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« The Crown », one more time

Saison 4


« The Crown », one more time
Gillian Anderson. © Netflix

La série Netflix sur Elisabeth II continue de remporter tous les suffrages dans une quatrième saison où le sentimental et le politique s’imbriquent plus que jamais.


Depuis 2016, la série Netflix The Crown, qui retrace le règne d’Elisabeth II, a toujours fait l’unanimité : excellents acteurs, précision de la reconstitution historique, finesse de l’analyse politique. La saison 4 rentre dans le « dur », dans la cicatrice encore béante du règne Thatcher et de la romance ratée à la fin tragique de Diana et Charles qui fait scandale.

Trier le vrai du faux ?

La famille royale a même fait pression auprès de notre juke box à séries préféré pour qu’un avertissement soit mis en place : ceci est une fiction romancée et pas un documentaire. Heureusement, la plateforme a refusé. Quel siècle à avertissements ! Et la presse, de Slate à Madame Figaro, de trier le vrai du faux. Elisabeth et Maggie se détestaient-elles vraiment ? Charles aurait-il vraiment émis le souhait de devenir le tampon hygiénique de Camilla ? Andrew était-il le fils préféré de sa majesté ?

Je dirais peu importe, et bien au contraire, tant mieux. La part de fiction (la vie sans la fiction serait invivable) fait ressortir l’essence même de ce second règne élisabéthain. Les Windsor sont rock’n’roll, shakespeariens et pop. Depuis son couronnement le 2 juin 1953, où les familles britanniques fauchées d’Après Guerre se saignèrent aux quatre veines pour faire l’acquisition d’un téléviseur afin de regarder en direct leur Reine revêtir sa couronne, Elisabeth II appartient corps et âme à ses sujets. Ils se la sont appropriée, et pas l’inverse. Les Windsor, comme le dit dans un des épisodes le personnage qui incarne Charles, sont « indispensables et superflus ». Ne le sommes-nous pas tous ?

Maggie, aristo subtilement déjantée

Mais surtout, depuis l’abdication d’Edouard VIII en 1936 qui préféra suivre son influenceuse américaine et divorcée Wallis Simpson que de régner sur ce qui était encore un Empire, les Windsor, qui ont essuyé toutes les tempêtes, furent furieusement des enfants du siècle passé.

Ils n’ont jamais vécu dans une Tour d’Ivoire mais dans l’oeil du cyclone. Swinging London Swinging Windsor. Le décorsetage de l’Empire Britannique dans les 60’s qui de victorien devint beatlesque en quelques semaines n’épargna pas les Royals. Même si Edouard et son américaine avaient déjà donné le ton avant guerre.

Margaret, la sœur cadette d’Elisabeth fut la première enfant terrible de la famille, elle eut la vie sentimentale d’une star hollywoodienne: on lui refusa d’épouser le Capitaine Townsend qui était divorcé, elle se rabattit donc par dépit sur Anthony Armstrong Jones dont elle divorça à son tour en 1978 (le fatum pointe déjà le bout de son nez).

On lui prêta par la suite beaucoup d’amants lors de ses séjours aux îles Moustiques, et on l’imagine faisant la fête avec Mick Jagger qui possédait une maison sur cette île privée de l’archipel des Grenadines. Dans la série, elle est superbement interprétée par Helena Bonham Carter qui fait d’elle une aristo subtilement déjantée, tabagique et alcoolique, mais surtout désabusée et se sentant, au sein de cette famille, plus superflue qu’indispensable. Sans surprises, Charles, autre ovni des Windsor, adorait son Auntie Margaret qui mourut en 2002 d’avoir trop vécu.

Être heureux en amour ? Quelle idée saugrenue !

Car les Windsor ont ce désir saugrenu d’être heureux en amour. Amour qui empoisonne les femmes et les familles royales. Charles s’y employa, et finit par y parvenir au prix de la tragédie que l’on sait. En 1970, il rencontre Camilla Shand, (future Parker Bowles) dont la grand-mère Alice Kepel fut la maîtresse du Prince de Galles Edward à la fin du XIXème siècle. « Instant Karma » dirait John Lennon. Charles tombe à jamais sous le charme de celle que les tabloïds qualifiaient de laide, mais qui à mon sens était aussi sexy que witty (état d’esprit british intraduisible). Il finit par l’épouser en 2005.

Mais Charles, toujours célibataire à 30 ans, dû épouser Diana Spencer. Sans me mettre dans la peau d’une midinette chroniqueuse à Point de vue Images du monde, (quoique), nous pouvons affirmer que cette alliance entre cette jeune fille qui ne voulait que danser et faire du rollers dans les couloirs de Buckingham et cet homme torturé qui ne voulait pas être roi fut désastreuse.

Diana ébréchée

La façon dont le personnage de Diana est traité dans la série ne plaît pas. Rien de plus normal, on ne touche pas aux idoles sans les ébrécher.

À mon sens, Diana fut à la fois une groupie, elle l’aime son Prince, rencontré pour la première fois alors qu’elle virevoltait déjà, en costume d’elfe du « Songe d’une nuit d’été », et elle lui lance force œillades en dessous. Mais la connexion ne se fait pas. De groupie elle devient donc rock star. Lui vole la vedette, cet homme qui ne sera jamais roi devient prince Consort. Elle est acclamée de Sydney à New-York, fait avec sincérité des tournées caritatives, se donne en spectacle dès qu’elle le peut. Car elle n’a jamais voulu que ça. Être dans la lumière. Elle l’est pour l’éternité. « Candle in the wind », écrivit Elton John en 1977 en hommage à Marilyn, en 1997 il offrit et interpréta la chanson pour Diana. Destins similaires.

God save the Queen: le duel avec la Dame de fer!

Et la Reine dans les imbroglio amoureux de cette saison 4 ?

Elle apparaît comme une figure presque tendre face à la Dame de fer, la fille d’épicier. Elle a l’assurance d’une Churchill rose bonbon lorsqu’elle lui donne son avis aux sujets des Malouines ou de l’apartheid en Afrique du Sud. Maggie lance à Elisabeth « Il est hors de question que je négocie avec des chefs de tribus aux tenues excentriques ». Et la Queen de répondre : « Que suis-je ? Sinon un chef de tribus aux tenues excentriques ? ».

L’ère Thatcher est traitée avec justesse, car si selon Winston Churchill, « le socialisme fait souffler un vent glacial », le libéralisme peut faire souffler un vent sibérien pour les plus pauvres. La Reine semblait posséder cette « common decency » qui manquait terriblement à Miss Maggie.

« God save the Queen/the fascist regim » hurlait Johnny Rotten, le chanteur des Sex Pistols sur une péniche le 7 juin 1977, pour le jubilé d’argent d’Elisabeth. Ce geste provocateur et spectaculaire est finalement un formidable hommage. Le terme est ô combien galvaudé, mais que sont les Windsor sinon des punks ultimes ? Et les punks ont maintenant rejoint les membres de la famille royale sur les mugs que l’on vend dans les boutiques de souvenirs pour touristes. This is England.



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est enseignante.

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