Le train sifflera trois verres


Deux micropolémiques ferroviaires ont émaillé le petit univers magique du net à la mi-juin, durant la grève des cheminots.

Côté droitosphère, une vidéo dénichée par Le Point a été aussitôt reprise en chœur par tout ce que la toile compte de redresseurs de torts affiliés à l’UMP, à l’UDI, ou au FN. On y voit des gars plutôt pompettes dans un poste d’aiguillage – où trône néanmoins une bouteille d’Evian. Certes, on ne sait pas lesquels de ces présumés cheminots sont en service, ni si leur taux d’alcoolémie excède le niveau légal, mais foin de précautions, on s’indigne à tout va, avec force trémolos et jeux de mots laids. Ainsi le blog libéro-libéral Extrême-Centre se déchaine : « Le bateau ivre de la SNCF : grève, alcool et sévice public. »

Ce n’est pas une vidéo, mais une photo qui a fait grimper la gauchosphère au rideau rouge.  On y voit une vingtaine de gardes mobiles sur le quai de la gare de Saint-Pierre-des-Corps, près de Tours. Ils étaient intervenus, nous apprend-on, après que 120 jeunes avaient foutu une pagaille monstre dans un TGV Toulouse-Lille. Le piquant de l’histoire est que les jeunes en question n’étaient pas des lascars gavés de chichon, mais des entrepreneurs passablement avinés, membres du Centre des Jeunes Dirigeants, en route vers le congrès de leur organisation. Bon, l’histoire est piquante, mais entre nous, y’a pas eu mort d’homme, ni même troussage, matraquage ou rançonnage, rien qu’un chahut de pochtrons. N’empêche que le site de la CGT Dieppe, par exemple, s’indigne de « la prise en otage d’un TGV par des patrons poivrots. »

Soyons clairs, je ne suis pas partisan de la bourrocratie sur le lieu de travail, ni dans les transports publics. Mais un soupçon d’alcoolémie vaut-il preuve pour flétrir l’adversaire de classe ? On ne parlera pas ici de relents prohibitionnistes ou de prémisses de charia, faut pas charrier ! N’empêche que la religion hygiéniste s’immisce dans nos mœurs tricolores, aidée dans son travail de sape identitaire par une intolérance idéologique dont le degré, lui aussi, est bien trop élevé.

 

 

 



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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