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Clochemerle à Trieste!


Clochemerle à Trieste!
Giorgio Almirante, secretaire du Mouvement social italien (durant un discours pour la campagne electoral en Italie le 22 avril 1972) Photo: Rue des Archives/CPA

À Trieste, malgré des pluies battantes, l’hiver sera chaud. Depuis que la majorité municipale d’union des droites a décidé de baptiser une rue du nom du dirigeant néofasciste Giorgio Almirante (1914-1988), les forces politiques se déchirent. Vent debout contre ce projet, l’opposition de gauche dénonce un coup de canif à l’histoire triestine et un hommage rendu aux heures-les-plus-sombres.

Replaçons cette initiative dans l’histoire de ce port de mer aujourd’hui si paisible (et qui entend le rester). Autrichienne pratiquement sans discontinuer de 1382 à 1920, la ville adriatique a longtemps incarné l’irrédentisme italien : dès la fin du XIXe siècle, sa population réclame majoritairement le rattachement à la mamma patria. Obtenue deux ans avant la marche sur Rome, l’annexion italienne de Trieste a laissé le souvenir des exactions fascistes contre la minorité slovène et les militants de gauche peu appréciés des squadristes.

« Cela risque de raviver des plaies chez les Slovènes… »

À la suite de la brève période d’administration directe par le IIIe Reich, puis d’une méchante guerre civile entre fascistes et communistes, Trieste fut déclarée ville internationale par les Alliés à la Libération.

C’est en 1953 qu’intervient Almirante. Le dirigeant du Mouvement social italien (MSI), adepte des discours de neuf heures (!) « s’est battu avec beaucoup d’autres hommes politiques pour défendre l’italianité de Trieste qui était un sujet de consensus dans le pays », indique à Causeur le romancier et grand connaisseur du fascisme Alberto Garlini. Une manifestation monstre d’un million de Triestins déferle alors pour exalter l’identité vert-blanc-rouge de la ville que convoitait Tito. Avec succès : le rideau de fer s’abat un peu plus loin à l’Est et l’épopée de « Trieste 1953 » devient un mythe néofasciste.

Officiellement, c’est pour célébrer l’« italianité » de la cité que la majorité des élus triestins entend honorer Almirante. Jeune vétéran de la république de Salo, l’apparatchik néofasciste fut l’homme de toutes les synthèses entre monarchistes, vieille garde mussolinienne et excités nazis-maoïstes (si, si, ça existait en Italie…). Une délégation du Parti communiste italien se rendit même à ses funérailles. Mais son come-back posthume est loin de faire l’unanimité chez les vivants. « Cela risque de raviver des plaies chez les Slovènes, mais aussi chez les descendants de communistes qui furent à la fois victimes et bourreaux des fascistes », s’inquiète Garlini. Pour l’heure, alors que les élus postfascistes exhortent la ville à appeler « Almirante » n’importe quelle rue, place ou jardin municipal, Trieste s’enfonce dans une impasse sans nom.

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Janvier 2018 - #53

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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