anticipation de la menace n’existe plus en France
Le president français Emmanuel Macron visite l'hopital militaire de campagne à Mulhouse, le 25 mars 2020, au dixième jour d'un verrouillage strict en France pour arrêter la propagation de COVID-19 © CUGNOT MATHIEU-POOL/SIPA Numéro de reportage : 00952074_000001

Coronavirus: les accents guerriers récents du discours présidentiel cachent bien mal le scandale des masques. Le système politique en place a fait preuve d’une grande légèreté dans l’anticipation des risques. François Martin revient sur ce scandale du stock français en baisse depuis 2010.


 

L’épidémie de coronavirus était tout sauf inattendue. Elle n’était pas censée nous prendre au dépourvu. En effet, pour les stratèges civils et militaires, le risque d’attaque bactériologique ou chimique est un risque aussi connu et étudié que le risque de guerre conventionnelle ou nucléaire, ou aujourd’hui cyber. Comment se fait-il, dans ces conditions, que nous ayons été ainsi pris de court, impréparés ? Comment se fait-il que nous en soyons là ?

La France n’avait pas de plan ou de stratégie

Il faut d’abord pointer l’affaiblissement dramatique de la notion d’État.

À force de vouloir nous fondre dans une entité internationale et globale, supposément bienfaisante, et de nous faire disparaître dans un premier temps dans l’ensemble européen, nous en avons perdu le réflexe le plus naturel, celui de l’autodéfense nationale, si bien rappelé par la maxime de « l’indépendance dans l’interdépendance », et par son corollaire militaire, la doctrine nucléaire. Ainsi, on a fini par considérer que l’on pouvait faire l’impasse complète sur ce qui est, depuis toujours, l’un des risques les plus « classiques » de la doctrine de défense, le risque chimique et bactériologique. On a déshabillé petit à petit l’armée des moyens qui lui sont nécessaires (un homme courageux comme Pierre de Villiers n’a-t-il pas mis sa carrière en jeu pour arrêter le processus ?). On a démantelé notre réseau diplomatique (notre protection politique internationale) et vendu nos entreprises stratégiques (notre protection industrielle). Les stocks stratégiques propres à nous protéger des guerres sanitaires, à partir de 2010, ont été réduits.

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Pire encore, c’est la notion même de risque qui a été édulcorée, puis oubliée, et qui nous a mis aujourd’hui à la merci d’une crise pourtant prévisible, car précédée de plusieurs alertes du même type, comme celle du H1N1 en 2009/2010.

N’est pas Chevenèment ou Villiers qui veut

Ces énormes failles dans notre système de défense, qui restent donc béantes depuis 10 ans, nombre de nos responsables politiques, sanitaires ou militaires, les connaissaient certainement. Mais aucun n’a parlé, aucun n’a fait d’esclandre, aucun n’a risqué son poste.

Selon Wikileaks, Jérôme Salomon et Olivier Véran auraient alerté Emmanuel Macron, dès sa campagne électorale, sur ce risque sanitaire majeur. Que n’ont-ils ensuite mis leur démission dans la balance, pour que les mesures indispensables soient prises ? Non : ils sont toujours là, aux avant-postes, pour diriger cette “armée” sans armes qu’ils ont pourtant laissée s’installer. Tout le monde n’est pas Chevènement ou de Villiers. Tragique.

Parmi notre « bloc élitaire », tout le monde semble se tenir, tout le monde s’épaule, tout le monde se rend service. Pour préserver le système, l’omerta est de mise. Derrière l’apparence juridique d’une démocratie, le régime fonctionne en réalité de façon a-démocratique, opaque et cooptée. « Je te tiens, tu me tiens »… Ce copinage permet aussi d’éclairer le fait que les propositions sur la chloroquine du Pr Didier Raoult, l’un des meilleurs virologues mondiaux, soient examinées avec une telle « prudence », et l’homme traité avec un tel mépris (alors qu’il s’agirait d’un médicament parfaitement connu). Est-ce parce qu’il est un trublion, cherchant la vérité et l’efficacité, et se moquant du « consensus de copinage » ?

Faiblesse de nos élites

Toutes ces faiblesses cumulées dans les structures, les têtes, les doctrines et les comportements de nos élites, et non la seule force du virus, ont causé la première crise, celle que nous vivons en ce moment, et qui pourrait déboucher dans quelques semaines sur la deuxième, « l’épidémie économique », lorsque des faillites d’entreprises pourraient se succéder en cascade. Le gouvernement tiendra-t-il ses promesses dans le domaine économique, alors qu’il est déjà à la peine pour fournir de simples kits de dépistage ou les masques qui nous manquent ?

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Sur le plan sanitaire, ce ne sont pas les seuls Agnès Buzyn ou Edouard Philippe qui sont les fautifs, pas plus que le fonctionnaire imbécile qui, pour gagner quelques millions, a supprimé dans un budget la ligne du renouvellement du stock stratégique de masques. Ce système défaillant en place qui est le nôtre (et ses copinages) ne se rendra pas comme ça. Il se battra avec l’énergie du désespoir. Le parasite préfère toujours mourir avec sa proie plutôt que de la lâcher. Il faudra la même énergie que lui pour le vaincre. C’est au moment de la prochaine présidentielle que l’affaire devra se jouer.



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