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Toutânkhamon était Noir, les Blancs ont tout inventé!

Des associations antiracistes espèrent faire interdire l'exposition consacrée au pharaon


Toutânkhamon était Noir, les Blancs ont tout inventé!
Photo: STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Des ligues de défense noire, dites associations « antiracistes », ont demandé l’interdiction de l’exposition « Toutânkhamon » à Paris. Elle dissimulerait le fait que le célèbre pharaon de l’Egypte antique était en fait Noir, et non pas plus ou moins Blanc…


Il est difficile de savoir ce qui, dans les délires racialisés en vogue et importés par la culture de masse américaine l’emporte, du grotesque, de la bêtise, de la dangerosité, à moins que tous ces facteurs soient parfaitement compatibles et complémentaires. Plus une semaine désormais ne s’écoule sans que ces ligues et associations de défense noire ou autres officines obsédées de la race ne fassent parler d’elles en visant telle ou telle manifestation culturelle et intellectuelle.

Blanc sur Noir et Noir sur Blanc

Après les Suppliantes d’Eschyle dont le patafoin antiraciste aurait pu inspirer à son antique auteur une satire du meilleur cru, c’est au tour de Toutânkhamon d’être voué aux gémonies. Entendez par là, le Toutânkhamon tel que le représente la remarquable exposition organisée à la Grande Halle de La Villette. Le motif du délire, cette fois-ci ? Toutânkhamon, ainsi que toutes les dynasties égyptiennes, auraient en réalité été noirs de peau, et l’égyptologie s’est évertuée depuis des siècles, par son racisme atavique, à en dissimuler toutes les preuves.

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Dans le psychodrame d’Eschyle à la Sorbonne, notons que c’était la jérémiade inverse, puisqu’il faut bien toujours pleurnicher pour quelque chose : on avait osé revêtir certains acteurs de masques noirs et cela n’était pas supportable car considéré comme dégradant. Ici, au contraire, on accuse des siècles d’historiographie, dans la branche historique qui a probablement attiré et fasciné le plus grand nombre de chercheurs et de scientifiques du monde entier, de faire l’inverse, de dissimuler les traces de « noiritude » (nous nous refusons à employer pour ces psychoses obsessionnelles antiracistes le beau mot de « négritude » de Léopold Sedar-Senghar qui n’avait probablement pas concentré toute sa culture et son intelligence pour la mettre au service d’incultes agités du bocal).

Pharaon, vous êtes juif ?

Une des preuves de ces malversations racistes dont l’Occident a le secret ? Le nez du Sphinx a été cassé délibérément afin de dissimuler qu’il était épaté. Epatant, non ? Un bon coup de burin dans la truffe et voici notre sphinx noir transformé en énigmatique figure gréco-oedipienne reniant ses antécédents nubiens. Ni vu ni connu, je t’embrouille, je te blanchis ton sphinx. Voici donc des armadas de scientifiques blancs armés de marteaux pilons et de polisseuses (ça tombe bien, il y a plein de sable alentour pour se livrer à cette basse besogne), qui auraient pullulé soudain dans l’Egypte ancienne pour enlever à tour de main des nez épatés, sur les statues, sur les momies, partout, tout le temps, et d’ailleurs, à bien y réfléchir, la phrase célèbre de Pascal :  « Si le nez de Cleopâtre eût été plus court, la face du monde aurait changé », trouve probablement ici son explication : c’était un nez africain et l’homme blanc a volé cette histoire en lui rallongeant l’appendice nasal comme à Pinocchio. Encore un coup de l’appropriation culturelle. L’histoire ne dit pas si les bandelettes entourant les momies étaient noires ou blanches (auquel cas Rokhaya Diallo dans une de se vies antérieures, après avoir été tour à tour peut-être un chat, un scarabée, une épouse de pharaon puis un scribe non binaire, aurait requis de toute façon des sparadraps marrons pour procéder aux embaumement)…

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Ces théories délirantes circulent sur les réseaux sociaux, trouvent une certaine audience auprès de jeunes facilement manipulables et paresseusement attirés par toute forme de complainte victimaire (c’est toujours moins fatiguant que de s’installer à un bureau, d’ouvrir des livres, et de travailler).

Des théories toujours plus exposées

Comme l’indique l’égyptologue Bénédicte Lhoyer, interrogée par Le Point, il est courant désormais d’être interpellée en cours au nom des théories abracadabrantesques d’un certain Cheikh Anta Diop (qui du reste et sans que cela ne nous semble bien étonnant s’était opposé à Léopold Sédar Senghor, pardi) et qui avait échafaudé toute une théorie sur l’Egypte pharaonique noire et, plus globalement, sur l’africanocentrisme (où il se confirme décidément que tout forme de centrisme est une abomination intellectuelle…).

Alors que toutes les recherches dignes de ce nom vont à l’encontre de ces élucubrations, tests génétiques approfondis, recherches ethno-linguistiques, connaissances pluridisciplinaires de toutes les catégories possibles, et alors qu’il a été clairement démontré que l’Egypte était un « couloir » plutôt de sang mêlé et que Toutankhamon était roux et de peau blanche (d’un style que certains qualifient de plutôt berbère), non, les antiracistes de pacotille ne veulent pas en démordre (ce qui, attention, est une expression du langage courant et ne signifie nullement que nous les soupçonnions d’anthropophagie).

Ils agitent des banderoles devant l’exposition, appellent à son interdiction.

