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Ne laissons plus les GAFA nous voler nos vies!

«La guerre de l’attention, comment ne pas la perdre» : un livre essentiel


Ne laissons plus les GAFA nous voler nos vies!
Image d'illustration Unsplash

Yves Marry et Florent Souillot nous donnent les clés pour comprendre le capitalisme attentionnel dans un essai aussi passionnant qu’effrayant quant à notre devenir d’êtres hyperconnectés.


Alors que la guerre fait rage au cœur de l’Europe, qui se croyait à l’abri des conflits pour les siècles à venir, une autre guerre – tout aussi difficile et dont l’issue est incertaine – se déroule sur un terrain bien différent, et c’est une guerre qui nous concerne tous. Cette guerre a pour enjeu une ressource encore plus vitale que le gaz naturel russe ou les minerais du Donbass, ressource qui a pour nom l’attention. C’est en effet pour capter notre attention que des sociétés géantes internationales déploient des efforts considérables et consacrent des dépenses non moins considérables.

Siège de Google à Mountain View aux Etats-Unis © SIPANY/SIPA

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Une nouvelle économie

“Parler de capitalisme attentionnel« , écrivent les auteurs de La guerre de l’attention, Yves Marry et Florent Souillot, “c’est d’abord rappeler la place essentielle qu’occupe notre attention comme ressource capturée et exploitée par les acteurs du numérique, à l’instar de l’eau ou du pétrole dans d’autres secteurs”. C’est ainsi que la révolution numérique et l’apparition des écrans omniprésents dans notre vie quotidienne ont donné naissance à une nouvelle branche de l’économie, l’économie de l’attention.

Un chapitre éclairant de leur livre s’intitule “La captologie : petit manuel des voleurs d’attention”. La captologie ou « science de la technologie persuasive » est née dans l’université de Stanford, où elle est enseignée depuis 40 ans. Cette pseudo-science emprunte notamment au marketing et aux sciences cognitives. Stanford, expliquent les auteurs, est devenue une véritable “église” de la captologie, dont les apôtres ont pour devise “We change the World”. Mais la thèse principale du livre dépasse de loin les seuls enjeux économiques ou théoriques de la guerre pour l’attention.

Rupture anthropologique

Si celle-ci a effectivement changé le monde, et pas dans un sens positif, elle est surtout sur le point de modifier fondamentalement l’être humain lui-même. Les processus de captation et de manipulation de l’attention entraînent en effet une véritable “rupture anthropologique”, car la puissance des outils technologiques au cœur de cette entreprise a pour corollaire une impuissance grandissante des hommes, qu’avait déjà entrevue en son temps le philosophe Günther Anders. Cette rupture anthropologique se traduit par l’émergence d’un Homo numericus qui est d’ores et déjà bien différent de l’être humain, tel qu’il a existé depuis des siècles.

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“Notre dépendance croissante aux écrans”, mettent en garde les auteurs, risque de “nous faire perdre notre liberté et même une part de notre humanité”, en modifiant notre “être au monde”. C’est sans doute l’aspect le plus effrayant de cette révolution qui a lieu sous nos yeux et dont ne mesurons pas encore toutes les conséquences. La révolution numérique a donné naissance à des “hommes de plus en plus machinaux et à des techniques de plus en plus ‘humaines’”. Cette réalité paradoxale, déjà entrevue il y a longtemps par des observateurs lucides de la civilisation technique, engendre un homme “déclassé” et diminué, contrairement aux promesses mensongères de “l’homme augmenté” par la technologie.

La dernière partie du livre est consacrée aux “politiques de protection de l’attention”. Les auteurs revendiquent ainsi la création d’un véritable “droit à la protection de l’attention”, pour les enfants et pour l’ensemble de la société. Parmi les nombreuses mesures qu’ils préconisent, citons la protection des enfants contre la surexposition aux écrans, la régulation et la taxation de la publicité en ligne, ou encore le remplacement des écrans par des livres plutôt que l’inverse.

Certaines de ces mesures paraîtront utopiques au lecteur. Mais le constat établi par les auteurs est indiscutable et inquiétant.

Yves Marry et Florent Souillot, La guerre de l’attention, comment ne pas la perdre, éditions L’échappée 2022.

La guerre de l’attention: Comment ne pas la perdre

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