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Poubelle la vie

La situation sanitaire des trottoirs parisiens inquiète. Anne Hidalgo fait un doigt d'honneur aux Parisiens en ne faisant rien


Poubelle la vie
Paris, 14 mars 2023 © HOUPLINE RENARD/SIPA

Les poubelles s’amoncellent sur les trottoirs de la capitale, conséquence de la grève des éboueurs contre la réforme des retraites. De nombreux habitants lorgnent avec envie leurs voisins des Xe, XIe, XIIIe, XVe, XVIIIe et XIXe arrondissements, où le ramassage a été confié au privé… Gerald Darmanin presse Anne Hidalgo d’agir, et de procéder à des réquisitions de personnel, sachant pertinemment qu’elle ne fera rien. Analyse.


Paris est de moins en moins la vitrine de la France et continue d’abimer son image et celle du pays. En ce moment, il n’y a plus que dans « Emily in Paris », sur Netflix, que la ville fait encore rêver et garde des allures de carte postale. Les journaux étrangers, eux, se gaussent d’une ville poubelle. Le Wall Street Journal a même mis en couverture, ce 15 mars, une rue parisienne croulant sous les déchets et les immondices. Le journal de gauche britannique, The Guardian, raille de son côté une « rat-pocalypse ». Pas de quoi redorer l’image d’une ville dont, pourtant, la capacité à attirer le tourisme est un atout essentiel. La situation devient intenable dans certains arrondissements, entre effluves nauséabondes et prolifération des rats, au point que sur BFMTV, une des membres de l’Académie nationale de médecine s’est inquiétée des contaminations que peuvent entraîner la pullulation de ces charmantes bestioles.

Un bras de fer politique

Face aux images d’une ville croulant sous les déchets, à l’exaspération d’un bon nombre de Parisiens et face à l’inertie de la mairie de Paris, la situation est devenue un problème politique et offre une scène à tous les opposants d’une maire affaiblie et contestée, Anne Hidalgo, qui est vue comme mauvaise gestionnaire au point d’être en train de saccager ce qui fut naguère la plus belle ville du monde. Se refaire une santé politique sur son dos devient du pain bénit ! Et Rachida Dati, déjà en campagne pour les prochaines municipales, comme Gérald Darmanin, qui lui vise la future présidentielle, en profitent pour gagner du crédit politique sur le dos de l’édile décriée. Il faut dire que celle-ci fournit les verges pour se faire battre et accumule les erreurs de communication au point d’apparaitre comme celle qui, par idéologie, refuse d’agir face à une situation sanitaire qui empire.

En demandant à Anne Hidalgo de réquisitionner du personnel, suite à un courrier de Rachida Dati, maire du 7eme arrondissement, et en le faisant au nom du risque sanitaire, Gérald Darmanin met en scène des politiques responsables qu’il oppose symboliquement à une mairie de Paris mise en situation d’incapacité. Pas besoin de grand discours : son crédit est tant affaibli que se mettre en travers du chemin d’Anne Hidalgo suffit à gagner des soutiens ou des points dans l’opinion. Gérald Darmanin savait en réalité très bien quelle serait la suite des évènements. Alors que sa majorité est de plus en plus déconnectée du réel, que les dissensions internes y sont très fortes et que les élus gauchistes y sont de plus en plus puissants, Gérald Darmanin ne pouvait pas ignorer qu’il essuierait de la part de la maire de Paris une fin de non-recevoir. Ce qui l’arrange. Ainsi, si la situation perdure, la faute sera portée au passif d’Anne Hidalgo. Dans le même temps, ce refus libère les mains du ministre. S’il échoue, la situation ne sera pas pire et on le créditera d’avoir essayé. S’il réussit, il mettra encore plus en avant l’incapacité de la maire de Paris et se verra créditer d’une action efficace.

La vitrine de la France saccagée

En attendant de voir ce que ce bras de fer politique va concrètement changer pour les Parisiens, cette histoire pose le problème du statut particulier de Paris.

Vitrine de la France, on peut se demander si la capitale, par son poids patrimonial, son rôle symbolique et sa fonction particulière, ne devrait pas… être rattachée à l’État. Paris appartient à tous les Français, pas seulement aux Parisiens. Elle devrait être mise à l’abri des logiques clientélistes et des guerres picrocholines qui entachent de plus en plus sa gestion.




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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