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Le caractère d’un homme

Un puissant mouvement de fond a désarmé les hommes


Le caractère d’un homme
Marin Sauvajon arrive au tribunal de Lyon pour assister au procès de son agresseur, 5 mai 2018. Le jeune homme avait tenté héroïquement de défendre un couple qui s'embrassait dans la rue à Lyon ©JEFF PACHOUD/AFP

Des récents témoignages de femmes agressées révélés par la Dépêche du Midi font froid dans le dos. Pourquoi ne réagit-on plus quand une femme se fait embêter dans le métro? Jusqu’où ira notre veulerie d’eunuque-consommateur face à la barbarie?


Dans son génial Fight Club, Chuck Palahniuk fait dire à Tyler Durden que la lâcheté physique des hommes de sa génération vient de ce qu’ils ont été élevés par des femmes. Il est vrai que, chez nous, un garçon sur trois aura grandi dans une famille monoparentale, comme on dit pudiquement, et tous n’auront connu que des institutrices puis une majorité de professeures. Pour parler comme Eric Zemmour, les valeurs traditionnellement associées aux femmes ont façonné les hommes nés après les années 70. Moi qui suis né dans la décennie suivante, je me souviens notamment de Madame D. qui, évidemment socialiste, antiraciste et athée, au demeurant excellente pédagogue, expliquait à ma classe de CM1 que, lorsque quelqu’un voulait nous agresser, nous devions « discuter » et, si la « discussion » échouait, fuir en courant. Pour elle, la bagarre était toujours la pire des solutions. Elle jurait que tous les conflits pouvaient être apaisés par la parole, la compréhension, la douceur. Ce discours, nous l’avons entendu à la maison, à l’école, à la télévision. Né en HLM, je constatai dès l’enfance que mes voisins africains, bosniens, kosovars ou tchétchènes ne collaient pas de posters de Gandhi et Martin Luther King dans leurs chambres, eux. Bien sûr, j’ai croisé une professeure de maths qui nous lançait des craies à la figure, les provinciaux ont le coup de poing plus facile que les crétins des grandes villes qui affirment « résister » au « terrorisme » en continuant de boire des verres en terrasse, et j’ai eu pour ma part un père qui savait se servir d’un fusil et une mère qui mourrait de honte si elle apprenait que je m’étais laissé tabasser sans me défendre. Mais, contrairement à une idée répandue – la source de toutes les idées fausses de notre temps – le particulier n’obère pas le général. Et un puissant mouvement de fond existe qui a désarmé les hommes d’aujourd’hui, lesquels sont les premiers dans toute l’histoire humaine à qui l’on a promis qu’ils n’auront jamais à faire la guerre – ce qui constitue une révolution anthropologique majeure.

Discuter ou cogner

Aussi, on peut voir quelque tragique ironie dans les plaintes des femmes qui accablent les hommes qui ne réagissent pas lorsqu’elles se font insulter, frapper voire carrément violer en public. On se souvient notamment de certaine Marie Laguerre qui, en août 2018, s’était faite violemment gifler devant un bar, à Paris. Personne n’avait bougé. L’agresseur était, comme trop souvent pour ne pas y déceler un trait ou plutôt un hiatus culturel, un « jeune », c’est-à-dire, dans la novlangue social-démocrate, un Africain. A chaque fois qu’un fait de ce genre se produit, les journalistes s’étonnent, pestent, maudissent les indifférents. Les féministes, dont l’idéologie délirante hante tous ces papiers, ces reportages, ces « débats », accusent le « sexisme » des mâles qui expliquerait à la fois l’acte et l’absence de riposte. Inconséquentes, elles vitupèrent les conséquences mais ignorent les causes. Trop occupées à « lutter » en faveur de l’écriture inclusive, du voile au nom du « droit à la différence », ou du remboursement des tampons hygiéniques par la Sécu, elles ne comprennent pas qu’en dévirilisant le Français, elles sont des proies d’autant plus faciles pour cet Autre qui les considère souvent comme des prostituées.

Non, tout n’est pas « culturel », tout l’est fort peu en vérité, et face à l’ensauvagement de l’Europe, nombre de femmes se protègent en prenant pour compagnons des immigrés ou enfants d’immigrés africains qui, eux, ayant connu le patriarcat, ne « discutent » pas mais cognent quand elles se font siffler dans la rue. La passion amoureuse ne connaît pas les frontières, certes et heureusement, et celle de l’exotisme habite l’Occident depuis trois siècles. Mais nos « couples mixtes » sont assez systématiquement composés d’une femme blanche et d’un homme africain – et non l’inverse – pour ne pas y deviner une sorte de parade darwinienne à l’arrêt soudain du principe de curialisation cher à Norbert Elias. En résumé, pour le dire trivialement, en castrant les mâles autochtones, la biologie étant têtue, les Européennes subissent la violence assumée de populations qui, elles, se fichent complétement – et elles ont bien raison – des lubies de Judith Butler et de ses innombrables épigones.

