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Ça va mal à l’extrême-gauche


Ça va mal à l’extrême-gauche
Au centre, Olivier Faure (PS) et Alexis Corbière (LFI), 11 juillet 2022 © ISA HARSIN/SIPA

De « pôles de vigilance » en « cellules de surveillance », la NUPES révèle enfin sa vraie nature, celle d’une organisation orwellienne.


« Avant-hier elles ont émasculé le charcutier de la rue de l’Assomption. Parce qu’il avait fait à une cliente une plaisanterie, vieille comme les rues, sur les saucisses. Elle a été se plaindre au Comité, et rang ! »

La culotte, pièce de théâtre de Jean Anouilh.

Ça va mal à l’extrême-gauche. LFI et EELV sont dans la tourmente. Adrien Quatennens voit sa vie privée déballée sur la place publique et Sandrine Rousseau se charge de faire connaître au monde entier les dessous de celle de Julien Bayou. Ce dernier, apprend-on, était sous surveillance depuis trois ans. Chaque mot, chaque geste de l’ex-secrétaire général d’EELV étaient rapportés, scrutés et analysés par un collectif d’activistes féministes du parti. Tel un militant stalinien arrêté pour des raisons obscures par le NKVD dans les années 30 et s’accusant finalement de crimes imaginaires afin de ne pas entraver la marche en avant de la révolution prolétarienne, Julien Bayou, au courant depuis le début de la surveillance de sa vie privée, ne s’en est offusqué que tardivement et de la façon la plus molle possible. Nous apprenons à cette occasion l’existence de « pôles de vigilance » ou de « cellules de surveillance » dans les partis d’extrême-gauche. C’est l’essence même des mouvements totalitaires : la passion de la surveillance, de la suspicion et de la délation aboutit systématiquement à la condamnation de tel ou tel individu sans autre procès que celui, expéditif, des tribunaux révolutionnaires (ou pôles de vigilance, ou comité de surveillance) et à l’élimination des « ennemis de la liberté », des « adversaires du peuple » ou, plus simplement, des concurrents politiques. On commence par nettoyer les écuries d’Augias à l’intérieur du parti puis on étend ce travail titanesque à l’ensemble de la société en décrétant la nécessité politique d’une surveillance de la vie privée de chacun et de tous – certains révolutionnaires en chef pouvant aller jusqu’à réclamer des lois condamnant le non-partage des tâches domestiques ou pouvant exposer sur un plateau de télévision l’intimité d’un couple en train de se séparer, par exemple.

À lire aussi : Sandrine et la tentation Stasiste: la vie des autres et celle d’Adrien Quatennens en particulier.

Revenons un peu en arrière. Le 22 mai dernier, dans l’émission de France Culture “Signes des temps” animée par Marc Weitzman, l’ex-militant et cadre de LFI Thomas Guénolé a dépeint ce qu’il appelle la « maison Mélenchon » : « Ce que j’ai découvert, petit à petit, c’est que c’est une machine dictatoriale, orwellienne. […] La France insoumise fonctionne comme une dictature. » Il est arrivé à cette conclusion, rapporte-t-il dans son livre (1), après deux années passées dans le mouvement d’extrême-gauche. À ce moment-là, écrit-il, loyal malgré ses désapprobations, il veut attendre la fin des élections européennes qui auront lieu en mai 2019 pour rédiger une tribune critique. Il en parle à quelques cadres du mouvement. Mauvaise pioche : le 3 avril 2019, il reçoit un coup de fil d’Alexandra Mortet, cadre de LFI, qui lui apprend que le « pôle de vigilance et d’écoute contre les violences sexistes et sexuelles » de LFI a reçu un « signalement » contre lui. Elsa P., une de ses étudiantes à Sciences Po, l’accuserait de harcèlement. Le 6 avril, Guénolé subit un interrogatoire en règle au siège loubiankesque de LFI. Que lui est-il reproché ? D’avoir eu une discussion « personnelle » avec Elsa P. sur le campus de Sciences Po. « Elle dit qu’à cette occasion tu lui as touché l’épaule. Que sur le moment, elle a pris ça comme un geste de gentillesse mais qu’elle se demande si ce n’était pas, disons, autre chose. Qu’est-ce que tu réponds à ça ? », questionne un des cadres de LFI. De plus, « elle a eu des notes qu’elle trouve anormalement excellentes, y compris un 20. Elle s’est sentie mal à l’aise parce qu’elle avait l’impression d’être la “chouchoute du prof”. Qu’est-ce que tu réponds à ça ? », demande un autre des tchékistes insoumis. Deux jours plus tard, une amie militante et membre du comité électoral de LFI avoue à Guénolé qu’en réalité une « procédure » contre lui existe depuis déjà plus d’un mois. Rien à faire : le dossier est vide, mais le « rapport interne » du « pôle vigilance » écrit par Danielle Simonnet conclut à sa culpabilité et à son exclusion. Guénolé comprend à cet instant que son éviction est politique – il a parlé à trop de membres de LFI de sa remise en cause du fonctionnement du parti et, en particulier, de Jean-Luc Mélenchon. Non seulement il doit être viré, mais il doit également être empêché de prendre la parole après son éviction. Quoi de mieux que de lui coller une « affaire de mœurs » qui, dans les remous de #MeToo, et le doute subsistant toujours, le discréditera quoi qu’il dise. Après une sérieuse dépression et une hospitalisation à Sainte-Anne, Thomas Guénolé a écrit un livre qu’à ma connaissance peu de médias ont recensé (2). C’est regrettable : en plus d’une très éclairante description du système autoritaire mélenchonien, les journalistes « féministes » y auraient trouvé les principes totalitaires qui président actuellement au néo-féminisme ainsi que les prémices de toutes les affaires explosant à la figure des différents partis d’extrême-gauche, le tout justifiant de rappeler au passage l’aphorisme de Gómez Dávila : « Le révolutionnaire ne découvre “l’esprit authentique de la révolution” que devant le tribunal révolutionnaire qui le condamne ».

