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Pacifisme et autres fariboles


Pacifisme et autres fariboles

Jaccard Carnets Pacifisme1. Des raisons de croire à la paix

Un amical lecteur m’adresse, depuis la Suisse, une série de questions qui le taraudent concernant la paix. D’après lui, malgré toutes les raisons que nous donnent chaque jour les journaux d’aggraver de plusieurs crans notre pessimisme, il est de notre devoir de croire à la paix, au rétablissement – ou à l’établissement – d’un monde meilleur (c’est-à-dire juste, équi-table, ouvrant la voie au bonheur universel et à la disparition des conflits). Il veut savoir jusqu’où me mène mon cynisme.

Je me montre sceptique.

Il n’y a, à mes yeux, et au risque de décevoir, aucune raison de croire à la paix. La guerre est la forme la plus naturelle et la plus conforme à ce qu’il est convenu d’appeler l’humain. Il n’est pas particulièrement glorieux de s’en réclamer ! Qu’y a-t-il de plus obscène qu’une femme portant fièrement dans son ventre un futur cadavre ? Observez-les, dans les jardins d’enfants, ces tortionnaires en culottes courtes, ces laissés-pour-compte au regard hagard, ces vamps en jupette… Le manège tourne, les types humains se répètent, les situations se ressemblent : le crime, individuel ou de masse, s’organise. Bientôt, on le fustigera. Bientôt, les pleureurs professionnels nous enjoindront à plus d’humanité. Quelques bourreaux seront condamnés… et le même mensonge sera repris par tous : il faut avoir à nouveau confiance en l’homme, en la vie… on passera ainsi d’un imaginaire de la catastrophe à un imaginaire du progrès.

Dieu me préserve donc d’une fonction de pacificateur, qui me transformerait en une solennelle nullité. Je préfère laisser chacun aller à sa perte selon ses moyens. Quant à l’humanité, elle n’est douée ni pour le meilleur ni pour le pire. Je ne lui trouve qu’un charme médiocre et, finalement, je serais favorable à son éradication. Il me répugnerait de devenir un symbole – fût-ce de la paix.

J’ai bien un ami qui est un véritable ambassadeur de la paix. Cela lui permet de vendre ses livres, de voyager de palace en palace, de devenir citoyen d’honneur de plusieurs villes et, comme il est musulman, modéré bien sûr, de prôner une poli-tique pacifique qui joue en faveur de ses croyances. Il a trouvé un excellent créneau et je l’en félicite. Le cynisme n’est pas à la portée de tout le monde.

 2. La guerre civile n’aura pas lieu

Chaque pays suit ses intérêts, et ils coïncident rarement. Si vous voulez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage… éternellement. Et puis, sans la guerre – des nations, des classes sociales, des sexes et des races –, l’humanité périrait d’ennui, ce que je me garderai bien de déplorer. L’être humain ne se suffit pas à lui-même. Il lui faut des drogues dures. La guerre en est une.[access capability= »lire_inedits »] Rien de tel quand on s’ennuie que de créer des ennuis à ses voisins. Il y a d’ailleurs un bon usage des catastrophes : Hiroshima vaut bien Shakespeare. La vraie modernité, après Auschwitz et Hiroshima, c’est l’idée que nous ne méritons pas de survivre, qu’il faut en finir…

Il n’est pire crime – ou offense à l’intelligence – que ces appels renouvelés et par ailleurs totalement vains à croire en une humanité pacifiée.

L’Occident est nu. Il ne prépare plus rien. Il est devenu une proie idéale, constituée de bobos décérébrés, incapables de se défendre, hantés par des culpabilités liées au colonialisme. Il se trouve que le colonialisme est la chose la mieux partagée du monde, mais que par un tour du destin incompréhensible nous en serions les seuls responsables. Ce qui nous assure au moins que nous en serons les victimes et qu’ils sont bien optimistes, ceux qui croient en une guerre civile ou en une capacité de nous ressaisir. Le pacifisme, les droits de l’homme et tant d’autres fariboles nous conduisent tout droit à une soumission consentie. Dans l’existence, soit on terrorise, soit on est terrorisés. Nous ne faisons plus peur à personne. C’est un mauvais signe : celui de la fermeture définitive des jardins de l’Occident. Mais tant d’autres civilisations ont connu cela, qu’on se gardera bien de pleurnicher sur notre gloire passée. Soyons stoïques jusqu’au bout !

3. D’abord la potence, ensuite le pardon

La vengeance, même si elle est souvent justifiée, est une pas-sion triste. Même Jésus ne lui a pas trouvé d’antidote, car le pardon ne fait qu’aviver le désir de se venger. Je dirai avec Freud qui en savait long sur le sujet qu’il faut pardonner à ses ennemis… mais pas avant de les avoir vus pendus.

N’ayant pas de message positif à vous transmettre et sachant que deux messages négatifs ne vous agréeraient pas, je conclurai sur cette anecdote : Dieu arpente son bureau lorsqu’il aperçoit de sa baie vitrée le diable traînant derrière lui une vieille caisse. Intrigué, Dieu appelle son majordome et lui demande : « Qu’y a-t-il dans cette caisse ? » Ce dernier lui répond : « Un homme et une femme. » Dieu, désemparé, consulte ses dossiers et, soudain, se sou-vient : « Ah oui… cette expérience ratée. Est-ce qu’ils vivent toujours ? » [/access]



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