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Transition énergétique ou… chinoise?

En partenariat avec la revue "Conflits"


Transition énergétique ou… chinoise?
Unités 1-6 de la centrale nucléaire de Tianwan, Lianyungang, Chine - 18 avril 2021 © Wang Chun / Costfoto/Sipa USA Numéro de reportage : 33015832//2104181047/Conflits

À en croire la majorité des politiques européens et des médias, nous serions en train de basculer du vieux monde de l’énergie vers celui de la transition énergétique. Penser qu’une politique aussi cruciale que la politique énergétique puisse se résumer au slogan simpliste « Sauver la planète » témoigne d’un manque de vision de la marche du monde…


Espérer que l’urgence climatique pourra tout faire changer rapidement est naïf, car l’unité de temps du système énergétique est au mieux la décennie.

La transition énergétique politique appelée aussi décarbonation est un vœu pieux qui ne se réalisera pas pour une série de raisons que nous voulons résumer dans cette tribune. Cette affirmation semblera saugrenue tant elle va à contre sens de la pensée dominante. Une tribune ne peut démontrer, mais seulement alerter. Le lecteur pourra se référer s’il le souhaite aux démonstrations qui se trouvent dans une quinzaine de livres et de nombreuses tribunes.

La demande en énergie ne peut que croître

L’énergie c’est la vie. Tout — absolument tout — ce que nous faisons consomme de l’énergie. Même notre alimentation est une consommation d’énergie dont notre corps a besoin pour vivre. Nous avons appris au cours de physique que l’énergie est la même notion que le travail, c’est-à-dire ce qui permet de déplacer une force (un poids). Sauf à mourir de faim, il faut travailler et donc il faut de l’énergie. Dans le temps, l’énergie était fournie par la force des animaux ou de l’homme. Pour la cuisson on utilisait ce qu’on appelle aujourd’hui bioénergie, c’est-à-dire le bois. Grâce à la révolution énergétique, on a complètement changé le monde. Aujourd’hui certains qui n’ont jamais retourné à la bêche un lopin de terre prônent le retour à « l’énergie musculaire ». C’est leur choix. Il est respectable, tant qu’ils ne l’imposent pas.

On estime pour l’instant qu’il y a dans le monde 1,3 milliard d’humains qui n’ont pas accès à l’électricité dont 290 millions en Inde. Pour la cuisine, 40 % de la population mondiale dépend des énergies renouvelables : bois vert, charbon de bois, ou bouses séchées. Cela brûle en dégageant des fumées toxiques qui causent des pollutions atmosphériques et des décès prématurés. Il y a une urgence d’électrifier l’Afrique comme je l’ai écrit dans un livre en 2019.

Leur recherche de qualité de vie et leur démographie galopante induisent une augmentation de la consommation d’énergie. Les dirigeants de ces pays — Inde en tête — le savent et n’ont qu’un souci : croître et donc consommer de l’énergie, celles peu chères que nous avons nous-mêmes utilisées pour assurer notre développement : énergies fossiles et nucléaires.

La question énergétique n’est pas née avec la décarbonation

La transition énergétique n’est pas une nouvelle quête. Ce qui est nouveau c’est de l’appeler décarbonation, c’est-à-dire abandonner complètement les énergies fossiles. Après la Seconde Guerre mondiale, la période de croissance économique et de développement sociétal a permis une évolution extraordinaire de la qualité de vie des Européens. Elle a été brusquement arrêtée par la première crise pétrolière de 1973 ; la seconde de 1979 a eu un retentissement bien plus fort. Pour répondre à une pénurie de pétrole de nature géopolitique, l’OCDE s’est organisée, notamment en créant l’Agence internationale de l’énergie et la constitution de stocks de pétrole et produits pétroliers équivalents à 90 jours de consommation. On lance à l’époque l’idée des économies d’énergie et des « énergies alternatives » comme on appelait alors les énergies renouvelables. Ça n’a pas bien fonctionné. Le vrai changement a été l’arrivée de l’énergie nucléaire.

L’énergie nucléaire, seule vraie solution de la transition énergétique

Après avoir lancé la CECA, les six ministres des Affaires étrangères des pays fondateurs se retrouvent à Messine le 1er et 2 juin 1955 pour décider de l’avenir de la Communauté. Ils décident de lancer la création du Marché commun et l’Euratom, c’est-à-dire la communautarisation de l’électricité nucléaire civile. Ils ont compris que l’avenir de cette nouvelle communauté nécessitera de l’« énergie abondante et bon marché ». Les Six lancent une transition énergétique qui n’a plus jamais été égalée. Des plans ambitieux sont mis en œuvre et lorsqu’éclatent les crises pétrolières les centrales arrivent à temps.

