Accueil Monde Le patronat et ses immigrés n’ont pas tous les droits

Le patronat et ses immigrés n’ont pas tous les droits


Peter Skaarup, porte-parole du Parti du Peuple Danois (photo : MARIA FONFARA)

On dit souvent que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Ce n’est pas faux : entre deux prolétaires − ces hommes et ces femmes qui ne possèdent que leur force de travail −, celui qui s’active de bonne heure a plus d’emprise sur le réel que celui qui reste au lit. En louant ses bras ou son cerveau, il reçoit un salaire qui lui donne un pouvoir d’achat plus élevé, donc une liberté d’action supérieure à celle que la manne de l’État-providence offre à celui qui se contente de tendre la main. On me dira que celui ou celle qui loue son cul gagne plus en restant couché qu’en se levant aux aurores pour aller au turbin mais, d’abord, ce n’est pas toujours le cas parce que, des prolos du sexe, il y en a, et puis ce n’est pas le sujet.[access capability= »lire_inedits »]

Si le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, il appartient plus encore à ceux qui emploient des ouvriers qui se lèvent tôt. Si le monde que l’on possède se résume aux richesses que l’on produit, il revient à ceux qui assurent la production mais plus encore à ceux qui les font travailler et qui, au final, disposent des fruits de leur travail. Ainsi, la mention des ouvriers n’invalide pas la célèbre formule : elle lui donne une autre réalité.
De la même façon, on peut dire que les immigrés acceptent des emplois que les Français ne veulent pas : c’est un fait. Mais il serait plus précis − et donc plus vrai − de dire que les immigrés prennent des emplois dont les Français ne veulent pas aux salaires qui leur sont proposés. Même le travail le plus ingrat trouverait preneur s’il était correctement payé et une hausse des rémunérations accompagnée d’une baisse des indemnisations pour les chômeurs remettrait sûrement au boulot une bonne partie des Français sans travail.

Seulement, dans le monde du libre-échange, ce remède au chômage serait pire que le mal car les richesses produites par des travailleurs décemment payés en France, mais exposés à la concurrence mondiale, seraient invendables, et la ruine de nos entreprises ne tarderait pas. Voilà pourquoi le choix que nous avons fait, ou que certains ont fait pour nous, d’une économie mondialisée, au lieu d’assurer un travail à tous les nationaux, « nous » conduit à exporter nos usines et à importer des ouvriers. Les dommages sont réels, mais les avantages aussi. Aucun Français ne descend plus dans les mines et, même dans les régions hier industrielles et aujourd’hui sinistrées, les chômeurs possèdent des téléphones portables et des téléviseurs dernier cri. L’emploi le plus dur, le plus épuisant et le plus répétitif, ce travail à la chaîne que j’ai un peu connu et qui m’aurait sûrement jeté dans les bras d’Action directe si je ne l’avais fui pour saisir la chance de l’artisanat, est confié à des étrangers, chez eux ou chez nous.

Les propriétaires qui font rénover leurs appartements par des Polonais payés au lance-pierre et les familles qui font torcher leurs vieux par des Africaines pour trois cacahuètes sont ravis. Mais le système a ses limites. La plus-value réalisée pas ces esclaves modernes ne suffit plus à entretenir tous ceux que cette mondialisation « heureuse » a privés d’emploi, et les comptes sociaux rougissent doucement mais sûrement. De plus, les Européens qui accueillent pour de vrai, dans leurs quartiers, toute cette misère s’inquiètent de voir leurs pays ressembler de plus en plus au tiers-monde et demandent que la tendance soit au moins contrôlée. C’est ce qu’on appelle, au Nouvel Obs, la « droitisation » voire la « fascisation » de l’Europe. À l’exception des trotskistes sans frontières qui risquent, couillons comme ils sont, de faire élire Strauss-Kahn en 2012, les plus fervents partisans du statu quo libéral et libertaire en matière d’immigration sont les représentants du grand patronat, ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt. Peu leur importe l’islamisation de nos banlieues ou l’appauvrissement des autochtones : ces réalités n’entrent pas dans leurs bilans comptables et ils peuvent bien défendre le droit des peuples à circuler librement et à déculturer leur environnement, ils s’en fichent, ils ne vivent pas dans le même monde que les « gros cons » qui votent FN, comme dit Sophie Aram.

