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Gaza : le message est passé, il faut arrêter


Gaza : le message est passé, il faut arrêter

L’opération israélienne à Gaza est-elle légitime ?
L’Etat d’Israël a le droit de défendre ses citoyens qui souffrent du terrorisme du Hamas depuis des années. Certes, les roquettes tirées par le Hamas ne causent qu’un dommage limité, mais cela s’explique par une faiblesse des capacités techniques du mouvement islamiste et non pas par un manque de volonté car elles sont sciemment lancées contre des cibles civiles. Même si on pense que le blocus israélien de la bande de Gaza n’est pas justifié, la terreur n’est pas une riposte légitime. Israël a eu donc raison de réagir avec fermeté après que ses avertissements ont été ignorés. Encore faut-il, évidemment, savoir pourquoi on agit.

Justement, quels sont les buts d’Israël ?
Ils doivent être doubles : il s’agit d’abord de faire comprendre aux dirigeants du Hamas que leurs actions ont des conséquences, puis de pousser les acteurs régionaux et internationaux à intervenir pour équilibrer la situation. Ces acteurs, on le sait, ne se mettent en action que dans des situations de crise.

Ne voit-on pas toujours à l’œuvre la même idée selon laquelle « les Arabes ne comprennent que la force » ? Contiendrait-elle selon vous une part de vérité ?
Qui défend cette idée exactement ? Certainement pas moi. Et je ne suis même pas sûr que la politique du gouvernement israélien s’inscrive dans cette perspective. Il est vrai qu’en général il a tendance à recourir à la force quand il est à court d’idées. Mais pour une fois, il n’est pas le premier responsable de la montée aux extrêmes – en dehors du fait qu’il a été incapable de mettre sur la table une proposition sérieuse. Il n’y a rien que le gouvernement Olmert voulait plus qu’une détente avec le Hamas. Malheureusement, en raison de son propre agenda idéologique et politique, le Hamas a pensé que la perpétuation d’un conflit prétendument de « basse intensité » lui serait bénéfique. Or, avec les élections qui approchent, le gouvernement ne pouvait pas se permettre de poursuivre dans la voie de « l’apaisement ». Cela, le Hamas ne l’a pas compris et a préféré ignorer les avertissements israéliens. Malheureusement, la population palestinienne paie la stupidité de ses dirigeants au prix fort.

Près de trois semaines après le déclenchement de l’opération et alors que l’entrée en fonction d’Obama constitue une deadline, que peut faire Israël ?
Israël doit chercher rapidement un cessez-le-feu. Les « messages » les plus importants ont été envoyés au Hamas et le coût de l’opération en vies civiles est bien trop lourd. Ceci étant dit, il faut qu’il soit clair qu’en l’absence d’un accord satisfaisant, Israël fera usage de son droit de réagir si ses citoyens sont visés par une action violente quelconque.

Cette opération ne risque-t-elle pas, au-delà du Hamas, d’avoir radicalisé l’ensemble de la population de Gaza et donc, d’avoir compromis l’avenir ?
Bien sûr que si. Il y a pire encore que le nombre terrible de pertes civiles, c’est le sentiment des Palestiniens qu’Israël emploie un gros bâton sans jamais offrir la moindre carotte. Les Palestiniens veulent savoir ce qu’ils ont à gagner en renonçant à la violence. Jusque-là, ils n’ont obtenu qu’une réponse négative : ils peuvent au mieux espérer échapper à une violence israélienne qui, en retour, peut atteindre un niveau qu’aucune force militaire palestinienne n’est en mesure d’égaler. Cela ne suffit pas. Et cela fait de la violence l’unique mode de communication entre les deux parties. Bien sûr, on peut obliger l’adversaire à accepter tactiquement son infériorité mais à terme, on l’encourage à rechercher les moyens de changer la donne en se dotant de moyens de destruction plus efficaces. Israël doit tenter de briser ce cycle de la violence en offrant aux Palestiniens espoir et dignité. C’est la seule solution, et moralement, et politiquement.

