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Cécile Duflot recycle ses collègues


Cécile Duflot n’est plus la patronne des Verts. Dorénavant, dans le civil, son job à plein temps, c’est faire ministre de l’Écologie. Ah, non, rectifions : elle s’occupe du Logement. Mais bon, l’embrouille est humaine. A l’Élysée aussi bien qu’à Matignon, on s’était dit : « Une écologiste à l’Écologie, c’est trop peu vraisemblable. C’est comme si on mettait un économiste à l’Économie et aux Finances. » On y a mis Pierre Moscovici. Il n’y entrave rien. C’est pas grave, ce n’est pas son rôle non plus.

Donc, Cécile Duflot se retrouve ministre du Logement. Et comme les journalistes ne sont rien qu’une bande d’Apaches, ils s’y sont mis à trois – RTL-LCI-Le Figaro – pour la faire comparaître, dimanche soir, devant un Grand Jury. Les questions ont fusé.

On lui a, par exemple, demandé si les autorisations de forage accordées en Guyane par l’État à Shell était les bienvenues. On ne sait pas ce qui s’est passé – s’était-elle fait raboter le palais –, mais elle fit preuve de la plus admirable langue de bois. Du jamais vu depuis que Haroun Tazieff, alors secrétaire d’Etat chargé de la Prévention des risques naturels et technologiques majeurs au sein du gouvernement Chirac, acquiesça aux propos du ministre de l’Agriculture de l’époque, François Guillaume : « Le nuage s’est arrêté au Rhin. » Encore que, en matière écologique, nul besoin de titiller les doigts de pied des morts. Il suffit de se souvenir de ce que Dominique Voynet, ministre de l’Écologie sous Lionel Jospin, disait du naufrage de l’Erika : « Ce n’est pas la catastrophe écologique du siècle. » Dominique Voynet n’est pas non plus une catastrophe, mais elle y contribue.

Donc, le propre d’un écologiste, lorsqu’il se retrouve ministre, c’est de fermer sa gueule. Jean-Pierre Chevènement avait érigé, en 1983, la maxime « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme ça gueule » en dogme républicain. Force est de constater que les Verts français l’ont légèrement amendé : « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça ferme sa gueule. »

Et sa « gueule » ministérielle, Cécile Duflot l’a fermée, dimanche soir, plus que de raison. Lorsque les journalistes l’ont questionnée sur le mini-remaniement ministériel survenu à l’issu des législatives et qui aura vu Nicole Bricq passer du ministère de l’Écologie à celui du Commerce extérieur, Cécile Duflot a eu ce mot, admirable entre tous : « Elle m’a dit qu’elle avait eu une promotion et je pense qu’elle l’a vécu comme tel. »

A ce stade-là, on ne peut décemment parler de langue de bois. C’est de l’ébénisterie d’art. Cécile Duflot est à la politique ce qu’André-Charles Boulle était au mobilier : elle y va, ne craint rien, ose tout. Parfois, elle frôle le ridicule, mais le ridicule n’est jamais trop éloigné du rococo. Du moins quand il s’agit de commodes. Pour le reste…

Justement, pour le reste, Cécile Duflot confirme la loi suivant laquelle un écologiste demeure écologiste jusqu’à ce qu’il arrive au pouvoir. Quand il y est installé, il se recycle. Ce qui, quand on y pense bien, reste l’attitude la plus écologique qui soit.

Mais on n’aura jamais vu – cette novation, personne ne pourra jamais la retrancher à Mme Duflot –, une écologiste concéder que le ministère du Commerce extérieur représente un mieux-aller par rapport à celui de l’Écologie. Rien n’empêchait Mme Duflot de simplement confesser sa perplexité par rapport à l’éviction de Nicole Bricq du ministère de l’Écologie. Personne ne lui en aurait tenu rigueur : un ministre peut bien être perplexe sur les choix du chef du gouvernement et du chef de l’État… Evidemment, une telle attitude n’aurait pas cassé des briques, elle aurait juste épargné à Cécile Duflot de casser Bricq…

Il n’en demeure pas moins que, sur le fond, les propos de la ministre du Logement sont d’une portée singulière : elle nous apprend que le Commerce extérieur, qui, par le passé, fut souvent cantonné à un secrétariat d’État tout rabougri – on se demande bien pourquoi –, surpasse en honneur et en dignité le ministère de l’Écologie, qui ne sert désormais plus à grand chose, même pas à freiner l’appétit de grandes compagnies qui, non contentes de vouloir forer au large de la Guyane, participent aujourd’hui à la redistribution des rôles au sein du gouvernement de la République…

J’en viens à penser qu’Eva Joly a dégoûté tout le monde de l’écologie. Tout le monde, y compris Cécile Duflot.

*Photo : Parti socialiste



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