Cela a permis à la France d’être le leader européen de l’énergie nucléaire. Je renvoie le lecteur au numéro de janvier/février de 2021 de La Revue de l’Énergie qui a publié mon article « L’enjeu géopolitique de l’énergie nucléaire et le gâchis européen » qui démontre que la géopolitique de l’énergie nucléaire civile ne s’embarrasse pas des états d’âme de certains européens : Russie, Chine et États-Unis (Joe Biden suivant Donald Trump) foncent vers l’électrification du futur proche. Mais la Chine ne mise pas uniquement sur l’électricité nucléaire.

La Chine mise sur le pétrole

En 2020, la Covid a pratiquement arrêté l’économie mondiale. Pourtant, selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation de pétrole en passant de 100 millions de barils par jour (Mb/j) en 2019 à 91,0 Mb/j n’a baissé que de 10 %. Elle a déjà rebondi à 93,9 Mb/j au premier trimestre de 2021 et devrait atteindre 99,2 Mb/j au quatrième trimestre de 2021. Pourquoi ? Parce que le malaimé pétrole reste incontournable. Les énergies fossiles sont perçues en France et dans l’UE plus généralement comme étant le passé, que ce soit à cause des émissions de CO2 qu’elles génèrent, mais aussi pour l’indétrônable perception qu’« il n’y a plus de pétrole ».

Lors des crises pétrolières que l’on vient d’évoquer, les réserves de pétroles étaient de 90 milliards de tonnes (Gt) et auraient dû être épuisées en 2000 ; elles sont aujourd’hui de 244 Gt et devraient être épuisées dans 55 ans. Les mêmes raisons qui ont créé la croissance des réserves sont encore présentes aujourd’hui et plus affirmées encore: nouvelles technologies et nouveaux territoires. Je renvoie le lecteur à mes nombreux écrits en la matière.

D’ailleurs, la Chine qui ne s’embarrasse pas de la transition énergétique est très active pour s’approprier des réserves pétrolières là où elle le peut. China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) est le bras du parti communiste chinois chargé de coopérer avec de grandes compagnies internationales et d’acheter des concessions à l’étranger. Vu son importance stratégique, en décembre 2020 l’Administration Trump a ajouté CNOOC dans la liste noire « Communist Chinese Military Companies ». Selon Forbes, les sanctions qui frappent la Chine et l’Iran poussent ces deux pays à un accord de 400 milliards de dollars. L’Iran a besoin de vendre d’urgence du pétrole pour ne pas suffoquer et la Chine a besoin de pétrole pour assurer sa croissance économique pour atteindre l’objectif du parti communiste : être la première puissance mondiale avant 2050.

La Chine mise sur le gaz naturel

Le pétrole est incontournable, mais la surprise de l’énergie est le gaz naturel. Cette énergie est très peu polluante, très abondante, disponible, bon marché et multi-usages. De nouveaux pays deviennent exportateurs de gaz naturel concurrençant ainsi les exportateurs historiques (Russie, Norvège, Algérie, Qatar, Indonésie, etc.). Les États-Unis peuvent exporter du gaz de roche mère (de schiste) à un prix concurrentiel au point qu’ils essayent d’interdire la construction du gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne. L’Australie devient un important pays exportateur pour le Sud-est asiatique tellement il dispose de réserves gazières. Le Mozambique, deuxième pays le plus pauvre au monde, se prépare également à exporter du gaz à partir de son gisement Rovuma, dans lequel l’entreprise publique chinoise CNPC a investi. Plus proche de nous, ce qui se passe en mer du Levant illustre bien la révolution en cours en matière de gaz naturel. Israël qui ne disposait pas d’énergie primaire est déjà un exportateur de gaz vers la Jordanie et se prépare à exporter bien plus encore. Ce n’est pas pour s’intéresser à la sardine que la Turquie de R. T. Erdogan veut s’approprier une partie de cet espace maritime.

Le gaz naturel lorsqu’il est liquéfié (GNL) transporté par méthanier devient une énergie qui ressemble au pétrole. Libéré de la contrainte du tube qui lie un producteur à un consommateur et vice versa, le GNL permet la fluidité et le dynamisme dans un marché du gaz en pleine croissance.

La Chine l’a bien compris…

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Samuel Furfari est professeur en géopolitique de l’énergie à l’Université Libre de Bruxelles, docteur en Sciences appliquées (ULB), et président de la Société Européenne des Ingénieurs et Industriels.

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