Accueil Culture Rimbaud à la charcuterie

Rimbaud à la charcuterie


Rimbaud à la charcuterie

gerard pussey mandard

Connaissez-vous Georges Mandard, le fils de la charcuterie Mandard, à Melun-lès-Melons ? C’est un personnage des plus intéressants : ce jeune homme est un poète, un poète de sous-préfecture, et le héros de la sotie de Gérard Pussey, Rêves et cauchemars de Georges Mandard. Écrire une sotie n’est plus très fréquent de nos jours. La sotie est un moyen aimable, drôle, fantaisiste et poétique de rendre compte du monde et de l’égratigner au passage. La plus connue de notre littérature est celle de Gide, Les Caves du Vatican.  C’est le seul livre où Gide a de l’humour. Gérard Pussey, qui a beaucoup moins de difficulté avec l’humour, remplit le cahier des charges du genre avec bonheur. Un bonheur décuplé par les délicieux dessins de Philippe Dumas.[access capability= »lire_inedits »]

Le décor, qu’on croirait sorti de Giraudoux ou de Marcel Aymé, désoriente le lecteur qui retrouve les plaisirs démodés de la littérature d’avant. Seulement voilà, le jeune Georges Mandard, qui se déguise en dandy du XIXe siècle, et à qui on promet d’être le « Ronsard du fromage de tête », va connaître des aventures rocambolesques qui renvoient subtilement aux ridicules de notre temps.

Ainsi, il subit un vieillissement accéléré, change de sexe, le retrouve, croise de vrais rebelles de bistrot qui sont contre tout, sans oublier des amours malheureuses avec Micheline, accorte vendeuse dans le commerce familial. Quand il pratique l’alpinisme, c’est avec une actrice qui fait une chute de mille mètres ; quand il va se reposer sous les cocotiers, c’est pour finir dévoré par les anthropophages. Doué pour la résurrection, il subit toutes les métamorphoses et autres avanies en se désespérant surtout de n’être pas reconnu comme un poète. Et ce ne sont pas Sartre et Beauvoir, présents à son chevet pendant une période d’éthylisme aigu, qui vont interrompre ce cycle infernal. Il est bien normal de voir Sartre et Beauvoir quand on boit trop, laisse entendre Pussey, puisque le delirium tremens fait apparaître des araignées, des rats et des cloportes.

Faut-il chercher une morale aux délicieuses variations de Gérard Pussey ? Ce n’est pas une obligation. On pourra néanmoins penser à Georges Mandard comme à l’archétype du raté magnifique, martyr d’une idée absurdement romantique de la poésie. Ce n’est pas Rimbaud qui dira le contraire. Demandez-lui comment il a écrit  Le Bateau ivre, vous comprendrez.[/access]

 

Gérard Pussey, Rêves et cauchemars de Georges Mandard , dessins de Philippe Dumas (Castor Astral).

 

*Photo : Delicatessen.

Eté 2013 #4

Article extrait du Magazine Causeur



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Slowez-moi !
Article suivant Le carnaval Galliano

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération