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OPA du Syndicat de la magistrature sur l’indépendance de la justice


OPA du Syndicat de la magistrature sur l’indépendance de la justice
SIPA. 00726901_000010
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Il y a un mois, le Syndicat de la magistrature a adressé une lettre ouverte au président de la République nouvellement élu pour demander une réforme de la justice.

Ce syndicat considère notamment que l’alignement des conditions de nomination et de discipline des magistrats du Parquet sur celles des magistrats du Siège est insuffisant. Il souhaite couper tout lien hiérarchique entre les magistrats, même du Parquet, et le pouvoir exécutif, au profit exclusif d’un Conseil supérieur de la magistrature présenté comme « garant de l’indépendance de la justice ».

Une fois de plus, l’argument de l’indépendance est totalement dévoyé, et masque des intérêts corporatistes mêlés à une arrogance certaine.

L’indépendance de la justice n’est pas une fin en soi

En effet, l’indépendance de la justice, composante fondamentale de la séparation des pouvoirs et de l’équilibre entre eux, n’est pas une fin en soi. Elle n’est qu’un moyen, au service de deux objectifs tout aussi importants l’un que l’autre : l’impartialité de la Justice, et la préservation de l’Etat de droit et des individus contre tout risque de « dictature de la majorité ».

En premier lieu, l’indépendance des magistrats vise à leur permettre de ne pas être inféodés à une cause politique, ni instrumentalisés par le parti au pouvoir. Ils peuvent ainsi juger en toute impartialité, la loi devant être la même pour tous.

Or, le Syndicat de la magistrature, responsable du tristement célèbre « mur des cons », ne revendique l’indépendance que pour s’affranchir de tout contrôle extérieur à sa corporation, et utiliser librement les jugements à des fins idéologiques militantes, au détriment de l’impartialité de la justice et de l’égalité des citoyens devant la loi, et au mépris de la volonté générale.

Naturellement, ce syndicat et ses partisans évoquent très facilement l’argument de la défense de l’Etat de droit. Selon eux, les magistrats seraient un rempart nécessaire face aux populismes et extrémismes de tous poils, un collège de sages échappant aux passions dangereuses de la plèbe.

Mais de la sagesse auto-proclamée à l’ordre moral dictatorial, il n’y a qu’un pas.

L’autorité judiciaire n’appartient qu’au peuple

En France, les magistrats n’ont d’autre légitimité que leur réussite à un concours administratif, certes prestigieux, mais qui ne se soumet à aucun contrôle démocratique.

Pourtant, la Constitution de 1958 précise bien que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »

De ce fait, les juges ne doivent jamais oublier qu’ils ne sont en aucun cas propriétaires de l’autorité judiciaire – elle n’appartient qu’au peuple – mais seulement délégataires. Ils ont donc l’impérieuse obligation de se soumettre à la volonté générale, et d’en accepter le contrôle. Au demeurant, ce contrôle de la représentation nationale sur la justice est un aspect de l’équilibre entre les pouvoirs, au même titre que la possibilité pour un tribunal de juger un élu.

Dans certains pays, cette régulation démocratique se veut directe, certains magistrats de haut rang étant élus. S’il a ses mérites, ce système est pourtant moins efficace que le nôtre puisqu’il accentue les disparités locales au détriment de l’égalité des citoyens devant la loi, et entraîne une très forte politisation de la justice, au détriment de son impartialité.

La situation française, dans laquelle le contrôle démocratique sur l’institution judiciaire se fait par l’intermédiaire d’une subordination des parquets au pouvoir exécutif, est à tout prendre une solution certes perfectible mais équilibrée entre les deux impératifs complémentaires de la préservation de la souveraineté populaire et de la garantie de l’Etat de droit.

Les juges contre la loi

On m’objectera sans doute que j’exagère le danger d’une magistrature livrée à elle-même. Que les juges, après tout, ne peuvent qu’appliquer la loi, et non la faire, ceci relevant du pouvoir législatif qui, entre les mains du Parlement, est totalement démocratique. C’est théoriquement exact, mais concrètement faux.

En effet, en décidant de l’opportunité des poursuites ou d’un classement sans suite, un procureur peut, en refusant de sanctionner, rendre légal ce que la représentation nationale a interdit.

De même, la suppression des peines planchers a permis à certains juges du siège, à force d’indulgence, de cautionner voire d’encourager des comportements que le peuple souverain voudrait empêcher.

Enfin, la complexité du droit et la subtile ambiguïté de ses formulations font de la jurisprudence une source du droit à part entière – il suffit de constater la place qu’elle prend dans les divers codes pour s’en convaincre !

Nous sommes donc loin de la vision de Montesquieu pour qui, dans la continuité de Locke, « les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur. »

Si elle devait se faire, la réforme voulue par le Syndicat de la magistrature n’aurait rien d’anecdotique. Elle supprimerait le dernier contrôle démocratique sur la justice, et confisquerait une part de la souveraineté nationale au profit d’une corporation trop souvent drapée dans sa prétendue supériorité morale, et dont l’actualité montre que l’impartialité est plus que douteuse.



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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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