Quels seraient les critères, militaires et politiques, d’une victoire ou d’une défaite israélienne ?
Israël ne gagnera pas cette guerre militairement, dès lors qu’aucune victoire sur le champ de bataille ne brisera le cycle de la violence et de la contre-violence. Il n’est pas certain, et c’est un euphémisme, que le renversement du Hamas ouvrirait aujourd’hui la voie à un leadership plus modéré. Le Fatah peut-il tenir son pouvoir des chars israéliens ? J’en doute. Dans ces conditions, la seule victoire réelle pour Israël serait de parvenir à une situation dans laquelle les deux camps peuvent apprendre la confiance mutuelle. La meilleure garantie pour la sécurité d’Israël, ce sera l’existence d’un Etat palestinien prospère, avec une classe moyenne plus préoccupée de son avenir dans ce bas-monde que de sa place dans l’autre.

Quel comportement devrait, selon vous, avoir Israël vis-à-vis du Hamas ?
Le Hamas, rappelons-le, est une organisation terroriste, une partie du Jihad mondial dont le but déclaré est l’élimination de l’Etat d’Israël. En même temps, dès lors qu’il a le soutien de la population palestinienne, Israël ne peut pas l’ignorer. La seule solution est donc d’arriver à un accord de facto et de mener parallèlement une action qui permette de changer les conditions qui lui ont permis de se développer.

Certes, mais plus précisément, que pourrait être cette action ? Comment détacher la population palestinienne du Hamas ?
À partir du moment où, aujourd’hui, personne ne fait confiance à personne, nous avons besoin de nounous internationales pour nous surveiller. Israël doit renoncer à exercer un contrôle total sur la sécurité en Palestine car cela revient en fait à maintenir celle-ci sous blocus permanent. Nous devons de surcroît participer activement et généreusement à la reconstruction de Gaza. Les Palestiniens, y compris le Hamas, doivent renoncer à leur rêve de se débarrasser de nous. Cela ne va pas être simple. Etablir la confiance demandera du temps de la patience. Le signal le plus fort qu’Israël puisse envoyer serait le démantèlement rapide de la plupart de colonies d’implantation. Il lui faudra aussi répondre positivement à l’initiative arabe et œuvrer à la création d’une coalition régionale, garante de la stabilité au Proche-Orient.

Très bien mais au-delà de ces slogans auxquels peuvent adhérer tous les gens raisonnables ? Y a-t-il une majorité d’Israéliens pour soutenir cette politique et surtout, existe-t-il quelque part un homme ou une femme capable de la mener à terme et d’évacuer les implantations et a-t-il la moindre chance de sortir des urnes le 10 février ?
Vous avez évidemment raison. Notre prochain gouvernement sera composé des usual suspects – probablement une grande coalition comprenant le Likoud, Kadima et le Parti travailliste. On peut compter sur eux pour ne rien faire. Et comme ne rien faire a des conséquences, nous continuerons à vivre dans le même cercle vicieux pendant quelques années encore. La realpolitik est souvent politiquement irréaliste.

On décrit souvent Meretz comme « la gauche pacifiste ». Le nouveau Meretz auquel vous appartenez a soutenu cette guerre – sans enthousiasme excessif. Resterez-vous ensuite une force crédible capable de soutenir une paix durable ?
Meretz n’a jamais été un mouvement pacifiste. D’un point de vue idéologique, le pacifisme est soit hypocrite, soit naïf et Meretz n’est ni l’un ni l’autre. Dans le monde réel, l’usage de la violence est parfois nécessaire. Ce que Meretz tente de dire depuis pas mal de temps, c’est que la violence n’est pas le remède miracle que ses adversaires pensent qu’elle est. Elle a beaucoup d’effets secondaires. La paix véritable n’est pas un roman à l’eau de rose. Elle doit prendre corps dans le réel. Le symbole de Tsahal est formé d’un glaive et d’une branche d’olivier. Nous avons trop fait usage du premier et pas assez de la seconde.

Aviad Kleinberg, historien, professeur à l’Université de Tel Aviv, joue un rôle important dans le nouveau Meretz.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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