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Avons-nous été dignes face à la mère de Nahel?

Coup de rouge, la chronique d'Olivier Dartigolles


Avons-nous été dignes face à la mère de Nahel?
Mounia, la mère de Nahel, à Nanterre, le 29/06/2023. © J.E.E/SIPA

Habitué aux joutes médiatiques hier, comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. « J’aime qu’on me contredise ! » pourrait être sa devise.


Nahel est mort à 17 ans. Il a été tué par un policier lors d’un contrôle routier. Face à lui, face à sa mère qui a perdu son enfant, comme face à tant d’autres sujets d’actualité dramatiques, nous avons perdu le sens du silence, du langage et de la dignité.

Le silence. Quelques minutes à peine après l’annonce du drame de Nanterre, les réseaux sociaux se sont enflammés. Salement. Depuis quand ne savons-nous plus faire silence ? François Mauriac écrit déjà, en 1963, dans Le Bloc-notes : « Mais il existe une cause directe de mon désenchantement, le silence a été assassiné. Il n’y a plus de silence nulle part. »

Et le langage ? C’est Harold Pinter qui en parle le mieux en évoquant cette « maladie au cœur même du langage qui transforme celui-ci en une mascarade permanente, un tissu de mensonges […]. Est-ce que la réalité demeure essentiellement hors du langage, séparée, inflexible, étrangère, impossible à décrire ? Est-il donc impossible de parvenir à une correspondance exacte et vitale entre ce qui est et la perception que nous en avons ? »

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Le comparatif qui est fait entre la situation des quartiers populaires en 2005 et celle d’aujourd’hui permet de raconter tout et n’importe quoi. L’essentiel tient en deux réalités « vitales » pour la suite. Depuis vingt ans, et malgré les politiques de rénovation urbaine, la vie quotidienne y est encore plus dure, même ceux qui travaillent ne s’en sortent pas. Eux, les travailleurs essentiels, les invisibles mis momentanément en lumière lors des confinements. Leurs enfants sont les témoins d’une relégation sociale qui est un véritable poison pour notre République. L’autre poison tient en un constat logé dans les cœurs et les âmes meurtris des habitants : « Rien ne changera jamais pour nous. »

La seconde réalité est la dégradation des relations police/population, notamment avec une partie de la jeunesse des villes populaires. On le sait, mais rien n’est fait pour y répondre. On peut discuter de la réforme de 2017 du Code de sécurité intérieure (qui élargit la possibilité pour un policier de faire usage de son arme), mais les maux sont bien plus profonds.

Enfin, la dignité. Dans de tels moments de vérité, d’Annecy à Nanterre, deux catégories d’individus se révèlent. La première est constituée de ce que produisent notre humanité et nos humanités communes. On peut avoir des sensibilités différentes et des réponses divergentes sans pour autant nourrir des processus de détestation, de haine, de guerre de tous contre tous.

La seconde alimente ce cloaque et semble le faire avec délectation. Ils sont les spécialistes, aujourd’hui bien identifiés, à droite comme à gauche, d’un pourrissement permanent du débat public. Ces multirécidivistes hostiles à la complexité et au doute, à l’altérité et à la mesure, sont les agents électoraux d’un glissement accéléré vers l’abîme.

Et maintenant ? Puisque le silence n’est plus, trouvons les mots et les actes pour que la vie soit digne, pour toutes et tous.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Olivier Dartigolles est chroniqueur politique. Il intervient sur Cnews, Sud Radio et La Terre.

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