Ukraine : les Chapi et Chapo de l’indignation


Ukraine : les Chapi et Chapo de l’indignation

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On apprend que dimanche après-midi, Herman Van Rompuy, l’homme aux haïkus, président du conseil européen et José Manuel Barroso, le Mao[1. Sa belle jeunesse au moment de la révolution des Œillets.] libéral de la Commission ont déclaré, avant même la fermeture des bureaux de vote, que le referendum en Crimée était « illégal et illégitime » et que ses résultats ne seraient pas reconnus. On est étonné qu’il n’y ait pas de déclaration de Catherine Ashton. Elle est normalement à la tête du ministère des Affaires étrangères de l’Union européenne. On ne la connaît pas, c’est vrai. Ou quand on parle d’elle, on sait surtout qu’elle est à la tête d’une une administration pléthorique de hauts fonctionnaires bénéficiant d’un statut qui ferait rêver même un cheminot cégétiste d’avant la libéralisation, c’est dire…

D’ailleurs, ce n’est pas pour continuer dans les rapprochements désobligeants, mais quand on voit que ce genre d’amuseurs inutiles nous coûtent un bras, on se demande comment peuvent réagir le malade grec à la recherche d’un hôpital disparu, le retraité portugais qui fouille dans les poubelles une fois qu’il a regardé le montant de sa pension ou le milleurista espagnol qui s’aperçoit qu’il a quarante-deux ans et qu’il vit toujours avec sa femme chez ses vieux parents.

Et encore si ces intelligences diplomatiques servaient à quelque chose.. Mais vous l’avez vous vu où, vous la politique étrangère de l’UE ? Demandez à nos pioupious engagés en Centrafrique ou au Mali, ce qu’ils en pensent de la politique étrangère européenne, et de sa Défense, d’ailleurs. Ça,  pour convoquer François Hollande parce qu’il reste encore une dizaine de fonctionnaire en activité dans le pays ou que nos travailleurs osent partir avant 75 piges, il y a toujours du monde. Mais pour aller nous filer un coup de main contre des fous furieux islamistes, éviter un génocide  ou même, pourquoi pas, mettre la main à la fouille pour nous nous remercier d’être le parapluie nucléaire du continent, là, il n’y a plus personne.

Donc, les Abbott et Costello de la pseudo-gouvernance européenne ont décidé de faire les gros yeux  aux Criméens parce que les Criméens ,qui sont quand même très russophones, auraient plutôt envie de rester avec les Russes de Russie depuis que l’Ukraine est tellement devenue ukrainienne que sa première mesure a été d’interdire le russe. On comprend un peu la nervosité des  Criméens, en fait, ils ont tout de même été russes longtemps, avant que l’enthousiasme  déstalinisateur du camarade Khrouchtchev donne la Crimée à l’Ukraine, un peu comme le gars qui vient de faire sauter la banque et qui balance une plaque en annonçant : « Personnel ! »

Moi, je serais criméen et russophone, on aurait beau m’expliquer que je vote sous la botte soviétique, je serais tout de même content de rejoindre un pays où je pourrais parler ma langue. Parce que figurez-vous que ça ne se passe pas toujours trop bien pour ces pieds-rouges d’un nouveau genre que sont les minorités russophones dans les ex-républiques. Les droits de ces minorités sont par exemple régulièrement bafoués dans les républiques baltes qui, sauf erreur de ma part, appartiennent à ce merveilleux espace de démocratie qu’est l’UE.

Il y a sûrement des raisons historiques mais enfin, de là à avoir un ministre pro-SS dans un gouvernement, il y a une marge. Ah, mais non, je ne fais pas un abus de langage ou un procès d’intention au gouvernement ukrainien, là. Ce n’est pas parce qu’on a fait tomber un gouvernement élu à l’aide de milices d’extrême droite qu’on est forcément d’extrême droite, même si bon, il faut quand même faire attention quand il y a des pommes pourries dans la corbeille à fruits. Non, non, je parlais du ministre  letton de l’environnement letton Einars Cilinskis. Enfin, ex-ministre. On a quand même fini par le limoger. Figurez-vous qu’il voulait vendredi matin vouloir participer « en tant que patriote letton » au défilé en hommage aux anciens Waffen SS qui ont combattu de 1941 à 1945 sur le front de l’Est. Lors des années précédentes, ce défilé autorisé réunissait dans les rues de Riga des centaines de vétérans lettons  et autres admirateurs qui avaient combattu dans les rangs de la Waffen-SS contre l’armée soviétique .

Le défilé letton a eu lieu dimanche, c’est-à-dire pendant que les Criméens votaient. Je ne sais pas ce qui doit m’étonner le plus. Qu’il y ait un ministre d’un gouvernement de l’UE qui veuille participer à un défilé SS ou que ce même pays autorise un défilé SS sur le territoire de l’Union. Les russophones du coin, qui sont quand même 44% mais dont une bonne partie n’a même pas le droit de vote, ils doivent s’inquiéter, non ? Voire regarder la Crimée avec des yeux rêveurs.

Parce que ce dimanche-là, si  Chapi et Chapo, quitte à monter sur leurs grands chevaux droitdelhommistes, avaient dû trouver quelque chose « d’illégal et d’illégitime » en Europe, plutôt qu’un référendum d’autodétermination dans un pays qui n’est pas membre de leur club de plateformes commerciales, n’auraient-il pas mieux fait de s’indigner d’une manif vintage pour le IIIème Reich qui passait sous leur fenêtre ?

*Photo : Vadim Ghirda/AP/SIPA. AP21541829_000001.



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