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Du reste, le féminisme n’est qu’un communautarisme parmi d’autres ; et à la racine de tous les communautarismes, il y a l’effondrement total du sentiment collectif. On nous l’a assez répété ces derniers mois, en même temps et pour justifier la répression contre les gilets jaunes: le peuple est une pure abstraction. Nous ne sommes que des individus. Autant l’Autre est déifié, autant les autres sont un enfer. Lorsqu’une femme se fait embêter dans le métro, la première et souvent seule réaction que cela suscite en nous, c’est : « Je ne veux pas de problème ». Dorlotés par Big Mother depuis le berceau, nous vivons l’irruption d’un incident comme une anomalie, une rupture du contrat tacite que nous avons signé avec l’Etat-Doudou – des peluches contre Daech. Ce n’est pas à nous, à moi, à mon être si singulier et qui ne rêve que de « devenir lui-même », d’intervenir ; c’est à la police, aux gens qui sont « payés pour ça », de le faire. La veulerie commune est d’abord le fruit de l’individualisme qui détruit le corps social.

Education d’eunuque-consommateur

Par ailleurs, nous savons tous que si nous réagissons, nous risquons de le regretter amèrement. Sans doute serons-nous seuls à nous lever ; même si nous l’emportons, il nous faudra ensuite nous justifier. Ce n’est pas uniquement avec l’agresseur que nous ne voulons pas de problème, c’est aussi avec la police, la presse, la justice. Les gazettes sont pleines de ces défenseurs légitimes qui finissent devant les tribunaux parce qu’ils ont osé protéger un inconnu, l’être aimé, un ami, leurs biens. Il nous faudra démontrer que nous n’avons pas abusé de la force. Il nous faudra prouver que ce couteau posé sur notre ventre et que nous avons pu retourner contre son propriétaire, nous menaçait vraiment. Des associations fantoches nous lyncheront ; France 2 filmera la mère du « jeune » qui était, dira-t-elle, un « bon garçon ». Qui veut endurer cette épreuve ? Il est beaucoup plus simple, facile, reposant de fermer les yeux, de laisser faire, de rester assis sur son siège. Aurons-nous honte, un peu au moins, au moment de nous coucher ? Même pas, car nous aurons fait ce que des individus « civilisés », c’est-à-dire responsables d’eux-mêmes et de rien d’autre, sont censés faire face à une situation de ce genre, à laquelle notre éducation d’eunuque-consommateur ne nous a en rien préparé.

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Parfois, certains oublient de faire comme si. Le 1er novembre 2016, à Lyon, un jeune homme de 20 ans, Marin, voit un « jeune » molester un couple dans les rues de sa ville. Il décide de s’interposer. Il est seul. Personne ne vient l’aider. Les autres montent dans le tram ; ils ne veulent pas de problème. Résultat ? Ce beau garçon, étudiant en sciences politiques – nul n’est parfait –, finit à l’hôpital, le crâne fracturé. Il esquive la mort de justesse ; son courage lui rapporte des séquelles à vie, et de lourdes. Sa mère a cessé de travailler pour s’occuper de lui. L’année dernière, le procès de son agresseur s’est tenu. Combien ça vaut, de massacrer gratuitement quelqu’un en France, de nos jours ? Eh bien, figurez-vous que ça vaut sept ans et demi de prison – donc la moitié avec les remises de peine. Désormais, Marin boite, s’exprime avec difficulté, et a une cicatrice de vingt centimètres sur la tête. La vocation de la justice, en principe rendue « au nom du peuple », c’est d’exclure de la société ceux qui veulent en briser le fragile équilibre. Ce n’est plus ce qu’elle fait depuis que, indépendante donc irresponsable, jugeant moins les faits que la personnalité de leurs auteurs, gangrénée par le vivrensemblisme et dominée par les femmes – 80% des diplômés de l’ENM en 2012 –, elle s’occupe au moins autant de la réinsertion des bourreaux que de venger les victimes et, à travers eux, la société tout entière – le pardon, lui, appartient à Dieu.

La brutalisation en cours, dont l’origine est tellement évidente qu’il est interdit de la dire, est d’autant plus mortifère que nous refusons la violence.

Nous sommes des brebis à la merci des loups. Ceux d’en bas et ceux d’en haut. Face à l’agressivité de l’Autre mais aussi à celle d’un Etat qui ne sert que les intérêts de la classe dominante – la bourgeoisie des métropoles « connectées » qui voit dans l’immigration des nounous et des livreurs Uber –, nous devons réapprendre à nous battre. Les réactionnaires qui le nient ne sont pas moins inconséquents que les féministes qu’ils vilipendent à juste titre. Même Adam Smith, le messie des libéraux, le savait qui écrivait : « Il est évident qu’un homme incapable de se défendre ou bien de se venger lui-même manque de l’une des parties les plus essentielles dans le caractère d’un homme ».

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Nicolas Lévine est écrivain

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