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Coq: l’emblème de la France est-il macho?

Le coq trop gaulois


Coq: l’emblème de la France est-il macho?
L'inénarrable coq gaulois... © Gusman/ Leemage

Le France a le coq pour emblème. Bizarrement, à l’heure du féminisme triomphant, nul ne remet en cause la symbolique de ce volatile qui maltraite ses femelles et se comporte peu courtoisement avec ses semblables.


France : le pays dont l’emblème est un coq ! Il est étonnant que nos féministes n’aient jamais grogné devant cette mise en valeur nationale d’un animal qui annonce certes le lever du soleil, mais qui se trouve aussi être un vulgaire trousseur de poules. Dans la lutte contre les violences conjugales, il convient de prendre d’abord des mesures de protection des victimes et de sanction des auteurs. Il faut aussi concevoir un volet éducatif. Mais il ne faut pas négliger les symboles et le moins qu’on puisse dire, c’est que le coq, par sa façon de régner sur les basses-cours, n’est pas un modèle d’amant respectueux de ses partenaires.

Un symbole

Le silence des féministes sur le sujet est d’autant plus étonnant qu’elles savent parfaitement jouer avec les symboles. En témoigne en cette rentrée le lancement – hélas réussi – du mot « féminicide » qui a pourtant deux graves défauts. D’abord, suggérer que les hommes seraient congénitalement des tueurs de femmes. Ensuite, banaliser les violences conjugales en niant leur spécificité. Tant qu’à donner dans le néologisme, il serait plus juste de parler de « conjointicide » !

De là à mettre en cause notre choix du coq, il y a un pas, penseront beaucoup. Qu’on nous permette cependant de souligner à quel point notre emblème tranche avec celui de nos voisins ; nos voisins britanniques par exemple, l’auteur de ses lignes ayant grandi au rythme du tournoi des Cinq Nations et les rugbymen arborant fièrement leurs emblèmes nationaux sur leurs maillots. L’Angleterre a choisi la rose, le Pays de Galles le poireau, l’Écosse le chardon et l’Irlande le trèfle. Outre-Manche, le végétal a pris le pas sur l’animal ! À ceci près que l’équipe de rugby d’Angleterre se distingue des autres équipes anglaises qui ont adopté les trois lions, l’autre symbole du pays.

Nous n’allons pas faire le tour du monde des emblèmes, mais il en existe beaucoup de franchement moins bucoliques. Ainsi l’Allemagne et les États-Unis ont-ils en commun l’aigle, symbole encore plus guerrier que le coq ! Remarquons cependant que, les éthologues mis à part, personne ne sait rien de la sexualité de ce rapace, du comportement du mâle vis-à-vis de la femelle. Remarquons aussi que le choix des emblèmes semble avoir tout de même un certain rapport avec le comportement des peuples : l’Allemagne et les États-Unis ne sont pas les deux pays les plus pacifistes de la Terre !

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Bien sûr, nous n’avons pas à rougir du choix du coq. À l’origine, il est dû à une homonymie : en latin, gallus voulait dire aussi bien coq que Gaulois. Ainsi est né le coq gaulois dont personne ne met en doute la vaillance. Nous avons d’autant moins à en rougir que le coq n’est pas un emblème officiel. Il n’est présent dans aucun bâtiment de la République, dans aucune mairie, dans aucun ministère. Seule exception, mais notable : il existe une grille du coq à l’Élysée. Le président de la République n’est pas seulement le premier des Français, il est aussi le premier coq de France !

Bien sûr, parmi nos symboles, il y a aussi Marianne. Une femme pour équilibrer un mâle. Elle représente la République victorieuse de la monarchie. Et elle, elle a une existence officielle : son buste est présent, dépoitraillé, dans les mairies et les ministères. Difficile cependant de mettre Marianne au même niveau que le coq. Elle symbolise une abstraction politique, la République, lui est l’emblème d’une nation, lui est présent sur les maillots de tous les sportifs membres d’une équipe de France.

Soyons clairs : il ne s’agit pas de rejeter le coq parce que c’est un mâle. Nous avons dit que nous récusions le terme féminicide. Ce n’est pas pour verser dans le masculinicide ! Le problème, c’est que le coq est un mâle caricatural. Dans les pays étrangers, on vante volontiers la « galanterie française ». On ne voit guère en quoi le coq en serait l’archétype. Chacun connaît l’expression : se comporter comme un petit coq. À l’origine, il s’agissait de célébrer la fierté de l’animal. Aujourd’hui, cette expression est devenue péjorative : elle est pratiquement synonyme de se conduire comme un petit con !

Bientôt sur le grill ?

Poursuivons le procès de la bestiole. Cet emblème hexagonal ne contribue sans doute pas seulement à modeler le comportement de nombre de nos mâles, mais peut-être aussi celui de bon nombre de nos conducteurs. On met généralement l’incapacité quasi congénitale des automobilistes français à laisser la priorité aux piétons sur les passages zébrés au fait que nous sommes un pays latin. Sauf qu’en Espagne – pays du machisme ! –, le piéton est roi. Il faut donc chercher ailleurs la raison de cette piteuse exception française. Et si même les femmes au volant se comportaient comme des petits coqs ? Si notre hypothèse est exacte, à savoir que les symboles ne sont pas fortuits et qu’ils disent quelque chose de l’âme d’un peuple, alors il faut considérer que là où ils règnent, ils contaminent peu ou prou tous les êtres, quel que soit leur sexe.

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Arrêtons là. Il serait stupide de faire du coq le… bouc émissaire de tous nos maux. Mais convenons qu’il s’agit d’une référence assez fâcheuse pour que l’on s’interroge sur son éventuel remplacement. Cela pourrait même faire le sujet d’un référendum, participatif ou non : quel emblème choisir à la place ? On commencerait par mettre en place un peu partout des boîtes à idées. Un grand sondage déterminerait ensuite les deux, trois, cinq suggestions les plus populaires. Et les Français trancheraient enfin dans les urnes.

Bien entendu, cette idée n’est pas absolument sérieuse. Au moment où la défense des animaux a de plus en plus d’adeptes, on est en droit d’hésiter, plus de deux cents ans après avoir guillotiné le roi, à infliger le même supplice au coq gaulois. Beaucoup y verraient une nouvelle rupture avec notre histoire, un signe supplémentaire de la naissance d’un pays aseptisé, soumis au puritanisme anglo-saxon. Mais en même temps, les violences conjugales font trop de victimes en France pour qu’on ne se livre pas à un examen de conscience en profondeur. Avec donc à la clef cette question : ne devrions-nous pas renvoyer le coq au magasin des accessoires ?

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Octobre 2019 - Causeur #72

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste et essayiste, auteur des Beaufs de gauche et de La Gauche et la préférence immigrée.

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