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Salon de l’Agriculture: Marine Le Pen récolte ce qu’elle a semé

Marine Le Pen a reçu un accueil bienveillant au Salon de l'Agriculture. "Causeur" a suivi son cortège dans les allées


Salon de l’Agriculture: Marine Le Pen récolte ce qu’elle a semé
Marine Le Pen au Salon de l'Agriculture, mercredi 28 février 2024 ©Alain ROBERT/SIPA

En France, qui veut gagner les élections se lève tôt pour labourer la campagne ! Nous avons suivi Marine Le Pen dans les allées du Salon de l’Agriculture. Le vote agricole fait l’objet de toutes ses attentions. Son parti estime que l’Union européenne a sacrifié les paysans français. Localisme, critique des normes et du libre-échange ou défense du glyphosate: le RN récolte ce qu’il a semé depuis longtemps. Habile politicienne occupant le devant de la scène politique depuis 20 ans, la cheffe des députés RN parvient à éteindre la polémique naissante sur les «prix planchers».


Il est un peu moins de 9 heures du matin, mercredi 28 février, et une trentaine de journalistes patientent déjà à l’une des entrées du pavillon 4. Le froid matinal est sûrement très bon pour le corps, mais le député de la Gironde Grégoire de Fournas observe que « ce serait bien qu’elle n’arrive pas trop tard, tout de même… ». La cheffe de la principale force d’opposition, Marine Le Pen, va bientôt recevoir un accueil bienveillant au Salon International de l’Agriculture (24 février-3 mars), porte de Versailles. Une maîtrise qui contraste avec la visite houleuse d’Emmanuel Macron, samedi. On aurait parié sur la présence de la patronne des députés RN le lendemain, mais priorité a été donnée à Jordan Bardella, la tête de liste aux Européennes.

Des passagers clandestins signalés Porte de Versailles !

Nombre de ténors sont présents devant les portes pour l’accueillir : Louis Aliot (le maire de la plus grosse ville aux mains de la droite nationale, Perpignan, et compagnon de Marine Le Pen entre 2009 et 2019), Sébastien Chenu (député du Nord, vice-président de l’Assemblée), Jean-Philippe Tanguy (député de la Somme, ancien bras droit de Nicolas Dupont-Aignan), ou Hélène Laporte (Lot-et-Garonne), notamment, ont répondu à l’appel. Ils s’affichent souriants et décontractés. Quelques minutes plus tard, leur patronne, Marine Le Pen, arrive à son tour, tout sourire également. « Ça va très bien se passer, comme pour Jordan dimanche et lundi, nous assure Grégoire de Fournas, nous bénéficions d’un accueil qui n’a rien à voir avec celui réservé à Emmanuel Macron. Le contraste est saisissant ! » Après avoir embrassé ses grognards de toujours, ceux de qui elle ne se séparera jamais, le petit voyage au Salon International de l’Agriculture de Marine Le Pen peut enfin commencer. Thomas Ménagé, député du Loiret, me confie: « On porte les revendications des agriculteurs depuis bien avant la crise agricole, on dit depuis longtemps qu’ils sont seuls contre vents et marées. »

Arrivée de Marine Le Pen. D.R

À l’arrière du cortège, persifleur, Jean-Philippe Tanguy dresse un premier constat. « Ce n’est effectivement pas très difficile de voir qu’on est mieux accueilli que Monsieur Macron… » Il charge le Premier ministre, Gabriel Attal, dont les propos tenus à l’encontre du RN ont ulcéré un parti persuadé d’être en train de parachever sa dédiabolisation[1] : « ils se sont effondrés moralement et idéologiquement. » Quelques heures plus tôt, le Premier ministre reprochait encore au RN et à Marine Le Pen d’être des « passagers clandestins » de la crise agricole, sur RTL. « Ils n’ont plus que des insultes pour faire croire que l’on a tort. Plus personne n’est dupe de cette surenchère grossière. »

Bien que l’affluence ne soit pas à son paroxysme ce mercredi matin, Marine Le Pen attire évidemment rapidement de nombreux badauds autour d’elle. Un jeune Savoyard brave la meute de journalistes qui entoure la députée, et lui demande un premier selfie. « Ça fera plaisir à Gabriel ! », plaisante-t-elle…

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« Laissez avancer ceux que je ne vois jamais ! » ordonne-t-elle ensuite en se retournant, avant d’attraper Louis Aliot par le bras pour le placer à ses côtés. Mais, alors que le stand de la FNSEA n’est plus qu’à quelques mètres, l’heure n’est plus à la plaisanterie… Avant de la recevoir, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, explique qu’il voit tout le monde, et confie à Causeur : « Ce qu’on veut, c’est porter une ambition pour l’agriculture, entendre ce que les différents partis politiques ont à nous dire, et on veut éviter de le faire dans cette ambiance de chaos que tout le monde a vue samedi. Ce salon est avant tout un endroit d’échange et d’accueil ! » Pendant 25 minutes, la patronne du groupe RN à l’Assemblée discutera avec lui en privé. Une discussion « très cordiale », selon un membre du staff du parti ayant pris part à la réunion. À présent, direction le pavillon 2.

Une erreur de jeunesse ?

A l’extérieur, Marine Le Pen tient à clarifier devant la presse les déclarations de Jordan Bardella. La tête de liste aux européennes, 28 ans, qualifiait lundi au micro de France Bleu le dispositif des prix planchers de « trappe à pauvreté ». Le dauphin de Marine Le Pen, qui peut reprocher à Emmanuel Macron de « dire tout et le contraire de tout », met son parti un peu dans l’embarras, car la mesure est défendue par le parti depuis 2012… Marine, qui en a vu d’autres, rectifie le tir : « J’ai relu les déclarations de Jordan Bardella, c’est exactement ce que nous proposons. C’est-à-dire un prix qui soit garanti. Mais l’objectif de cette intervention de l’Etat, c’est qu’il intervienne comme une garantie. Il y aura une discussion entre les différentes filières et les industriels, et s’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord, l’Etat, à ce moment-là, est arbitre. » Alors que des jeunes entonnent un « Marine présidente ! », un confrère demande quel est « son message » pour les agriculteurs en colère : « Soutien, soutien, soutien ! Un des grands combats que nous menons est contre le Pacte vert européen, qui est une injustice profonde pour nos agriculteurs. » La presse est priée de croire que l’incompréhension sur les prix planchers des matières premières agricoles est un incident à mettre au passé, et que ceux qui font mine de ne toujours pas comprendre ne sont pas très honnêtes. « Si on met en place des prix planchers en laissant les accords de libre-échange, en baissant la production agricole, en multipliant les normes environnementales qui renchérissent les prix, alors on crée un avantage pour les importations et un appauvrissement généralisé des agriculteurs ! » clarifie la députée d’Hénin Beaumont.

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Arrivée dans le pavillon 2, Marine Le Pen s’arrête au stand de la marque bio « Pomme Juliet » et rappelle l’importance des élections européennes à qui veut bien l’écouter. « La meilleure solution c’est que dans trois ans vous soyez la présidente, et pis c’est tout ! », lance un de ses interlocuteurs. « Commençons par aller voter aux élections européennes, portons un certain nombre de sujets, car beaucoup de choses viennent de l’Europe », lui rétorque-t-elle.

Un parcours sans embûches

Ensuite, dégustation de Riesling, alors qu’autour d’elle se débat une horde de caméras et de micros. « Il faut reconnaitre que Marine semble proche des agriculteurs », observe un passant. Une autre visiteuse semble moins emballée : « C’est Marine Le Pen ? Eh bien, on ne va pas s’arrêter alors… » Plus loin, malgré la majorité de sourires et de soutien manifestés dans les allées, l’invective « Fasciste ! » retentit à quelques reprises.

D.R

Enfin, à 11h, c’est le pavillon 1.  Dans la grande allée ou toutes sortes de races de vaches attendent le passage du cortège du RN, Sébastien Chenu et Joshua Hochart, sénateur du Nord, ont pris un peu d’avance. Ils écoutent trois exposants. L’un d’eux s’amuse : « Donc, nous les agriculteurs, on est catalogué Front national maintenant !? » Sourire des deux hommes politiques. Juste avant la traditionnelle visite de l’enclos de l’égérie 2024, Charles, 16 ans, étudiant en bac pro agricole, a eu le privilège d’échanger avec Marine Le Pen. « Je voulais dire à Madame Le Pen que c’est nous les acteurs de demain, et qu’il faut vraiment qu’elle nous aide. C’est un métier qui apporte beaucoup à la France, c’est toute notre culture. » Visiblement satisfait de son entretien, il nous dit qu’il l’a trouvée à l’écoute.


A noter, vers la fin de notre visite, nous avons aperçu le LR Laurent Wauquiez, et son cortège plus restreint, lequel est passé à une dizaine de mètres de celui de Marine Le Pen… À chaque jour suffit sa peine, nous parlerons des ambitions de cet autre « présidentiable » une autre fois !


[1] Lors d’une passe d’armes à l’Assemblée visant nommément Marine Le Pen mardi, le Premier ministre a estimé qu’il y avait « lieu de se demander si les troupes de Vladimir Poutine [n’étaient] pas déjà dans notre pays »





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