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Viry-Châtillon, du déni aux larmes

Shemseddine, 15 ans, tué parce qu’il "correspondait sur des sujets relatifs à la sexualité" avec une jeune femme, selon le Parquet


Viry-Châtillon, du déni aux larmes
Des collégiens passent devant le collège des Sablons à Viry Chatillon, le 5 avril 2024. L'adolescent de 15 ans battu à mort y était scolarisé © Miguel MEDINA / AFP

Quatre jeunes hommes ont été mis en examen la nuit dernière pour assassinat, après la mort de Shemseddine, 15 ans, tabassé la semaine passée devant son collège de Viry-Châtillon (91). Une contre-société s’installe en France, et sans surprise, les discours bisounours de nos élus ne parviennent pas à l’empêcher.


« Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer » écrivait jadis Bossuet – on connaît mieux la version apocryphe de cette citation : « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences dont ils chérissent les causes. »

Il y aurait en effet de quoi rire, d’un rire amer, s’il ne s’agissait pas du décès tragique et révoltant d’un adolescent : Shamseddine, 15 ans, tabassé à mort à la sortie du collège, à Viry-Châtillon. D’après les déclarations du procureur, ses meurtriers l’auraient agressé parce que les contacts de Shamseddine avec leur sœur leur faisaient « craindre » pour leur « réputation et celle de leur famille. »

Émotion n’est vraiment pas raison

Et voilà le maire UDI de Viry-Châtillon en larmes à la télévision, disant qu’ « il faut apprendre aux enfants, quand ils sont jeunes, qu’il y a le bien, et puis il y a le mal, et puis le mal on n’a pas le droit de le faire, et quand on le fait on est puni » et aussi « c’est pas pour être fermes, pour être méchants avec eux, c’est pour leur apprendre que dans la vie il y a des choses bien et il y a des choses mal, ces choses mal on n’a pas le droit de les faire parce que c’est toujours au détriment de quelqu’un. »

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Accordons-lui que l’émotion, que l’on sent sincère, n’aide pas à trouver les mots. Mais le décalage entre ce discours très infantilisant, très enfantin même, et la sauvagerie de la mise à mort de Shamseddine ne peut que laisser songeur. Et notons que d’après ce que l’on sait, les tueurs avaient justement une notion assez précise de ce qu’ils estiment « bien » (la réputation de la famille) et de ce qu’ils estiment « mal » (les discussions de Shamseddine avec leur sœur), et parce que leur éducation leur avait enseigné que c’était « mal » ils ont « puni » l’adolescent. C’est une loi barbare et tribale qui a exercé ce qui lui tient lieu de « justice », une loi en opposition à notre décence commune, mais néanmoins une loi. Ce n’est pas une absence de repères comme semble le croire le maire, c’est au contraire une volonté assumée d’imposer des repères radicalement différents des nôtres.

Cruelle ironie

On rirait, en citant Bossuet, si l’aveuglement de l’édile et de tant et tant de nos élus, dirigeants, intellectuels, faiseurs d’opinion, depuis des décennies, n’était pas la source de drames horribles toujours plus nombreux dans notre pays.

Par une cruelle ironie, il y a deux ans le maire de Viry-Châtillon portait plainte contre Éric Zemmour, qui parlait de « talibanisation » de nombreux quartiers justement pour dénoncer la loi barbare qui, depuis, a frappé Shamseddine. Et le maire d’invoquer alors les mantras habituels, « vivre ensemble » et « refus des discours de haine ». À Viry-Châtillon, un adolescent a payé de sa vie la soumission de notre société à cette doxa.



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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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