Un article du Monde signé Olivier Truc nous informe qu’au Danemark, le Premier ministre, soutenu par 59 % de la population et par l’extrême droite, propose une loi qui obligerait les travailleurs étrangers à prendre une assurance privée pour couvrir leurs frais de santé pendant les quatre premières années de leur séjour. Cette discrimination suscite les critiques du conseiller de Dansk Industri, le patronat danois, qui déclare: « Il sera plus dur d’attirer des employés de l’étranger si ces derniers doivent payer les impôts parmi les plus élevés au monde sans avoir droit aux mêmes services que leurs collègues. »

À l’instar du patronat, le Parti conservateur est sceptique. Il craint que ce projet dissuade les étrangers de venir travailler au Danemark et que cela cause du tort aux entreprises danoises qui auront du mal à recruter la main-d’œuvre dont elles ont besoin. Chez nous aussi, ce type de proposition divise. À la suite de Laurence Parisot, la présidente du Medef, qui plaide dans Libération pour que « la France reste un pays ouvert, qui accueille de nouvelles cultures et profite du métissage », Christine Lagarde a pris ses distances avec le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, qui proposait de réduire l’immigration de travail – de 200 000 à 180 000 personnes par an, une révolution. « L’immigration qui est légale, évidemment, il faut qu’elle soit protégée et sécurisée, a affirmé la ministre de l’Économie. Dans le long terme, on aura besoin de main-d’œuvre. »

On peut supposer que ce « on » est plus industriel et patronal que prolétaire et national : en confiant les boulots mal payés à toujours plus d’immigrés, « nous finissons par ne plus nous sentir chez nous », comme dirait Guéant, au diapason de nombreux Français. À quelle France « profite le métissage » dont parle la patronne du Medef ? Accueille-t-elle de « nouvelles cultures » dans son immeuble, dans sa cité, dans son quartier ? « Dans le long terme », quels bénéfices les prolétaires indigènes (ici, c’est nous) peuvent-ils espérer d’une politique migratoire « protégée et sécurisée », c’est-à-dire intouchable ? Une immigration maintenue à ce rythme ne risque-t-elle pas de transformer notre civilisation ou de l’effacer ? Et pour quels profits ? Qui est gagnant quand on mène une politique industrielle qui remplace des travailleurs devenus trop coûteux par d’autres ?

Le grand patronat, qui a obtenu le regroupement familial et ne veut pas entendre parler de frontières, milite pour l’introduction et la protection de son nouveau prolétariat comme le chasseur veille sur son gibier et organise la disparition de la faune concurrente, inutile et nuisible. Et tout ça pour quoi ? Si encore les gains de ces exploitations contribuaient à la défense et au rayonnement de l’héritage culturel occidental ! Si seulement ils rendaient en beauté un peu de ce qu’ils prennent ! Même pas. Cette bourgeoisie vulgaire qui amasse des fortunes grâce à son entreprise – consciente ou pas − de « grand remplacement »[1. Merci Renaud Camus] est au-dessous de tout. C’est à croire que trop d’argent tue le bon goût et le sens du devoir, car la classe autrefois cultivée et gardienne de l’esthétique européenne est devenue jet-set, people et bling-bling. Elle se planque dans des villas ou sur des yachts entre ses putes et ses larbins, très loin de la France d’en-bas et des zones occupées par les nouvelles classes populaires. Elle survole en jet privé les nations devenues de « petits villages », comme dirait Alain Minc, ou des « hôtels », comme dirait Jacques Attali, et contemple avec satisfaction l’Europe devenue un marché. Elle finance un art moderne ennemi juré de la beauté qu’elle exhibe jusque dans les galeries du château de Versailles, ne construit plus de cathédrales mais veut nous imposer des mosquées.

Si les Lagarde et les Parisot devaient l’emporter sur les Guéant, si les libéraux « remplacistes » devaient avoir raison des « réactionnaires », pour défendre notre identité, notre culture et notre civilisation, une révolution s’imposera. Populaire, prolétarienne et, comme on dit au Nouvel Obs, « populiste ». Les temps changent et il faut y faire face, ou bien se laisser mourir en tant que peuple. Plutôt crever ![/access]

Mai 2011 · N°35

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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