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Coronavirus: en Belgique, on ne blague pas avec les « infractions » sanitaires

Nathalie dans la 4e dimension


Coronavirus: en Belgique, on ne blague pas avec les « infractions » sanitaires
République tchèque, septembre 2020 / image d'illustration © Miroslav Chaloupka/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22488665_000007

Une histoire belge


Alors que plusieurs pays parlent de reconfiner leur population et que lesdites populations, probablement hébétées par cette expérience de Milgram grandeur nature, ne semblent pas s’y opposer, il n’est peut-être pas inutile de voir comment les choses se passent en dehors de l’Hexagone. Des pays libéraux, tels la Suisse ou les Pays-Bas, n’ont pas eu recours au confinement et leur économie s’en porte plutôt bien, mais les virologues stipendiés leur promettent une « deuxième vague » épouvantablement mortifère. L’avenir nous le dira.

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D’autres pays ont confiné leurs administrés sans pour autant recourir à une répression aussi implacable qu’en France. Et dans nombre de pays, selon que vous soyez assis ou debout, le virus vous contamine ou pas. Les pandores doivent dès lors redoubler de vigilance ce qui explique probablement leur épuisement et donc leur léthargie quand des quartiers sont mis à sac ou des bus caillassés.

Bienvenue dans la 4e dimension

C’est peut-être pour cette raison qu’en Belgique les services de police, principalement missionnés à la lutte contre le virus, le respect du confinement et maintenant le port de la muselière, sont secondés par les services sociaux. Et ceux-ci font mieux que cogner sur les contrevenants car ils sont à la fois bien plus subtils et bien plus maternels.

Voici l’aventure qui est arrivée à une pimpante quadragénaire belge que nous appellerons Nathalie, parce qu’elle s’appelle Nathalie.

Nathalie, donc, en plein mois de mars, confinée comme nous tous, doit se rendre à l’aéroport afin d’aller y chercher son père. Sur la route, elle se fait arrêter par la police qui, loin de lui signaler qu’elle roule trop vite, qu’elle a brûlé un stop ou qu’elle roule sans plaque, ce qui, en général, justifie leur intervention, lui demande où elle va. La réponse normale eût été « Et ta sœur ? » mais ce joli mois de mars était tout sauf normal. Elle explique donc qu’elle se rend à l’aéroport chercher son père. Pas question ! Les forces de l’ordre la somment de rentrer chez elle illico et quelques jours plus tard, Nathalie reçoit une amende salée pour s’être déplacée quand on ne peut pas.

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Refusant la transaction, Nathalie se rend au tribunal de police où elle apprend que le motif du déplacement tel que retranscrit par le policier est « se rend chez un copain ». Nathalie, furieuse, tente de plaider sa cause et surtout de rectifier les faits, billet d’avion à l’appui. On lui propose alors une « médiation ». On comprend mal pourquoi des faits avérés devraient faire l’objet d’une médiation, mais Nathalie, guère enthousiaste à l’idée d’ouvrir son portefeuille et contribuer ainsi à financer ces singeries, accepte en soupirant ladite « médiation ». Quelques jours plus tard, Nathalie est donc convoquée chez une « médiatrice » et c’est à ce moment qu’elle pénètre dans la quatrième dimension.

Une lettre d’excuse

La médiatrice est mignonne et souriante, elle doit avoir l’âge de la benjamine de Nathalie et se veut rassurante. Elle explique d’une petite voix aigüe que Nathalie ne doit pas être effrayée. Ça tombe bien, Nathalie est exaspérée, oui, mais pas effrayée. Nathalie, qui a apporté le fameux billet d’avion qui devrait dissiper toute équivoque, tente de clarifier la situation. Mais la médiatrice n’est que très moyennement intéressée par cette histoire d’aéroport et explique en articulant bien que Nathalie peut éviter la contredanse si elle lui rédige une lettre d’excuse. Nathalie s’arcboute au dossier de sa chaise pour ne pas en tomber et demande, ébahie, pourquoi diable devrait-elle rédiger une lettre d’excuse à une jeune péronnelle qu’elle ne connaissait pas il y a dix minutes ? Et d’ailleurs, de quoi doit-elle s’excuser ? Lentement, choisissant les mots les plus simples de son vocabulaire, la médiatrice explique qu’en fait, ce n’est pas à elle personnellement qu’elle doit présenter des excuses, mais à la société qu’elle a mise en danger de mort. Combien de morts a-t-on sur la conscience quand on va chercher son père à l’aéroport ? La médiatrice l’ignore et n’en a cure. Elle précise à Nathalie que cette lettre d’excuse ne doit pas être longue, ni compliquée, qu’il suffit qu’on la sente sincère. Nathalie se pince et, au point où elle en est, accepte cette étrange médiation. Elle ignore qu’elle n’est pas au bout de sa surprise. Lorsque que la jolie petite médiatrice lui tend le PV pour approbation, Nathalie découvre qu’elle doit rédiger, outre une lettre d’excuse, un texte sur les dangers de l’épidémie de Covid et les façons de protéger autrui. « Voilà autre chose ! s’exclame Nathalie. Il n’a jamais été question de ça ! » Avec un sourire gentiment réprobateur, la médiatrice la tranquillise. « Allons, allons, n’en faites pas une montagne, je ne vous demande pas une longue dissertation. Juste une petite rédaction d’une page qui prouve que vous avez à présent bien compris la nécessité d’appliquer les consignes sanitaires, c’est tout. » A ce stade, Nathalie signe tout ce qu’on veut, trop pressée de quitter cet univers parallèle qui rappelle un peu trop les tribunaux soviétiques et la repentance institutionnalisée.

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Alors pour Nathalie et pour tous les autres qui seraient confrontés à ce type de situation infantilisante et même humiliante, une bonne nouvelle : la prochaine fois qu’on vous demande une lettre d’excuse, contactez la rédaction de Causeur. On va vous la rédiger, votre lettre ! Et ils ne seront pas déçus au Service Médiation du Parquet !



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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