Accueil Culture Sundown : le lent crépuscule d’un homme pris d’une apathie radicale

Sundown : le lent crépuscule d’un homme pris d’une apathie radicale

Un film dérangeant, mais parfaitement réalisé


Sundown : le lent crépuscule d’un homme pris d’une apathie radicale
© Ad Vitam

Le cinéaste mexicain Michel Franco, est l’auteur de huit longs métrages dont Memory, sortie sur les écrans prévue en 2023. Peu de monde se souvient des beaux films Después de Lucia (2012), Prix Un certain regard au festival de Cannes 2012 ou de Les Filles d’Avril (2017), prix spécial du jury Un certain regard. Ces films dérangeants mettaient le spectateur mal à l’aise par le mélange des sensations de séduction et de répulsion qu’ils pouvaient dégager.


Ce nouveau film présenté au festival de Venise en 2021 juste après que son précédent Nouvel ordre décrié par certains médias ait reçu le grand Prix du Jury à Venise en 2020 (jamais sorti en France pour des raisons liées à la pandémie ou/et idéologiques assez peu compréhensibles).

Sundown a lui aussi été étrillé dans les Cahiers du cinéma et quelques autres médias pour des raisons fort peu objectives, troubles et très rarement d’ordre artistique.

Michel Franco nous conte une histoire tragique : celle de quatre membres d’une famille londonienne très riche, jouissant de leurs vacances de luxe dans un palace doré d’Acapulco. Alice Bennett, ses deux enfants et son frère Neil passent leur journée au soleil, dans l’eau à siroter des bières et des cocktails à la téquila. Alice reçoit un coup de téléphone qui les contraint de rentrer à la maison, dès lors, Neil, célibataire, décide de faire croire à sa sœur et à son neveu et sa nièce qu’il a oublié son passeport à l’hôtel. Il reste seul au Mexique, ne donnant plus aucune nouvelle. Il s’abandonne à une farniente léthargique dans ce paradis pour riches oisif au milieu de la pauvreté. Luxe, calme et volupté côtoient misère, crasse et crimes. Sous un soleil de plomb, la violence va sourdre.

Thriller sec, abrasif, indolent et nerveux, solaire et noir, Sundown est un grand film dépressif servi par la mise en scène rigoureuse et ascétique de ce passionnant cinéaste mexicain et par l’immense talent de ses acteurs, Charlotte Gainsbourg, une nouvelle fois remarquable, qui interprète Alice Bennett, richissime femme un peu perdue mais très rude en affaires et surtout l’excellent Tim Roth, personnage principal de cette fiction. Il joue le rôle du frère Neil Bennett, un homme failli en pleine crise de dissolution physique et morale.

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Michel Franco nous montre par ce nouveau tableau clinique, le malaise moral de notre monde, le violent désordre social qui touche la société mexicaine et le désordre moral qui touche les élites et les miséreux. Il s’attache à décrire avec une réelle froideur, où point une douce compassion, les failles de la psychopathologie individuelle d’un homme défait.

Si le film peut déranger par son ton froid mâtiné de romanesque pervers, il y gagne une force de mise en scène qui laisse advenir les désastres du Mal. Comme un ami, cher de cinéma, Jacques-Émile, je n’ai cessé de penser durant la vision de ce film au fascinant roman attractif et répulsif d’Albert Camus, L’Étranger, l’un des plus beaux de la littérature mondiale selon moi qui a passionné et continue de le faire de nombreux écrivains, cinéastes, artistes… J’ai senti une influence diffuse mais réelle sur cette fiction où comme dans le roman, les rayons aveuglants et maléfiques du soleil dardent Neil, indolent et indifférent aux malheurs et cruautés du monde qui l’entoure.

Métaphore du film, la première image de Sundown est un gros plan sur des rougets, dans un marché d’Acapulco au Mexique. Le soleil éclatant, frappe des rougets en train d’agoniser sur le ponton d’un bateau. La fiction drue et puissante de Michel Franco va montrer le lent crépuscule de Neil, cet homme pris d’une apathie radicale.

Neil comme Meursault n’a rien à se reprocher, comme lui peut-être n’a-t-il plus aucune envie, aucun désir réel ? « J’ai dit que oui, écrit Camus dans L’Étranger, mais que dans le fond cela m’était égal. Il m’a demandé alors si je n’étais pas intéressé par un changement de vie. J’ai répondu qu’on ne changeait jamais de vie, qu’en tout cas toutes se valaient et que la mienne ici ne me déplaisait pas du tout. » La vie de l’anti-héros moderne de Michel Franco n’est plus qu’un lent, violent aussi, mais inexorable désastre crépusculaire. Assurément, Sundown est l’un des plus beaux films de l’année.

Sundown, de Michel Franco, avec Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios, (1h23), en salles depuis le 27 juillet

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est directeur de cinéma.

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