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Bienvenue au Bordelistan !


Bienvenue au Bordelistan !

Seulement, cette révolution, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, a été portée par des classes nouvelles dopées au ressentiment : quelques milliers d’officiers subalternes en mal de promotion, une poignée d’officiers supérieurs et des étudiants. Manifestations, émeutes, arrestations, coup d’Etat : ce scénario classique a amené au « pouvoir » (quoique le mot soit un peu exagéré) le PDPA (Parti démocratique populaire d’Afghanistan). Les nouveaux chefs avaient une idéologie et un programme pour changer profondément et rapidement le pays : après un bref épisode de terreur visant à épurer le parti, le Conseil révolutionnaire s’attela aux grandes réformes. Il annula dettes et hypothèques et ordonna la restitution des terres qui avaient saisies par les prêteurs plus de cinq ans auparavant[2. Le rendement de la terre étant de 20 %, cette période a été jugée suffisante pour le remboursement des dettes.]. Un autre décret fixa une limite à la surface des terres possédées, l’excédent devait être saisi et redistribué – cette dernière mesure concernait la moitié de terres cultivées. Un troisième décret visa à protéger les droits de la femme, fixant un âge minimum et un consentement pour le mariage.

En un an, les révolutionnaires parvinrent ainsi à se mettre à dos la quasi-totalité de la société afghane, très majoritairement paysanne. Aggravée par la chute du régime du Shah dans l’Iran voisin, la situation devint vite explosive, car Moscou décida de maintenir coûte que coûte ses alliés au pouvoir à Kaboul : l’Armée rouge intervint à la fin de 1979, commençant une guerre de dix ans qui se solda par sa défaite – et accéléra la chute de l’URSS.

Une fois leur erreur admise, les Soviétiques négocièrent avec leur principal adversaire, Massoud, chef de l’alliance du Nord. Le culte dont il est l’objet en Occident a fait oublier qu’il maniait volontiers les références religieuses, lesquelles constituaient le seul dénominateur commun susceptible de rallier clans, tribus et ethnies sous la même bannière – n’était-il pas chef de l’armée islamique ? De plus, malgré son aura de guerrier, Massoud, d’origine tadjik, avait échoué à faire la jonction avec l’autre composante majeure de la résistance : les forces pachtounes. Soutenus par le Pakistan où ils avaient massivement investi l’armée, les Pachtounes paraissaient être des alliés idéaux pour les Etats-Unis.

Au même moment, dans les madrasas du Pakistan, soufflait le vent d’un islam sunnite dont seul le spectre du fanatisme chiite enflammant au même moment l’Iran pouvait cacher le la dangerosité révolutionnaire. Ce djihad a attiré des combattants venus de tout le monde arabe, notamment d’Egypte et d’Arabie saoudite, mère-patrie d’Oussama ben Laden – mais aussi quelques-uns venus des banlieues françaises…C’est ainsi que la conjugaison d’un islamisme fondamentaliste djihadiste et de la logique clanique d’alliances et d’intérêts a donné naissance au mouvement connu sous le nom de « Taliban », littéralement « les étudiants ».

Une fois les Soviétiques disparus de la scène, les Afghans ont vite renoué avec leurs vieilles habitudes et se sont lancés dans une guerre civile entre anciens résistants. Les Talibans ont ainsi gagné la partie en 1996, grâce au soutien décisif du Pakistan. Islamabad jouait-elle un double jeu, comme le soutiennent certains ? Il serait plus juste de dire que le gouvernement pakistanais de Benazir Bhutto a tenté de chevaucher le tigre. C’est que le Baloutchistan, région à majorité pachtoune, représente presque la moitié du territoire de Pakistan. Son maintien et sa stabilité sont donc un enjeu vital pour le gouvernement qui est contraint de ménager les Pachtounes, sauf à courir le risque de devoir affronter une sécession de plus. C’est dire qu’une solution durable passe inéluctablement par Islamabad.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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