Accueil Culture George Sand et Gustave Flaubert, intimes

George Sand et Gustave Flaubert, intimes

Grâce à la lecture de leur correspondance, notre médiocrité contemporaine s’éloigne...


George Sand et Gustave Flaubert, intimes
George Sand et Gustave Flaubert. D.R.

Le Passeur, dynamique maison d’édition, située en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés propose plus de 400 lettres inédites couvrant presque toute la vie de George Sand, depuis ses 15 ans jusqu’à ses derniers jours.


C’est un livre à découvrir au bord d’un lac du Limousin, ou ailleurs, l’essentiel étant de trouver le silence pour apprécier la richesse de la correspondance. Parmi les lettres, répertoriées, présentées et annotées par Thierry Bodin, spécialiste du romantisme français, celle envoyée à Barbey d’Aurevilly, qui a trait à l’article que la romancière consacre à Maurice de Guérin, ne passe pas inaperçue. Barbey d’Aurevilly, en effet, étrillera peu de temps après la romancière. Grâce à cette correspondance, on découvre le foisonnement de la vie artistique de l’époque. On y croise, entre autres, Chopin, Édouard Bourdet, Eugène Sue, Victor Hugo… Sand rappelle son attachement à la République et se bat auprès des autorités politiques pour faire libérer ses amis prisonniers, exilés, ou proscrits, après le coup d’État du 2 décembre 1851. Dans une lettre, très émouvante, elle réclame la garde de sa petite-fille Jeanne. Extrait : « J’ai la triste certitude maintenant que mon gendre n’a pas la raison saine, malgré les moments lucides où on le trouve, où on le plaint, où on le croit guéri. » Une autre lettre montre la femme tourmentée par l’approche de la cinquantaine. Sand, au capitaine Stanislas d’Arpentigny: « Quand je dis que la passion pure doit tourner à la folie ou au malheur dans l’âge mûr, ce n’est pas pour vous que je parle. Ce n’est pas même pour votre sexe qui peut prolonger la jeunesse plus que la nôtre quand il a une entière liberté comme celle que vous avez su garder. Mais les femmes, c’est différent. Quand on va sur la cinquantaine (…), on serait fort à plaindre d’aimer les aventures et on en aurait peu de belles, partant beaucoup de laides. » Sand se soucie également de la promotion de son œuvre, de celle de son fils, de la publication de ses articles. Elle est tracassée par la réparation de sa calèche, l’achat de bois pour l’hiver, la recherche d’une nouvelle femme de ménage. Elle se réjouit de l’achat de fleurs pour son jardin. Elle soutient L’Éducation sentimentale de son grand ami, Gustave Flaubert. À ce propos, il convient de citer la correspondance entre Sand et Flaubert, parue dans la même maison d’édition, en 2021. Les deux grandes « voix » de la littérature sont saisies dans leur intimité. Sand est réaliste quand elle dit à son ami, qu’elle nomme le vieux troubadour : « Tu aimes trop la littérature, elle te tuera. » Mais le véritable écrivain ne compte jamais ses jours de labeur, puisque ce ne sont pas des jours de labeur. Quant à celle que Flaubert appelle la « chère maître », il avoue sa lassitude: « Une goutte errante, des douleurs qui se promènent partout, une invincible mélancolie, le sentiment de ‘’l’inutilité universelle’’ et de grands doutes sur le livre que je fais, voilà ce que j’ai, chère et vaillant maître. » Flaubert, plus vivant que jamais ! Sand le morigène: « Mais dès que tu manies la littérature, tu veux, je ne sais pourquoi, être un autre homme, celui qui doit disparaître, celui qui s’annihile, celui qui n’est pas ! Quelle drôle de manie ! quelle fausse règle de bon goût ! Notre œuvre ne vaut jamais que par ce que nous valons nous-mêmes. » La romancière continue de le bousculer: « Cette volonté de peindre les choses comme elles sont, les aventures de la vie comme elles se présentent à la vue, n’est pas bien raisonnée, selon moi. » Alain Robbe-Grillet ne dira pas autre chose en lançant son révolutionnaire roman Les Gommes dans la mare croupissante des lettres. À la fin de l’ouvrage, on découvre les agendas de George Sand. Le jeudi 30 août 1866, elle note: « Départ de Croisset à midi avec Flaubert et sa nièce. Nous la déposons à Rouen. Nous revoyons la ville, le port, c’est vaste et superbe. Un beau baptistère dans une église de Jésuites. Flaubert m’emballe. » La médiocrité contemporaine s’éloigne. On respire et le ciel est bleu.

George Sand, Nouvelles lettres retrouvées, Le Passeur Éditeur ;

George Sand et Gustave Flaubert, Correspondance, Édition Collector, Le Passeur Éditeur.

Nouvelles lettres retrouvées

Price: 22,00 €

9 used & new available from 17,11 €

Tu aimes trop la littérature, elle te tuera

Price: 13,40 €

18 used & new available from 11,26 €



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Djokovic: jeu, serbe et match
Article suivant Afrique du Sud: le business des câlins
Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération