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Coluche, et après


Cela dit, « l’histoire du mec » se termine plutôt bien, puisqu’il meurt guéri. Tout seul avec ses petits gros bras, et sans qu’on sache vraiment par quelle grâce, il parvient à sortir de ses multiples dépendances ; et Dieu sait que ça ne se fait pas en claquant des doigts. Pour sortir de cette mortelle baïne, il a dû remonter pied à pied le fil de l’eau qui avait failli le transformer en chien crevé.

Mais il en fallait plus pour tuer ce viveur-né : un camion ! En attendant (si j’ose dire), c’est après une longue dépression que notre « saint Coluche » va sortir de son introspection morbide en se tournant vers les autres, avec la création des Restos du Cœur. Admirable tonneau des Danaïdes, qui a en outre le mérite de souligner le péché originel (et final) du mitterrandisme : l’abandon des pauvres par une gauche qui, après vingt-cinq ans et plus dans l’opposition, prétendait enfin « changer la vie ».

Une chose n’a pas changé en tout cas : de son explosion médiatique à son exploitation posthume, ladite gauche n’a cessé de surévaluer Coluche – et la droite de le sous-évaluer. Trente-cinq ans déjà !, mais les préjugés ont la vie dure, savez-vous ? La droite de l’époque – ou ce qui déjà en tenait lieu – fut plutôt cliente successivement de Thierry Le Luron, et surtout de Pierre Desproges. Passons sur le gentil imitateur propre sur lui et, à peu de choses près, « gendre idéal » : il faisait si bien les yeux et les dents de « Mitran »…

L’intelligentsia giscardo-chiraquienne (on peut blaguer, non ?) a massivement préféré Desproges à Coluche. Principale raison invoquée : la vulgarité hara-kirienne du prolo de Montrouge[1. Le Montrouge des années 50, tais-toi t’as pas connu.]

Moi-même, à vrai dire, je ne prise guère le répertoire scatologique, ni même les bonnes-grosses-blagues-de-cul-bien-de-chez-nous. Mais ce débat-là dépasse les clivages : n’est-ce pas un président de droite qui, pour sa première visite au pape Benoît XVI, lui a apporté en cadeau deux bouquins de Bernanos et un Bigard live ? On enterre Mai 68 comme on peut !

Pour tout dire, le fait qu’un bouffon autoproclamé comme Coluche ou Bigard s’enfonce dans le pipi-caca, ça me gêne moins que lorsqu’un humoriste bac+12 modèle Desproges, distille, apparemment très fier de lui, sa fameuse boutade (summum de l’ignominie, que j’ai déjà eu le déplaisir de citer ici) : « Il y a plus d’humanité dans l’œil d’un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil. »

Rien de plus scandaleusement vulgaire à mes yeux que cette attaque ad hominem. Je sors du sujet, et alors ? Le sujet d’un article, même défini, c’est son auteur. Comme disait Alexandre Vialatte, qui d’ailleurs ne parlait pas spécialement de moi, « le plus grand service que nous rendent les grands artistes, ce n’est pas de nous donner leur vérité, mais la nôtre ».

Je résume la mienne : saint Coluche ? Où sont les stigmates, et même les miracles ? Coluche vulgaire ? Et Desproges, donc ! Moi qui vous écris, j’ai assisté à la naissance d’une notion : celle d’une grossièreté progressiste qui s’opposerait à la vulgarité forcément réactionnaire. Un exemple au hasard : rire avec Le Pen c’est vulgaire (i.e. pas bien) ; se moquer du Pen c’est grossier (bien). Suffit de le savoir….



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