Dans la même émission radiophonique de Marc Weitzman, la militante Fatima Benomar raconte elle aussi ses déboires dans ce qui était alors le Parti de Gauche. Elle décrit dans le menu son histoire sur son blogue. On découvre ainsi sa mise à l’écart du parti par l’entremise entre autres de Sophia Chikirou (à l’époque compagne de Jean-Luc Mélenchon, précise-t-elle) sous le prétexte d’un harcèlement sexuel sur la personne de… Jean-Luc Mélenchon ; ses multiples « relations » avec ce dernier qui la courtisait régulièrement ; sa longue, scabreuse et assez fastidieuse correspondance numérique avec ses congénères politiques. Au moment de la « libération de la parole des femmes », voilà tout ce petit monde politique ramené à de vulgaires histoires d’amour-propre et de fesses sales entre camarades qui se détestent, se cocufient, s’insultent, se tendent des pièges, se harcèlent mutuellement, se cachent ou sont jetés dans des placards, dans une sorte de vaudeville à la Feydeau, l’esprit et les bons mots en moins, la férocité et la vulgarité politicardes en plus.

À lire aussi : « Stop au feu » mais pas aux femmes…

Revenons à aujourd’hui. Ça va de plus en plus mal à l’extrême-gauche. Sandrine Rousseau se fait huer par des femmes à la manifestation de soutien aux Iraniennes. Comme elle ne veut pas être la seule à subir les foudres des véritables féministes, elle affirme que Laurence Rossignol s’est fait huer elle aussi. Mme Rossignol dément. Sandrine Rousseau insiste : Mme Rossignol s’est fait huer elle aussi – mais « un peu moins », précise-t-elle après une demi-journée de réflexion.

Ça va mal à l’extrême-gauche. Danièle Obono, qui dénonçait des dessins soi-disant racistes dans Valeurs Actuelles mais avait pu décrire l’ancien premier ministre, Jean Castex, comme un « homme blanc de droite bien techno et gros cumulard » (tweet du 3 juillet 2020) sans que personne ne s’en émeuve, a retrouvé sa verve racailleuse pour donner le « bonjour à tous et toutes » sur twitter le 3 octobre. Consciente qu’à l’instar de son amie Sandrine elle se serait fait copieusement houspiller si elle avait eu l’audace de se rendre à la manifestation de soutien aux Iraniennes, elle a précisé : « Sauf aux gens qui instrumentalisent la lutte des femmes en Iran contre l’oppression pour insulter et disqualifier la lutte des femmes en France contre l’oppression. Ceux-là : mangez vos morts. » Cette expression tirée du vocabulaire élaboré des « gens du voyage » semble vouloir dire, en vrac : allez crever, je crache sur vos morts, vous êtes des merdes, vos ancêtres aussi, etc. Pour répondre aux protestations, Mme Obono dit que son tweet est une « boutade ». « Mangez vos morts » serait donc un mot d’esprit, une plaisanterie, une finesse. Sandrine Rousseau le pense également – elle apporte son soutien à Danièle Obono. Ceci dit, elle est bien la seule : ça ne se bouscule pas sur les réseaux sociaux des Insoumis pour empêcher les volées de bois vert que Mme Obono reçoit sur la toile.

Ça va mal à l’extrême-gauche. L’éco-féminisme misandre des unes et l’islamo-gauchisme des autres commencent à lasser les Français confrontés aux sérieux problèmes que sont, entre autres, l’insécurité grandissante et l’immigration incontrôlée. Tandis que des « pôles de vigilance » s’acharnent sur les « violences psychologiques » qu’aurait fait subir un député à sa compagne lors d’une séparation, pas un mot n’est dit sur les femmes violées en France par des migrants, en situation irrégulière ou pas. Pire, Anne Bouillon, l’avocate de la femme violée à plusieurs reprises par trois Soudanais à Nantes, déclare que sa cliente est consternée par ceux « qui s’approprient les faits dont elle a été victime pour stigmatiser les migrants » et « rejette l’amalgame facile et erroné fait entre immigration et délinquance ». Anne Bouillon – qui figurait sur la liste de « Nantes en confiance » (sic) de Johanna Roland, maire socialiste de Nantes – parle d’une agression qui révèle surtout que « les hommes partagent en commun de se sentir autorisés à agresser les femmes ». Quand une avocate de gauche se met à parler comme Sandrine Rousseau, on comprend que, si l’extrême-gauche va mal, toute la gauche réunie sous le label NUPES ne va pas beaucoup mieux.

(1) La chute de la maison Mélenchon, Albin Michel, 2019.

(2) Je n’ai retrouvé qu’un article circonstancié de Hadrien Mathoux dans le journal Marianne du 14 novembre 2019. Concernant Thomas Guénolé, j’ajoute que, bien que ne partageant aucune de ses convictions politiques, j’ai admiré son engagement et sa démonstration lorsque, lors de l’émission “Ce soir (ou jamais) !” du 18 mars 2016, il a littéralement démoli, livre à la main et les yeux dans les yeux d’une Houria Bouteldja qui n’en menait pas large, l’auteur raciste, antisémite et homophobe de Les Blancs, les Juifs et nous.

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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