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François Bott ou la liberté du goût


François Bott ou la liberté du goût
François Bott. Sipa/BALTEL. Numéro de reportage : 00625285_000023

Avec un recueil de critiques littéraires et un autre de nouvelles, François Bott nous gâte. Son élégance érudite est un bonheur.


On a tendance à oublier, ces temps-ci, que la littérature est d’abord une affaire de goût. On aime, ou on devrait aimer les écrivains, pour le plaisir qu’ils nous donnent. Le problème est que la littérature, aujourd’hui, est devenue un champ de bataille comme les autres. On ne finira par lire que les livres écrits par ceux qui mettent dans l’urne le même bulletin que nous. La littérature s’est idéologisée, au plus mauvais sens du terme, et la critique littéraire, dans la presse, a de fait perdu une certaine liberté d’esprit. François Bott, lui, a dirigé les pages littéraires de L’Express et du Monde a une époque, déjà lointaine, où on ne vérifiait pas les papiers d’identité des auteurs qu’ils soient vivants ou morts car on sait que désormais même les auteurs morts peuvent être convoqués, à l’occasion d’une réédition ou d’une commémoration, devant ces nouveaux tribunaux populaires que sont les réseaux sociaux.

Une promenade entre Descartes et Valéry

François Bott publie d’ailleurs aujourd’hui un livre délicieux qui prouve qu’il est encore possible d’aimer des écrivains à proportion de ce qu’ils nous donnent et non de qui ils sont. On recommandera donc vivement Il nous est arrivé d’êtres jeunes qui est un herbier charmant, érudit et léger. En deux ou trois pages à chaque fois, d’Aragon à Stéphane Zweig, il réussit à nous donner envie de lire ou de relire. Ici, il imagine une promenade entre Descartes et Valéry et « Tant pis pour le décalage horaire, la différence d’âge, la différence de siècle. »  C’est que la littérature est une machine à remonter le temps, pour François Bott. Il se souvient ainsi du hussard Nimier et de son livre le plus méconnu, Traité d’indifférence : « Ce prétendu éloge du détachement nous rappelle surtout que Nimier avait l’art des commencements qui vont vite. » et Bott de citer la première phrase du Traité d’indifférence : « Nous savons à peu près que nous sommes en vie. » Tout, bien entendu est dans cet « à peu près ».

Mais continuons de feuilleter. Tiens, Jean-Paul Sartre… Il n’était pas franchement la tasse de thé de Nimier même s’il lui dédicaça L’étrangère, son premier roman, sans doute ironiquement. Que nous dit Bott de Sartre ? Il rappelle qu’il n’est pas pour rien dans « la guerre civile » qui enflamma la littérature française d’après-guerre, sans atteindre, pourtant, la violence d’aujourd’hui. Alors que les événements qui avaient vu les écrivains se répartir entre collaboration et résistance étaient pourtant plus proches. Mais Bott nous rappelle que Sartre est aussi l’auteur des Mots, une des plus belles autobiographies de la langue française et qu’il est aussi celui qui savait aimer ses amis, comme Nizan. Vertu assez rare qui fait dire à Bott : « Sartre for ever ».

Sartre… et Drieu

Et pourtant, cela ne l’empêche pas d’admirer Morand, « Les départs le délivraient de la pesanteur, comme les amants le matin des coups de foudre » ou Drieu : « Même lorsqu’il manquait de jugement, Drieu avait de la plume. » Complaisance pour les collabos ? Alors comment expliquer ce goût pour Jean Genet, voleur, provocateur, homosexuel, en rupture radicale avec toutes les conventions mondaines et esthétiques, inventant un théâtre nouveau et radical. Parce que Genet est aussi et surtout « une énigme, avec ses contradictions, sa brutalité, son lyrisme, son visage de boxeur et cette voix mêlée d’enfance. »

Comme un bonheur ne vient jamais seul, on pourra compléter la lecture de ce Lagarde et Michard intime avec un recueil de nouvelles Un amour à Waterloo dont un certain nombre tourne autour de la figure de Bonaparte, ou plutôt des étranges répercussions sentimentales que cette figure peut avoir sur la vie de certains de nos contemporains et  même d’un GI débarquant en Normandie en 1944. Bott conclut ce recueil par une série de portraits de femmes, un peu à la manière d’Emmanuel Berl dans Rachel et autres grâces, des femmes qu’on aimerait rencontrer comme cette Simone fugitive qui renonce à la fuite, car de toute manière, « on revient de tout, même des Bahamas. » 

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