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«Je parle et je ne fais rien»

Gabriel Attal promet des réponses fermes à « l’addiction à la violence » d’une partie de la jeunesse. Vous y croyez ?


«Je parle et je ne fais rien»
Nicole Belloubet, Eric Dupond-Moretti, Sabrina Agresti-Roubache et Sarah El-Hairy écoutent le discours de Gabriel Attal, Viry-Châtillon, 18 avril 2024 © Bertrand GUAY / AFP

Le discours de « fermeté » de Gabriel Attal prononcé à Viry-Châtillon, là où le jeune Shemseddine a été lynché à mort, révèle une nouvelle fois l’impuissance de nos politiques, et en particulier en matière d’éducation. Leur déconnexion du réel est une porte ouverte aux islamistes et à l’hyperviolence.


« Je parle et je ne fais rien », c’est la vraie devise du pouvoir, et tout particulièrement celle de nos ministres de l’Intérieur et de l’Économie, et du premier d’entre eux. Toujours le même schéma se répète : la règle commune, qui n’est plus respectée par personne, est violée outrageusement ; l’opinion publique s’affole ; un ministre prononce un discours de fermeté, puis propose au Parlement le vote d’une loi de circonstance, qui le plus souvent ne fait que reprendre une loi préexistante ; mais « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », écrivait Montesquieu — et au fur et à mesure que grossit l’appareil législatif et réglementaire, jusqu’à l’obésité morbide, la France coule sous son propre poids. On multiplierait les exemples à l’appui de cette démonstration ; le dernier en date, celui du malheureux Shemseddine, quinze ans et tabassé à mort, n’en est qu’une illustration nouvelle, hélas !

200 actes de violence par jour dans les écoles !

Voici un pays au sein duquel les violences atteignent un niveau rarement égalé dans son histoire ; pour mémoire, et pour ceux qui en douteraient, la note officielle du ministère de l’Éducation nationale fait état de près de quatorze incidents graves pour mille élèves dans le second degré, en 2022-2023. Ce chiffre paraît-il faiblard ? — mais il correspond à plus de deux cents actes de violence par jour (samedis, dimanches et vacances compris) pendant une année tout entière ! Et l’on ne compte pas la violence dite « ordinaire » mais que d’autres, en des temps pas si éloignés, eussent bien plutôt qualifiée de « grave »…

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On s’habitue, donc, jusqu’à ce qu’un, deux ou trois faits divers, horribles, mettent le peuple en émoi, et forcent enfin l’exécutif à réagir.

Obsèques de Shemseddine, 15 ans, Savigny Sur Orge (91), le 9 avril 2024 © Dimitar DILKOFF / AFP

Sauvagerie incroyable dans l’Essonne : branle-bas de combat ! Gabriel Attal accourt à Viry-Châtillon, lance de grandes concertations, un Grenelle, promet des mesures probablement anticonstitutionnelles (la punition des parents démissionnaires), déjà existantes ou inapplicables (la majorité numérique à quinze ans), et assure, hiératique, la plus grande fermeté du pouvoir face à la barbarie. Alors jaillit, de sa bouche superbe, l’annonce qui changera tout, celle qui cristallisera les oppositions, fera pousser aux adorateurs d’Attal des soupirs de ravissement, et à ceux qui l’abhorrent, des exclamations scandalisées : un contrat « qui pourra ouvrir à des sanctions » !

Un contrat moisi

On reste pantois devant l’inanité d’une telle annonce ; à vrai dire, on ne sait même plus qu’argumenter, tant cette mesure aberrante apparaît piètre, dérisoire, « déconnectée ». Pour répondre au vaste problème de l’ensauvagement, aux jeunes qui meurent dans les écoles, l’exécutif fera donc signer aux parents ainsi qu’aux élèves une espèce de contrat, qui ne sera rien d’autre qu’un rappel de la loi et des règlements intérieurs — mais les élèves problématiques, et leurs parents, ne lisent ni les déclarations, ni les chartes, ni les lois, que leur importera ce nouvel engagement ? Le « défaut manifeste d’assiduité » sera puni : n’était-ce pas déjà le cas ? La « non-participation des parents à l’éducation de leurs enfants » sera sanctionnée : un nouvel acte juridique était-il vraiment nécessaire pour entériner cette responsabilité évidente ? Pire, on apprend que les contenus exacts de ces contrats seront définis en concertation, entre autres, « avec les représentants des enseignants » : et l’on sent déjà la moisissure de ce texte qui sera pourri avant d’avoir été mûr !

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Mais pourquoi s’étonner ? Ce pouvoir-ci, plus encore que ses prédécesseurs, nous a trop habitués à l’impuissance. C’est ce gouvernement, après tout, qui pour lutter contre la montée de l’islamisme radical, se contentait d’interdire les abayas dans les écoles, et qui, pour rehausser le niveau scolaire en plein naufrage, promettait la saine mais inutile re-création des groupes de niveaux, projet d’ailleurs partiellement enterré déjà ; et qui jurait qu’il allait sortir la santé du désert, à grands coups de « taxes lapin » d’un montant de cinq euros…

Cependant l’opinion publique majoritaire attend désespérément l’arrivée d’un nouveau pouvoir, qui changera la devise actuelle incertaine de nos dirigeants, matrice des effets d’annonce, par une autre plus vigoureuse, et plus nécessaire : « Aux grands maux les grands remèdes » !



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Ancien étudiant au lycée Henri-IV de Paris, avocat puis professeur de lettres, Paul Rafin a créé le blog Les Grands Articles, consacré à la littérature française et étrangère. www.lesgrandsarticles.fr

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