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Sous le pont Mirabeau ne coule pas le fleuve Congo

La France, sa part d'africanité et le piège du wokisme


Sous le pont Mirabeau ne coule pas le fleuve Congo
Le président Macron arrive au sommet France-Afrique, Montpellier, 8 octobre 2021. "On ne peut pas avoir un projet d'avenir pour la France si elle n'assume pas sa part d'africanité", a-t-il affirmé plus tard, soulignant que "près de sept millions de Français sont intimement liés à l'Afrique". © DANIEL COLE / POOL / AFP

Pour le président de la République, la France doit assumer sa “part d’africanité”. Jean-Luc Mélenchon rebat sans arrêt les oreilles à ses électeurs du concept artificiel de “créolisation”. Mais beaucoup de citoyens aimeraient déjà que le pays retrouve toute sa francité !


« Nous devons assumer notre part d’africanité » a lancé, récemment, Emmanuel Macron. La réponse se trouve chez de grand poètes francophones.

Dans le recueil Ethiopiques, (1956) de Léopold Senghor, ancien président du Sénégal, le poème d’ouverture, l’Homme et la bête, « pour tabala ou tam-tam de guerre », évoque la genèse d’une nature, hostile et luxuriante, où résonne d’emblée « le long cri de comète qui traverse la nuit / Sous l’arc-en-ciel des sept voyelles.» Aux Ethiopiques, fait écho le cri de révolte, superbe, la plupart du temps, de Cahier d’un retour au pays natal (1947) d’Aimé Césaire. Si Léopold Senghor qui se disait « nègre et francophone », rend un hommage fervent aux langues africaines agglutinantes, se plaisant à établir un lien entre l’aède grec et le griot, c’est pour insister sur ce point : « La priorité revient à la maîtrise du langage et de la langue. » Ce n’est pas par hasard si le poète et président, agrégé de grammaire, est passé par « La Grande école » : la Faculté. La tentation néfaste, c’est de désunir des voix différentes — qui n’éludent pas la complexité de « la négritude » — mais écrivent dans la même langue.

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La créolité, un concept fumeux

Or, depuis quelques années, idéologues et politiques nous abreuvent du destin fantasmé d’une France, qui serait vouée au métissage et à la créolité. Né au XVIème siècle, le créole, on le sait, est le métissage de plusieurs dialectes surtout africains. Il prend tout naturellement sa place dans notre langue. Mais le créole n’est pas « la créolité » vue par Attali et Mélenchon. C’est Edouard Glissant qui, au tournant des années 60, a créé, avec son livre, Tout-Monde, ce concept artificiel d’une nouvelle présence au monde, de langues et de cultures qui s’interpénètreraient. Du coup, la langue féconde dont avaient rêvé des poètes français et francophones, dans les années 60, unissant les continents—non pas les diluant—est devenue, en France, le terreau d’une idéologie indigéniste et woke qui s’en prend à la  blanchitude  de notre culture gréco-romaine.

Edouard Glissant © BALTEL/SIPA Numéro de reportage: 00613473_000005

Disons-le tout net. La vocation de notre langue est non pas  « d’évoluer » —mot dénué de sens— mais d’être féconde. Par définition, elle l’est, puisqu’elle se donne en partage à qui veut la connaître et l’aimer. Elle a accueilli des mots arabes, espagnols, italiens, anglais. Le créole ne fait pas exception. Encore faut-il ne pas faire fi de ses origines ni de son histoire. Le président Macron devra s’en souvenir quand il prendra bientôt la tête de la Présidence du Conseil européen et rappellera à Madame Ursula von der Leyen la vocation diplomatique du français, ainsi que le plurilinguisme obligé de la langue de travail des institutions européennes. Quant à la francophonie, elle ne sera féconde, dans une Afrique, encore anglophone et francophone, que si le français garde sa vigueur. Alors se fera un échange entre oralité et images, dialectes africains et écriture. Mais si notre langue s’efface, d’autres prédateurs sont présents, sur le sol africain, autrement plus avides que ne le fut aucun des temps passés.

Envoyer paître les déconstructeurs

Le poète Senghor, qui s’est toujours voulu « un ambassadeur du peuple noir et de la négritude debout » ne se reconnaîtrait pas dans les idéologies racialistes d’un pays à qui il doit sa culture et sa langue sans avoir jamais renié son origine. C’est à l’école, petite et grande, que se joue l’avenir de la France et de la francophonie, où l’on ne sait souvent plus parler ni écrire notre langue. 

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Cédant à son tempérament, aux modes, à l’électoralisme, victime d’un « en même temps » mollasson, le président Macron, Canadien avec Trudeau, Africain en Afrique, de nulle part, ailleurs, flatte un électorat protéiforme. Fluide gender, ici, anywhere partout, soumis à l’empire anglo-américain, il fait feu de tout bois selon les circonstances. Sauf qu’on ne refait pas l’histoire mondiale. Scipion l’Africain appartenait à la gens Cornelia et « L’Africain » est son surnom. 

Au moment où la déconstruction mine la France, revenons à la raison, la seule révolution permanente qui vaille. Ce dont on a besoin, c’est de culture, dont témoignaient les poètes de « la négritude. » On a tous une part d’africanité comme de Tennessee ? Why not ? Mais la langue française n’est pas née en Afrique. Combourg, n’est pas Tombouctou. Sous le pont Mirabeau ne coule pas le fleuve Congo.

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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