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Trump: le funambule qui tombe?

Au cours des mois à venir, les Républicains seront amenés à faire l’autopsie de leurs défaites


Trump: le funambule qui tombe?
Washington, le 6 janvier 2020 © Julio Cortez/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22527680_000006

Après une soirée mouvementée et l’intrusion d’ultras dans le bâtiment du Capitole, le Congrès américain a finalement validé la victoire de Biden. Pensant faire un coup d’éclat, Trump sort perdant de cette séquence étonnante où certains sont allés jusqu’à crier au « coup d’État ». Analyse.


Aujourd’hui, le trumpisme semble avoir subi une triple défaite. Joe Biden a gagné les élections présidentielles de novembre : sa victoire vient enfin d’être certifiée par le Congrès après une des séances les plus dramatiques de l’histoire de la démocratie américaine. Les Démocrates, en remportant deux victoires dans l’état de Géorgie, ont pris le contrôle du Sénat, permettant au nouveau président de gouverner comme bon lui semble, sans risque de voir ses projets bloqués au Congrès. Finalement, après les scènes violentes au Capitole hier, les Démocrates et leurs supporteurs peuvent désormais se présenter en défenseurs de la démocratie contre une insurrection antidémocratique. 

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Pence: “La violence ne triomphe jamais”

Ces mêmes scènes ont consacré une scission au sein du Parti républicain entre les supporteurs les plus intransigeants de M. Trump et les autres. Des opposants de longue date au président sortant sont confortés dans leur opposition. Arnold Schwarzenegger, l’ancien gouverneur républicain de la Californie, venait de publier le 5 janvier une tribune dans The Economist où il dénonçait comme « une charade » les tentatives de M. Trump d’invalider les résultats des élections de novembre. Lui et ceux qui pensent comme lui peuvent maintenant proclamer : « On vous l’avait bien dit ! » Ils seront en meilleure position pour se débarrasser de M. Trump comme chef du parti, même si la chose ne va pas de soi. Un grand nombre des fidèles du président milliardaire ont été obligés de prendre leurs distances. Le vice-président, Mike Pence, président du Sénat et chargé ès-qualités de superviser la ratification par le Congrès de la victoire de Joe Biden, a non seulement fait la sourde oreille à la demande de Trump d’invalider les résultats, mais a déclaré, face à l’interruption de la séance du Congrès par les insurgés : « La violence ne triomphe jamais ; seule la liberté triomphe. » La Sénatrice Kelly Loeffler, qui venait de perdre son siège en Géorgie et qui, trumpiste dévouée, s’était déclarée prête à s’opposer à la ratification des élections présidentielles, y a finalement renoncé, comme un certain nombre d’autres élus républicains. 

Trump risque de ne plus représenter que la frange la plus colérique des cols bleus patriotiques. Jusqu’ici, il se tenait sur la ligne de crête entre l’esprit de révolte des laissés-pour-compte et les institutions politiques traditionnelles…

À l’étranger, des alliés réputés proches de M. Trump, tels que Boris Johnson, ont condamné – à l’instar d’autres leaders – les actions de ses supporteurs comme une atteinte à la démocratie. L’association qui est faite dans l’esprit de la plupart des observateurs entre les événements du Capitole et les déclarations récentes de Donald Trump, maintenant que sa victoire lui a été volée, transforme la condamnation de l’insurrection d’hier en condamnation du futur ex-Président lui-même.

Trump compromet son avenir

Les conséquences pour la stratégie politique de Trump sont graves. Celui-ci s’apprêtait à adopter la posture du « vrai Président en exil », c’est-à-dire de celui qui s’oppose, non seulement aux politiques mises en œuvre par le président Biden, mais à sa légitimité même, ainsi qu’à celle de tout l’establishment politique de Washington. Il comptait ainsi continuer à jouer le porte-parole de la colère populaire, de ceux que le système a abandonnés. Ce rôle est désormais sérieusement compromis. Trump risque de ne plus représenter que la frange la plus colérique des cols bleus patriotiques. Jusqu’ici, il se tenait sur la ligne de crête entre l’esprit de révolte des laissés-pour-compte et les institutions politiques traditionnelles. Au lieu d’avoir un pied dans les deux camps, pour ainsi dire, il est condamné à sautiller du côté des ultras, à canaliser, non la juste colère de la foule, mais la rage désespérée d’une minorité.

Au cours des mois à venir, les Républicains seront amenés à faire l’autopsie de leurs défaites. Ils trouveront que leurs revers dans les urnes sont moins le résultat d’une fraude que de leur incapacité à exploiter les nouvelles règles de la procédure électorale introduites par les Démocrates après leur reprise de la Chambre des représentants en 2019. Comme l’explique Kimberley Strassel dans The Wall Street Journal, les nouvelles pratiques rendues légales par la réforme électorale – la possibilité de s’inscrire le jour même du vote, le recours au vote postal à grande échelle et le « ballot harvesting » (la collecte et la remise de bulletins de vote par un tiers) – ont favorisé les Démocrates qui maîtrisaient ces processus sur le terrain beaucoup mieux que les Républicains. 

Le succès futur de ces derniers ne dépendra donc pas uniquement de leur capacité à exploiter la grogne, mais d’un retour aux fondamentaux des techniques de campagne électorale. 

Donald Trump a plus le profil d’un apprenti sorcier de la rage populaire que d’un architecte des procédures.



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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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