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Florence Bergeaud-Blackler: «Ma protection physique n’est pas un sujet pour mon administration»

Entretien avec Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche CNRS


Florence Bergeaud-Blackler: «Ma protection physique n’est pas un sujet pour mon administration»
Florence Bergeaud-Blackler est chargée de recherche au CNRS. D.R.

Une nouvelle défaite de la pensée. On apprenait hier la déprogrammation d’une conférence de Florence Bergeaud-Blackler, sociologue au CNRS spécialiste de l’islam, qui devait s’exprimer ce vendredi à la Sorbonne. Une décision prise dans la confusion et la peur par la doyenne de la faculté de lettres de l’université.


Mme Bergeaud-Blackler était invitée à présenter son dernier livre : Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête (Odile Jacob). L’ouvrage vaut à son auteur d’être accusée d’islamophobie et menacée de mort sur les réseaux sociaux. Au point d’avoir été placée sous protection policière. Mais la chercheuse ne se sent pas pour autant soutenue par sa hiérarchie. À l’initiative de son référent à la Sorbonne (Pierre-Henri Tavoillot), une nouvelle date est envisagée pour son intervention. Rien ne dit que la sociologue acceptera cette proposition.


Causeur. Comment avez-vous appris l’annulation de votre conférence ?
Florence Bergeaud-Blackler. C’est son organisateur, le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, qui m’a appelée lundi soir pour me faire savoir que la doyenne de sa faculté avait pris la décision de cette déprogrammation.

Avez-vous eu des explications ?
Non, car la doyenne n’en a pas donné à M. Tavoillot, et ne m’a pas contactée.

N’est-ce pas pour des raisons de sécurité ? On vous dit sous protection policière.
Rien de tel ne m’a été indiqué. Je précise qu’aucun appel à manifester, à chahuter ou à empêcher cette conférence n’avait été lancé. On m’a juste dit que la doyenne « ne voulait pas mettre d’huile sur le feu ». Je suis donc placée dans une situation d’incertitude totale. Je ne suis plus en confiance.

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Personne ne se tient informé de votre cas au ministère ?
Je n’ai eu aucun signe de la part de qui que ce soit dans ma hiérarchie. Il y a deux mois, lorsque j’ai été publiquement traitée de raciste par des ex-collègues, il a fallu une pétition dans Le Point, signée par de nombreux chercheurs, enseignants et intellectuels, pour que le CNRS, auquel j’appartiens, fasse enfin un communiqué de soutien, assez laconique du reste. Cela dit, je bénéficie, comme tous mes collègues, de la protection juridique fonctionnelle. Mais cela s’arrête là. Ma protection physique, elle, n’est pas un sujet pour mon administration.

Comment expliquez-vous cela ?
Mes autorités de tutelle croient sans doute ce que certains de mes pires détracteurs affirment, à savoir que mon dernier livre, qui est un travail extrêmement sérieux de recherche et dont j’assume chaque phrase, serait un Protocole des sages de Sion d’un genre nouveau, c’est-à-dire qui aurait troqué l’antisémitisme contre la haine des musulmans. C’est du chantage à l’islamophobie, phénomène que j’analyse justement dans mon livre. Quand on voit les difficultés que cela me vaut, il n’est pas étonnant que si peu d’étudiants manifestent l’envie de se consacrer à l’étude de l’islam et de ses rapports avec la société. L’espace mental de l’islamisme n’en est que conforté.

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