Notons au passage, ce qui n’a rien d’anecdotique, que ce sont ces officines antiracistes qui produisent actuellement les tentatives de pressions et de censures les plus violentes sur le monde de la culture et de la réflexion scientifique si l’on met bien sûr momentanément de côté la pression islamiste aux effets désastreux sur la liberté d’expression et notamment en termes d’autocensure par crainte du meurtre.

« Européens and family, votre génome est : criminel, hypocrite, menteur »

Les antiracistes eux sont encore un petit cran (si l’on ose dire) au-dessous en termes d’intimidation, mais le fond de commerce est le même : ramener toute forme de présentation intellectuelle, culturelle, artistique à des obsessions monomaniaques de races et de religion.

Dans le cas de ces pseudo-dynasties pharaoniques africaines (en réalité, il a été démontré qu’il a existé un seul règne pharaonique noir venu du Soudan, la XXVe  dynastie dite Kouchite, illico remplacée par la suivante, non noire, lorsque les Egyptiens ont repris le contrôle de leur civilisation), ce qu’il s’agit de démontrer, c’est un afrocentrisme aussi originel que fantasmagorique – comme l’est d’ailleurs tout fantasme racial de pureté originelle, qu’il soit aryen ou africain -, et qui aurait été l’inventeur de toutes choses : architecture, philosophie, science, art, tout en fait, et que toutes ces choses merveilleusement ingénieuses auraient ensuite été purement et simplement volées par les Grecs (voilà qui fera au moins plaisir au FMI) puis donc par l’Occident. Ce qui permet aisément de déduire que l’Occident est le fruit d’un vol originel, d’un péché qui le caractérise ontologiquement. Sa nature même relèverait de la supercherie et de l’usurpation.

La banderole déployée par les agités du bocal devant la Grande Halle de La Villette est du reste à la fois explicite et pleine de finesse (accrochez-vous au pinceau, là on enlève l’échelle !) : « Européens and family, votre génome est : criminel, hypocrite, menteur ». Voici donc des gens qui, pour avoir lu quelques informations fantaisistes telles qu’il en pullule sur les réseaux sociaux, n’hésitent pas à produire un raisonnement du pire type nazi, à savoir tenter fantasmagoriquement de réduire des personnes à leur génome, puis d’induire de ce génome des caractéristiques morales (forcément dénigrantes, si l’on ose dire…).

Nous voici donc, avec nos cohortes de chercheurs, de scientifiques, d’historiens, de penseurs, réduits à n’être, pauvres hères voleurs menteurs et congénitalement hypocrites et pillards, qu’à la repentance généralisée, mais aussi contraints à faire le réexamen de toute notre civilisation, puisque celle-ci semble être le fruit d’un vol.

Qui a inventé (vraiment) l’eau chaude ?

Il n’est pas loin le moment où l’on va venir s’insurger que ce sont les civilisations africaines du Néolithique qui ont les premières marché sur la Lune, inventé la machine de Turing (probablement directement importée de quelque boulier mauritanien), configuré le premier coquetier électrique et aussi le vaccin contre la rage ou le scotch double face sans oublier la locomotive à vapeur et les mathématiques non-euclidiennes (puisque les mathématiques euclidiennes, grecques donc, étaient déjà le fruit d’un vol, comme on l’aura compris).

Tout ceci serait drôle si cela ne trouvait pas un écho pathétique et inquiétant auprès d’une frange de repentants occidentaux dans le monde étudiant avec quelques solides relais idéologiques dans le corps enseignant, qui semblent n’avoir pas grand chose d’autre à faire et surtout pas d’études sérieuses à mener, manifestement.

Le complotisme a bon dos

Beaucoup d’articles de presse relayant cette nouvelle farce du monde antiraciste ont titré sur les dégâts du « complotisme ». Nous ne partageons pas cette lecture et cette interprétation réductrice. Si, certes, les réseaux sociaux et la méfiance envers les savoirs institués permettent et amplifient ces phénomènes, les théories sur l’africanocentrisme et les dynasties pharaoniques noires remontent à plusieurs décennies et ne trouvent d’écho dans une certaine opinion un peu désaxée qu’à la faveur d’un parti pris idéologique largement promu par toute une catégorie du gauchisme culturel volontiers dominant dans de nombreux milieux liés à l’enseignement et à la culture et qui n’ont pas attendu les réseaux sociaux pour s’en donner à cœur joie. Les camps d’été décoloniaux, les attitudes inadmissibles de l’UNEF sur ces questions (dans l’affaire par exemple des Suppliantes à la Sorbonne), les relais rencontrés par des initiatives racistes aussi graves que contestables telles que celles du syndicat Sud Education 93, l’oreille bienveillante portée aux théories indigénistes et racialistes du Parti des Indigènes de la République (PIR) et aux élucubrations d’une emblématique Rokhaya Diallo sont les plus solides soutiens à cette immense régression de l’intelligence collective telle que cherchent à la promouvoir ces piètres acteurs de la post-modernité décervelée.

Par chance, toutefois, ils sont aussi bruyants que finalement peu nombreux, et il semblerait que le monde universitaire, intellectuel et scientifique, longtemps idéologisé dans le sens unique du sanglot de l’homme blanc, soit en train de se ressaisir, prenant subitement conscience des dégâts commis par sa cécité, voire sa complicité, et dont il se retrouve, Gros-jean comme devant, la première victime.



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Chroniqueuse et essayiste. Auteur de "Liberté d'inexpression, des formes contemporaines de la censure", aux éditions de l'Artilleur, septembre 2020.

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