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Harcèlement scolaire: était-ce à CNews de sauver Maël?

L'élève de 10 ans va pouvoir retourner en CM2 après le départ de son harceleur


Harcèlement scolaire: était-ce à CNews de sauver Maël?
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Dans une démocratie digne de ce nom, l’indifférence ou l’impuissance des pouvoirs publics ne devraient pas être suppléées par les médias.


Il n’est pas normal que le harcèlement odieux du jeune Maël, dans l’Académie de Dijon, et qui durait depuis plusieurs semaines, n’ait trouvé une solution équitable et efficace qu’à la suite de l’intervention du père de l’enfant dans les médias. Il a suffi en effet d’entendre ses propos émouvants et indignés quoique calmes, par exemple sur TF1 ou CNews, pour que dès le lendemain le bon sens et la justice soient restaurés : ce n’est pas à l’enfant harcelé de quitter son établissement mais au harceleur qui trop longtemps a bénéficié d’une impunité. Pourtant ce n’était pas rien : insultes, moqueries, coups jusqu’en pleine classe, au point que cette jeune victime a un jour déclaré, durant un cours, qu’il voulait « mourir pour que cela s’arrête ».

Pour secourir votre enfant, ne quittez pas…

Maël pourra retourner à l’école dès le 6 mars alors qu’il ne pouvait plus y aller depuis le mois de décembre. On ne peut plus tolérer que face à de tels scandales, on oppose seulement un numéro national de référence (3020) pour signaler les harcèlements scolaires. Cela ne sert à rien sinon à s’illusionner : parce qu’on a révélé, on s’imagine qu’une suite rapide et adaptée sera mise en branle. C’est oublier deux choses : les institutions officielles sont lâches, elles détestent plus ceux qui dénoncent le scandale que le scandale lui-même ; et la bureaucratie étouffera jusqu’à l’insupportable les bonnes volontés qui miraculeusement se seraient manifestées.

Face à de tels constats et à des dérives qui se rapportent à tous les secteurs ministériels et à leurs responsables et agents, de bas en haut, il n’est plus possible de se contenter de déplorer, de réagir médiatiquement et de laisser au mieux les immobilismes s’épargner la moindre prise de conscience.

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En admettant la réalité de ce harcèlement, de sa durée, des diverses modalités rapportées par les parents de Maël et de l’incurie qui s’en est suivie, ne faut-il pas envisager une solution plus radicale pour faire bouger des lignes implacablement figées ? Pour Maël, nous avons l’épouse du président de la République, qui avait mis en avant la lutte contre le harcèlement scolaire. Nous avons un ministre de l’Education nationale qui n’aurait pas dû être concrètement étranger à ce fléau et à la situation terrifiante et longtemps prétendue insoluble du jeune Maël. Nous avons les instances administratives intermédiaires qui ont été passives, demeurant dans leur ouate si éloignée des difficultés du terrain. Nous avons un directeur d’établissement, nous avons un corps professoral, nous avons des enseignants dont certains ont sans doute été directement témoins du sadisme du jeune harceleur à l’encontre de sa victime. Nous avons des parents d’élèves qui probablement étaient au fait de cet insupportable harcèlement mais bien sûr cela ne les concernait pas !

Tous responsables ?

Pourquoi ne pas judiciariser toute la chaîne de responsabilités que j’ai décrite ?

Pourquoi ne pas concevoir des procédures individuelles ou de groupe qui pourraient incriminer le délit de non-assistance à enfants en danger ou, ailleurs, à citoyens, qui auraient le mérite de briser net le hiatus si confortable entre ceux qui ont le pouvoir de décider et les acteurs confrontés aux réalités traumatisantes immédiates ?

L’instauration d’une épée de Damoclès dans les reins du pouvoir, à tous ses niveaux, serait salubre, rappellerait l’exigence de l’action et surtout réduirait à néant le système français de l’irresponsabilité. On ne serait plus quitte seulement avec des promesses ! On serait fondé à questionner le ministre, tous les échelons techniquement inférieurs et subordonnés : qu’avez-vous fait de votre devoir, de votre possibilité d’agir ou de réagir ?

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Qu’on ne vienne surtout pas me rétorquer cet alibi de l’inaction : « Je ne peux pas m’occuper de tout, être au courant de tout ! ». C’est la pire des argumentations que celle qui ose affirmer qu’il y a des petites tâches et des grands devoirs, que le pouvoir d’en haut n’a pas à se commettre avec les misérables aléas du bas, que le harcèlement du jeune Maël était une transgression de trop peu d’importance pour oser prétendre à une sollicitude du plus haut niveau…

Bien au-delà de l’Éducation nationale, qu’on songe à la véritable révolution que constituerait ce recours frénétique mais tellement rassurant à la Justice ! Il n’y aurait plus de matelas dans les prisons, plus de voyous libérés avant l’heure et récidivistes et donc de familles dévastées, plus de SDF de plus en plus nombreux dans nos villes, plus de ministres s’occupant de ce qui ne les regarde pas et négligeant l’essentiel… C’est un hommage pervers rendu à la médiatisation que cette heureuse avancée permise par les médias. On ne peut plus laisser les pouvoirs, sous toutes leurs formes et quelle que soit leur place dans cette immense chaîne favorisant impuissance et indifférence, se laver les mains de leur culpabilité de chaque jour !




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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