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Pif de la Mirandole

Le maitre des horloges, prisonnier d’une feuille déroute intenable, 100 jours de symbolique poissarde, n’a plus la main...


Pif de la Mirandole
Le président Macron lors du grand débat des idées avec 64 intellectuels, Paris, 18 mars 2019 © Jacques Witt/SIPA

«Nous sommes hypnotisés par des dieux dérisoires et notre souffrance redouble de les savoir dérisoires» (René Girard)


« E lucevan le stelle, Ed olezzava la terra / Et les étoiles brillaient, et la terre embaumait » (Tosca). 29 avril 2023, Saint-Denis, finale de la Coupe de France. Cornériseur cornérisé, dans le tunnel, Emmanuel Macron, se lamente et repense au triomphe du 15 juillet 2018, à Moscou, 4-2 ! Il y a cinq ans, Jupiter marchait sur l’eau, renversait l’armoire, les vieux partis, le monde d’avant. Aujourd’hui, champion du Hic et Non, de la querelle des universaux, il emmerde les non-vaccinés, la turba qui veut lui crever la paillasse.

Fausses notes dans la symphonie du Nouveau Monde

En décembre 1486, Jean Pic de La Mirandole défrayait les dépenses de tout érudit acceptant de venir à Rome débattre de ses 900 Conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques. En mars 2019, Emmanuel Macron dialoguait sur France Culture avec 64 intellectuels dans tous les domaines du savoir, de la recherche et de la pensée contemporaine. À 02h31 du matin, le Prince philosophe concluait huit heures de débats non-stop, invitant « chacun dans sa condition » à cogiter pour rendre ce débat « régulier, fort et vivant ».

La symphonie du Nouveau Monde et les douze travaux d’Hercule se terminent par une interview dans Pif Gadget, des concerts de casseroles et vuvuzelas. Rahan, fils des âges farouches, de Ricoeur et Crao a perdu la baraka, son couteau en ivoire et collier aux cinq griffes. Emmanuel Popeye, premier de cordée, cherche la dent du guignol, la piste vers le refuge. Plus il s’angoisse, moins ça va mieux. Gare aux Goraks… Raaahaa ! Comme jadis Napoléon avec les songes de ses soldats, Emmanuel Gamelin et Elisabeth Weygand dressent leurs plans de batailles avec les sornettes des ministres endormis. Le maitre des horloges, prisonnier d’une feuille déroute intenable, 100 jours de symbolique poissarde, n’a plus la main… Le « vol de l’Aigle » avant les pigeons voyageurs annonçant Waterloo.

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En 2020 Emmanuel Macron voulait « enfourcher le tigre… sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier ». Depuis six ans, Monsieur 100 000 volte-face, alias Shere Khan, Winnie l’ourson, Tigrou, Tigresse et Kung Fu Panda, n’a cessé de se confesser et réinventer : leader martial, Lucien Jeunesse ‘Réponses à tous’ des forums citoyens, Monsieur Champagne animateur d’ateliers Croq’ vacances-démocratie participative, Maréchal Joffre de la guerre bactériologique… La dernière posture présidentielle, c’est le martyr : Emmanuel Saint-Sébastien stoïque fait don de sa personne, de sa réforme des retraites et retraite des réformes, à la France. Trop de métamorphoses tue les Métamorphoses.

Ridicule

Petit télégraphiste naïf, Jupiter a pris son risque et des râteaux avec Europe, nos alliés, l’OTAN, des vents à Moscou, Pékin, Alger, sans oublier les Alertes rouges en Afrique noire. Pas de vécu, de boussole, de ligne d’horizon, un gouvernement sans envergure, Bibi Fricotin blablateurs, Falbala d’O.pérette : la politique du chat crevé au fil de l’eau.  Le buzz, les polysynodies, passements de jambes, cabotinages permanents, lassent. Hors-sol, le président n’a pas pris la mesure des maux qui minent le pays (Etat en cessation des paiements, démagogie, corporatismes, séparatismes, naufrage éducatif…). Il n’a pas plus de courage que ses prédécesseurs, ne dit pas la vérité aux Français. Il paie cash les malentendus et toute l’addition. C’était écrit.

Je me souviens de Ridicule (1996). L’abbé de Villecourt, arriviste, brillant causeur, prouve l’existence de Dieu : « …Celui qui est par lui-même ne peut changer. Or le temps est la mesure du changement. L’infiniment parfait ne change pas : Unité, Immutabilité, Éternité, c’est… (hurlant) C’est lui ! C’est Dieu ! Causa sui ! Sa propre cause ! Ah ah ah ! ». Grisé par son triomphe et les applaudissements, il s’enflamme dans sa péroraison : « Ce n’est rien. J’ai démontré ce soir l’existence de Dieu. Mais je pourrais tout aussi bien démontrer le contraire quand il plaira à sa Majesté ! Ah ah ah ! ». Stupéfaction, silence désapprobateur ; le roi et la cour se lèvent, abandonnent le bonimenteur. La phrase de trop… Aujourd’hui c’est la nation qui désapprouve et se lève. L’hubris et les sophismes ont perdu l’abbé de Villecourt et Emmanuel Macron ; ils chevauchaient le tigre.

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Je me souviens du documentaire de Barbet Schroeder, Général Idi Amin Dada : Autoportrait (1974). Le président ougandais commente une manœuvre d’invasion d’Israël et du plateau Golan : deux chars Sherman, un vieil hélicoptère, des fusées de détresse, une section d’élèves parachutistes qui s’entraînent sur un toboggan pour enfants… Le général hilare conclut la séquence : « Victoire sur les hauteurs du Golan ! ». Semper ad alta ! « Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent mais retenons ça. Le jour d’après, quand nous aurons gagné, nous ne reviendrons pas au jour d’avant » (Emmanuel Macron). Je rugis comme le tonnerre, je frappe comme la foudre ! (Devise du 67e régiment d’artillerie d’Afrique).

Pour cheffer, il n’est pas nécessaire d’être aimé, de se réinventer tous les trois mois, d’avoir le BAFA (Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Alexandre le Grand). Il faut des principes, du sang-froid, du charisme, un peu de bouteille. Nous sommes loin du compte. Le plus inquiétant, c’est que le président ne semble pas apprendre de ses erreurs.  Les Hibernatus de gauche, de droite, du centre, insoumis en peau de lapin, du monde d’avant et d’après, auraient-ils fait mieux, feront-ils mieux ?

Les Français élisent leur président, des représentants, pour les moquer, les conspuer, les haïr. En 2017, avec Emmanuel Macron, ils ont eu la main très sûre, ils ont trouvé un cador. En 2027 les mouches vont changer d’âne. Les candidat.e.s idoines ne manqueront pas. Une manière de diner (électoral) de cons. Cette Tragedia dell’arte pourrait mal finir. Le danger et l’angoisse font partie de l’ivresse. Mensonge politique et vérité carnavalesque. « La tendance mimétique fait du désir la copie d’un autre désir et débouche nécessairement sur la rivalité » (René Girard).

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