Accueil Édition Abonné Apologie du terrorisme: chronique d’une non-expulsion ordinaire

Apologie du terrorisme: chronique d’une non-expulsion ordinaire


Apologie du terrorisme: chronique d’une non-expulsion ordinaire
Interpellé deux jours plus tôt pour vol, le terroriste du parvis de la gare de Marseille Saint-Charles avait été remis au liberté le lendemain. SIPA. AP22111867_000002

On accuse régulièrement les magistrats de laxisme, notamment dans les cas de remise en liberté de délinquants sans-papiers multirécidivistes. Or, bien souvent, les juges prennent les décisions qui s’imposent… et qui ne sont pas appliquées.


Zied, 30 ans, est un Tunisien en situation irrégulière en France. Travaillant au noir, l’homme est connu de la justice pour divers faits de délinquance dont la détention de stupéfiants. Rien de bien grave avant le 15 novembre 2015. Ce jour-là, 72 heures à peine après les attentats du Bataclan, alors que les forces de l’ordre l’interpellent à Cannes pour vol et recel, Zied s’écrie : « C’est bien fait ce qui s’est passé à Paris. Il y aurait dû avoir plus de morts. Si vous me renvoyez au bled, on va revenir à 2 000 pour finir le travail. On va tuer les juifs et les chrétiens. Allahou Akbar ! » Jugé le 20 novembre 2015 au tribunal correctionnel de Grasse pour apologie du terrorisme, le Tunisien écope de deux ans de prison ferme et d’une interdiction définitive de territoire. En prison sous la surveillance des services antiterroristes, Zied est loin d’être un détenu modèle, puisqu’il ne bénéficie pas de toutes les remises de peines automatiques.

A lire aussi: 13 Novembre : deux ans après, déni et compromissions continuent

Une fois sa peine purgée, Zied entame le parcours prévu par la loi pour des étrangers frappés d’une interdiction de territoire, mesure supposée aboutir à une expulsion. Mais après trois semaines au centre de rétention administrative de Nice, Zied retrouve tout simplement sa liberté. Et ses activités délictueuses.

Toute la France est concernée

C’est ainsi qu’en septembre dernier il tente de voler une bouteille de vodka (« Je suis musulman, mais j’aime l’alcool », expliquera-t-il plus tard aux juges) dans un supermarché du centre de Cannes. Le patron habitué aux vols à répétition décide de ne pas impliquer la police et demande à son vigile de régler l’affaire. Le grand gaillard, un Algérien, fait alors sortir Zied. Le vigile lui ayant tourné le dos pour regagner le commerce, Zied sort un poignard, et se dirige vers lui. C’est grâce aux cris d’une passante que le vigile a pu se retourner et éviter le pire. Il sera quand même blessé à la main.

Quelques jours après les faits, le 15 septembre, Zied comparaissait pour vol et violence avec usage d’une arme. À la barre, l’homme plaide l’autodéfense : le vigile, explique-t-il, avait une attitude menaçante… mais ce n’est pas tout. Malgré son casier judiciaire bien garni et les trois identités dont il use, Zied profite de son passage au tribunal pour formuler une demande toute particulière : il souhaiterait bénéficier d’un titre de séjour pour raisons médicales. Les juges n’ont pas marché. Allant au-delà des réquisitions du procureur qui demandait un an ferme, ils ont prononcé une peine de quinze mois de prison. Mais que se passera-t-il fin 2018, quand Zied sortira de prison ? Un juge niçois que nous avons contacté confirme que le cas de Zied comme celui du terroriste de la gare de Marseille ne sont pas des exceptions. Selon le magistrat, c’est dans tout l’Hexagone que ses collègues prononcent « des interdictions de territoire qui ne sont pas appliquées ». Le problème dépasse donc largement le cas de la préfecture du Rhône, dont le préfet a été limogé pour servir d’exemple.

Novembre 2017 - #51

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Ecole: finis les « problèmes » de maths, découvrez les « phares »!
Article suivant 13 Novembre : deux ans après, déni et compromissions continuent

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération