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Quand Hitchcock filmait « La Loi du silence »

La force du pardon divin


Quand Hitchcock filmait « La Loi du silence »
La loi du silence (1953)

 


Les yeux encore embués de larmes par les mélodies de l’immense Christophe, je tenais à revenir sur l’un des chefs-d’œuvre de Sir Alfred Hitchcock, I Confess (La Loi du silence, 1953) adapté d’une pièce de théâtre de Paul Anthelme, Nos deux consciences, parue en 1902.


Québec, une nuit le père Logan (Montgomery Clift), prêtre catholique surprend son sacristain Otto Keller (réfugié allemand, interprété par Otto Eduard Hasse) en détresse dans l’église. Entendu en confession par le prêtre, il lui avoue qu’il vient de tuer l’avocat Villette. L’enquête est menée par l’inspecteur Larrue (Karl Malden). Suite à ses observations et à des témoignages, il soupçonne Logan qui partage avec Ruth Grandfort (Anne Baxter) un secret pouvant s’avérer compromettant.

La grandeur de la foi

Issu d’une famille catholique fervente, Alfred Hitchcock croyant et pratiquant, revient dans ce long-métrage sur des thèmes majeurs dans son œuvre: la faute, la culpabilité, la figure de l’innocent accusé présente dans Le Faux coupable (1957) mais aussi dans The Lodger (1926), Les 39 marches (1935), Jeune et Innocent (1937), Frenzy (1972)…


Mais dans La Loi du silence, une fois n’est pas coutume, Hitchcock associe à la défaillance et la dureté de la justice humaine, la force et le pardon de la justice divine. Il aborde la question de la Foi, d’une manière radicale, frontale avec un grand sens de l’ascèse et de l’efficacité dans sa mise en scène. L’intrigue policière du film repose sur un postulat appartenant aux règles de l’Église catholique (le secret de la confession) et sur la droiture morale du père Logan. « Nous savons, nous les catholiques, qu’un prêtre ne peut pas révéler un secret de la confession, mais les protestants, les athées, les agnostiques, pensent : « C’est ridicule de se taire ; aucun homme ne sacrifierait sa vie pour une chose pareille » confiait-il ainsi à François Truffaut dans un livre d’entretiens paru en 1966 aux éditions Robert Laffont.

Une des œuvres les plus sombres de Hitchcock

Le cinéaste a le génie de centrer son film sur la confession. Le meurtrier se confesse au prêtre. Ruth Grandfort confesse à son mari Pierre puis à l’inspecteur et au procureur son secret d’amour pour le père Logan. Le prêtre doit rendre des comptes à la police et à la justice… C’est l’une des œuvres les plus sombres de Hitchcock. Logan, un prêtre habité, complexe, marqué par une douleur muette – sans doute due à ce qu’il a vécu comme soldat engagé pendant la guerre 39/45 – va accomplir un véritable parcours christique. Des crucifix présents dans de nombreux plans et une scène faisant référence à la passion du Christ – celle où le prêtre, accusé, déambule dans la ville, dominé par une grande statue de la passion du Christ, nous rappellent le sacrifice de Jésus pour racheter les péchés des hommes. Le père Logan, exemplaire, est prêt à donner sa vie pour demeurer fidèle à sa foi. Pour cela, il va subir les jugements du tribunal, le mépris et la haine populaire. Mais, il mène, infaillible, un combat contre les forces des ténèbres. Le meurtrier Otto Keller, machiavélique, est sous l’emprise de Satan. L’amour et la miséricorde du prêtre lui permettront de recevoir le pardon divin.

Beauté plastique

La Loi du silence est aussi un vrai film policier de suspense hitchcockien comportant plusieurs séquences d’une grande force expressionniste. Dans la première scène, lorsque le meurtrier, Otto Keller, sort de la maison de l’avocat, sa silhouette se découpe, immense, et diabolique, évoquant celle de M le maudit de Fritz Lang. Les scènes où l’inspecteur Larrue, teigneux, anticlérical et opiniâtre – le meilleur policier de toute l’œuvre du cinéaste – mène une enquête implacable et précise, sont passionnantes. Jamais le suspense ni la tension policière et judiciaire ne faiblissent.

La Loi du silence, curieusement considérée comme une œuvre mineure du cinéaste, souvent mal comprise, s’avère être un superbe film métaphysique d’une intensité dramatique et d’une beauté plastique fascinante grâce à une thématique éminemment hitchcockienne (le faux coupable), à la photographie noir et blanc très expressive de Robert Burks (chef opérateur sur douze des grands films de Hitchcock ), aux interprétations inoubliables et troublantes de Montgomery Clift et Anne Baxter, et au jeu précis et concis de Karl Malden et Otto Eduard Hasse.

A revoir !


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est directeur de cinéma.

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