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Trump, celui qu’on réduit à un mot pour ne pas l’écouter

La grande inversion des accusations, une analyse politique de Charles Rojzman


Trump, celui qu’on réduit à un mot pour ne pas l’écouter
Manifestations "antifa" dans le centre de Washington lors de la parade militaire de Donald Trump, 14 juin 2025 © Diane Krauthamer/ZUMA/SIPA

Fascisme du passé et fascisme du présent


À l’ONU, Donald Trump a parlé comme un homme du réel. Ses phrases étaient martelées, brutales, mais elles portaient une vérité insupportable : l’Occident se défait de lui-même, il abdique, il se décompose. La réaction fut immédiate : les médias dominants le rangèrent parmi les « fascistes », ce mot magique qui permet de réduire un adversaire au silence, de l’excommunier sans procès. Fasciste, donc inécoutable. Fasciste, donc à abattre.

Le procédé est toujours le même : Tommy Robinson, qui a osé nommer les crimes de certains gangs musulmans en Angleterre, est réduit au statut de pestiféré ; Viktor Orbán, qui a rappelé que la frontière est une condition de survie pour les nations, est voué aux gémonies ; Marine Le Pen, qui incarne l’idée qu’il existe encore un peuple français, est jetée dans la fosse commune des « ennemis de la démocratie ». On ne discute pas avec ces gens-là. On les diabolise. On les extermine symboliquement.

Il n’y a plus de débat. Il n’y a plus que des anathèmes. La démocratie s’est retournée contre elle-même : elle ne supporte plus d’entendre ce qui la contredit. Et c’est dans ce retournement que gît le nouveau fascisme : dans cette manie d’exclure, dans cette compulsion à interdire, dans ce besoin de tuer la parole avant même qu’elle ne soit prononcée.

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Car le fascisme n’est plus là où l’on dit qu’il est. Il n’est pas dans ceux qu’on accuse — Trump, Orbán, Le Pen, Robinson — il est dans ceux qui accusent. Il est dans la meute progressiste qui s’arroge le monopole du Bien, dans les journalistes qui lynchent au nom de la morale, dans les étudiants qui brûlent des effigies de leurs professeurs, dans les milices antifascistes qui censurent au nom de l’antifascisme. Plus on élargit le cercle des « fascistes » désignés, plus on banalise le mot, et plus on perd la faculté de reconnaître le vrai fascisme lorsqu’il frappe.

Le fascisme du présent révélé par la violence politique

L’assassinat de Charlie Kirk, figure de la droite radicale américaine, n’est pas un fait divers : c’est un symptôme. Ce meurtre dit la vérité d’une époque où l’adversaire n’a plus le droit d’exister. L’élimination physique, médiatique ou symbolique est devenue la nouvelle norme. Les attentats islamistes en Europe, les intimidations sur les campus, les menaces contre ceux qui ne se plient pas au catéchisme progressiste : tout concourt à créer un climat où la violence remplace la dispute, où la peur supprime la parole.

Le militant politique américain Charlie Kirk photographié au Texas en avril 2025 © Meredith Seaver/AP/SIPA

On ne revient pas aux « extrêmes » : nous assistons au retour d’une structure, d’un mode d’être politique. Le fascisme réinvestit notre temps sous des formes nouvelles.

Le fascisme du passé

Celui du XXe siècle était clair : État total, culte du chef, peuple organique, mythe de l’unité, haine des ennemis intérieurs. Il écrasait la pluralité sous la botte et remplaçait la discussion par le cri.

Le fascisme du présent

Aujourd’hui, le fascisme ne s’avance plus avec des uniformes ni des drapeaux. Il a changé de masque. Il ne célèbre plus la nation, il glorifie la cause : celle des opprimés supposés, celle des minorités sacralisées, celle d’un islam présenté comme la revanche des humiliés. Il ne prêche plus l’unité du peuple, mais l’unanimité de la morale. Il ne parle plus au nom de la patrie, mais au nom de l’Humanité. Toujours la même logique : interdire la coexistence des vérités, abolir le conflit au profit d’une Vérité unique.

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On appelle ainsi souvent « fachos » ceux qui osent nommer le danger. Et ceux qui intimident, censurent, menacent au nom de l’antifascisme se vivent comme l’avant-garde du Bien ! Ce n’est pas un paradoxe : c’est le signe que nous sommes entrés dans une ère où le langage lui-même a été retourné comme un gant.

Expériences du réel

J’ai vu cela en Allemagne, quand j’ai réuni, dans des salles de Dresde, des partisans de PEGIDA, le mouvement hostile à l’immigration et à l’islamisation et des personnes favorables à l’accueil massif des réfugiés. Ce n’était pas une alliance, ce n’était pas un compromis: c’était le conflit, nu, exposé, douloureux, mais humain. Or, ce furent les autoproclamés « antifas » qui exigèrent l’interdiction de ces rencontres, lettres de dénonciation à l’appui. Voilà leur méthode : empêcher que la parole circule.

Je l’ai vu encore plus clairement dans les territoires palestiniens, quand j’ai rassemblé clandestinement Israéliens et Palestiniens pour qu’ils se parlent, s’invectivent, hurlent, mais se voient comme des êtres humains. Les rencontres furent interrompues. Des groupes palestiniens menacèrent leurs propres compatriotes de mort. Non pas parce qu’ils disaient telle ou telle chose, mais parce qu’ils osaient parler. Le fascisme, aujourd’hui, se définit par ce refus du dialogue : il ne supporte pas la confrontation verbale. Il condamne à mort ceux qui osent seulement ouvrir la bouche.

Une alliance paradoxale

Ce fascisme contemporain a selon moi deux visages : l’extrême-gauche et l’islamisme. Deux frères ennemis, deux totalitarismes qui se rejoignent dans la haine du pluralisme. L’extrême-gauche croit trouver dans l’islam une armée de substitution pour abattre l’Occident libéral.

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Elle fait semblant d’oublier que la religion, naguère opium du peuple, est aujourd’hui sa caution révolutionnaire.
Mais cette alliance est un leurre : l’ogre islamiste dévorera sans scrupule ses alliés gauchistes impies, comme il l’a déjà fait ailleurs…

Le défi démocratique

La vraie question n’est pas de neutraliser quelques groupuscules extrémistes. Elle est de savoir si la démocratie a encore la force de se défendre. Une démocratie faible s’excuse, s’incline, subit. Une démocratie forte nomme ses ennemis, accepte le conflit, assume la dureté du monde.

Conclusion : la matrice du refus

Hier comme aujourd’hui, le fascisme n’est pas seulement la violence, il est le refus du conflit.

Le fascisme d’hier abolissait les contradictions sociales au profit d’une unité factice. Le fascisme d’aujourd’hui interdit la parole divergente au nom de la morale. Dans les deux cas, la démocratie est remplacée par la peur et l’unanimité.

Le vrai visage du fascisme, ce n’est donc pas Orbán, Trump ou Le Pen. C’est cette société qui n’accepte plus la dispute, qui ne supporte plus la contradiction, qui interdit la controverse au nom du Bien. Dès que parler devient impossible, c’est la violence qui prend le relais. La démocratie ne peut survivre qu’en faisant exactement l’inverse: en rouvrant l’espace du conflit, en réhabilitant le droit de dire, d’écouter, de se contredire — même dans la douleur.

Le seul antidote au fascisme, quel que soit son masque, est là : dans le courage d’affronter la parole de l’autre. Pasolini l’avait prédit: le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascisme.



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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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